
du fujet, détermine celle du degré de précifion
où l’on doit parvenir avant de conclure, & je
m’en rapporte au Leéteur judicieux.
Je ne parlerai ici que d'une des efpèces de
phénomènes qui peuvent tenir à la queftion; &
je le ferai, parce qu’on n’en trouvera presque
rien dans l’Ouvrage même; je veux dire des
jprogrès des fciences. Je ne les ai pas placés au
nombre de mes preuves; parce qu’ils tiennent
à trop de caufes accidentelles. Mais on pourrait
me les oppofer, fi je n’en difois rien.
On a fi Iongtems difputé fur le mérite comparat
if des Anciens & des Modernes, fans s’accorder »
qu’on pourroit conclure de cette difficulté de décider
entr’eux, que les progrès des fçiences font
au moins bien lents; & que parconféquent
leur origine date de fort loin. Je crois donc
néceiraire de montrer i c i , que cette conclufion
feroit fans fondement, quant à la claife de fciences
qui feule a du rapport avec notre queftion.
S’il s’agiffoit de comparer le génie des Anciens
à celui des Modernes, je me ga-rderois bien de
prendre part à la controverfe. Les Anciens font
cachés pour nous dans les nuages dupaffé & d e
leurs langues; & il m’a toujours paru, qu’avec
de l’efprit, on pouvoit les relever ou les abais-
fer à fon gré. Je ne parle donc que du favoir^
& c’ eft fur ce point feulement qu’ on peut les
Comparer aux Mùdernes avec quelque certitude.
Il y a même une diftinition très effentielle à
faire, relativement à notre objet, dans les clas-
fes des fciences. Car il y en a qui tiennent à
l’expérience, & d’autres qui ne dépendent que
du raifonnement. Je joindrai même les Arts
dans cette diftindtion, en l’établiffant d’entrée.
La Géométrie, par exemple, en tant qu’ en-
feignée, fe trouve comprife au rang des feien*-
ces : mais elle eft de la claife de celles qui ne
tiennent qu’au raifonnement; & parconféquent
le tems n’a point de liaifon néceffaire avec fes
progrès. Les axiomes qui fondent la Géométrie,
purent fe préfenter à l’efprit des premiers hommes
qui commencèrent à réfléchir ; & toutes leurs
conféquences, qui font la Géométrie elle-même,
pouvoient à la rigueur être déduites par un feul
homme. Il fuffifoit pour cela, qu’il eût cette
imagination v iv e , qui fait palfer en revue à
l’ efprit les différentes combinaifons des objets
fimples; cette atteption foutenue, qui faifit fuc-
ceffivement des rapports; cette mémoire aifée
& fidèle, qui les tient fans ceffe préfens dans
leur enfemble ; & ce génie, qui fait lier par lés
chaînons les plus fimples, les dernières confé-
quenc$s avec les principes. Si donc, les premiers