
nombre de perfonnes le fuspe&ent. Cela feul
ne montreroit - il pas combien on fe trompe «
quand on croit pouvoir fondèr la Morale rationnelle
fur le fentimentî
Je le; répète, je fuis bien loin de fuspeder le
coeur de l’Homme: mais il s’aveugle. A fes
premiers penchans naturels, qui le portent au
bien moral, fe joignent les paifions, qui fe dérèglent
fi elles ne font contenues. L ’Homme
alors devient vifionnairç; & on ne le perfuade
pas mieux, que s’il étoit en démence, tant
qu’ on n’a d’ autorités que chez lui. Ces premiers
monvemens du coeur ne s’éteignent point
fans doute ; & c’eft par eux que nous avons encore
quelque calpe dans la grande fociété, malgré
les principes qui s’en emparent de jour en
jour. Si l’Homme n’ étoit bon par fa nature,
ces iociétés feroient déjà détruites.
Je ne parle ici que des fondement de la M o r
a l e ; car fans doute que les hommes peuvent
mal faire en fe trompant, & qu’ils peuvent
être éclairés fur quelques points particuliers
par les IVIoraliftes. Mais cette première
propofition, il faut faire le bien, fi elle n’avoit
fa bafe dans le coeur de l’Homme, ne fauroit
être prouvée par le raifonnement. L ’Homme
donc y acquiefcera, parce qu’il en a le principe en
lui-même. Mais comment doit-il faire le bien?
En quelle occafion y e ft-il obligé? Tant qu’on
n’ interpellera que le coeur, & qu’on ne lui
montrera fes devoirs que par des raifonne-
mens, on aura contre foi toute la foule des pas-
fions, qui, auffi, fe feront emparées de fon
coeur, & qui lui parleront plus haut contre 1 objet
de la M o r a l e.
Les Déifies même fe flattent trop à cet é-
gard. Sans doute qu’ entre ceux qui n’admettent
pas de Révélation, ce font eux qui ont le
plus de droit à prétendre d’établir une bonne
Morale rationnelle. La- confidération d’ un Et r e
qui prend foin de l’Univers, qui veut le bien
de tous, qui dans une autre vie récompenfera
les hommes à proportion de leurs vertus, eft
un moyen extérieur, indépendant du caprice de
l’Homme, & qui peut oppofer quelque barrière
à fes paifions ; je fuis bien loin de le contefier.
Mais fi les hommes ne croyent pas avoir entendu
la volonté explicite de l’Etre fuprême, ils
viendront bien fouvent à fe dire : I l a fait aujjî
les paffions. Chacun alors plaidant pour la fien?
n e , même en condamnant celles des autres, on
aura, non feulement fur les détails, mais furies
points importans, autant de fyftêmes de M o r
a l e , qu’il y a de penchans divers chez ley