
fient i , eft incapable de fentir pour toute l’éternité
; ce n’ eft point l’objet du Pouvoir. Sentir,
je le répète, eft un effet, qui a fa caufe dans la
pâture de la fubftance /entante. Dieu a fait des
fubftances Jentamai niais elles ne font pas les
ingrédiens du Monde phyfiquc. C’cft boulever-
fer la Philofophie,que d’attribuer ainfi des qualités
aux Subfiances, pour les faire devenir ce qu’on
veut. Ce n’ eft pas chercher à connoître l’Unu-
vers, c’ ëftTe fabriquer foi-même*
On voit donc pourquoi il faut être rigide dans
les définitions. Car f i , confondant ce que nous
connoiffons réellement de la Matière, avec des
hypothèfës, on prétendoit expliquer ŸAme par
des qualités occultes matérielles, comme les Anciens
expliquoient toùt; ce feroit vouloir, pour
le feul plaifir de faire' des hypothèfës, ôcer à
l’Homme le bonheur du Sentiment, qui l’ifole
des viciflitudes de la Matière. Et en vérité ce
plaifir là n’eft ni aflez raifonnable, ni aflèz humain,
pour mériter qu’ on le refpeéte. Il me
paroît bien extraordinaire, qu’on fe foit rendu
rigoureux fur des lignes, fur des Formules, fur
des obfervations phyfiqucs; & qu’ on ne eoule
fur la mauvaife Logique,que dans ce qui inté-
refie le plus l’Homme.
Et ce n’eft pas à l’ égard d e . l’Homme feulement
que les hypothèfës gratuites fur la Matière
font tolérées. On n’accorde fouvent à cette
Sub fiance des propriétés incompréhenfibles, con-
tradiétoires même, que. pour pouvoir la faire
agir feule & néceffairement; k. pour fe pafîer
ainfi d’un prémier branle donné à l’Univers, d’ une
premièrë Caufe intelligente à laquelle foit attribué,
l’ordre qui y règne. En un mot, on enlaidit
la Nature , on lui ôte l’ intérêt pour l'Homme
penfant, on en bannit le vrai bonheur pour
l’Homme fenfible , on en ôte les barrières pour
l’Homme corrompu; & pourquoi?*... Je crois
que c’ eft parce qu’on eft entraîné uniquement
par le plaifir aveugle des hypothèfës. Mais nè
fera-t-on jamais fenfible auxfoupirs que pous-
fent ceux à qui, par ce..dangereux amufement,
on enlève l’Ancre à.laque lie" ifs’ et oient fixés, &
qui fe trouvent ainfi livrés à la merci de tous
les orages?
Mon intention n’ eft pas de fuivre ici les
conféquences morales de ce Syftême : tout mon
Ouvrage a pour but d’en montrer le fombre
autant que la frivolité ; & ici même, quand
j’aurai prouvé que la Matière n’explique pas
l’Homme, j’aurai montré à plus forte raifon
qu’elle n’ explique pas l’Univers, fes L o ix ,