C H A P I T R E V I L
D e la conftruaion des jettées & digues de maçonnerie, à
l ’imitation de celles qui fo n t exécutées à Cherbourg & à la barre
de Bayonne ; fu iv ie de la defcription des pontons & radeaux
dont on fe fert pour diriger le courant des eaux qui lâchent les
éclufes dejünées à curer les ports,
L E pûx exeeffif où font montés les bois par leur rareté dans
une partie de l’Europe , & les réparations continuelles qu’exigent
les jettées de charpente qu’il faut renouveller au bout de
trente ou quarante ans, parce que les dépôts du limon de la
mer en occafionnent la pourriture , à quoi fe joignent auffi en
bien des endroits le choc & le frottement du galet qui les dé-
truifent à la longue, font autant de motifs qui déterminent aujourd’hui
à prendre le parti de les conftruire en maçonnerie,
malgré les difficultés d’en affeoir les fondemens ; mais le chapitre
précédent n’en fera pas moins utile pour les ports qui font
privés d’avoir de la pierre propre à bâtir dans l’eau , & qui
peuvent s’en dédommager par l’abondance des bois. Cependant
l’on parvient à fonder dans la m er, lorfque ce travail eft conduit
avec toute la fageffe qu’il demande, car il y a diverfes maniérés
de remplir la même fin : le point capital eft de çhoifir
celle qui convient le mieux à la mer dans laquelle on doit
travailler ; ce qui eft propre pour l’Océan , ne pouvant guere
avoir lieu dans la Méditerranée ; fans parler des effets de l’une
& de l’autre, eu égard à la fituatipn des lieux, qui occafionne
autant de méthodes différentes, dont chacune a fes réglés établies
fur le raifonnement & l’expérience.
Ce font toutes ces méthodes que je me propofe d’enfeigner
avec d’autant plus de foin , qu’un fujet fi important n’a pas encore
été traité, parce que pour s’en bien acquitter , il falloit
s’appuyer fur çequi a été exécuté de mieux, & qu’on ne pouvait
en avoir une parfaite connoiffance que de ceux même à qui
le fuccès en eft dû ; c’eft à quoi je fuis parvenu, comme l'on
ep va juger, en expliquant ce qui a été fuivi en defniçr beu 4
CHAP .VII.DES JETTÉES ET DIGUES DE MAÇONNERIE. 1 19
Cherbourg & à Bayonne, & qui peut s’appliquer principalement
aux travaux faits dans l’Océan , après quoi l’on trouvera
dans les chapitres I X , X & X I , ce qui convient particuhére-
ment à la Méditerranée.
S E C T I O N P R E M I E R E .
Où /’ on enfeigne de quelle maniéré ont été' conjlruites les jettées
faites au port de Cherbourg.
750. Quand on veut conftruire des jettées de maçonnerie, il
faut, avant toutes chofes, faire une jufte eftimation delà profondeur
à laquelle le chenal doit parvenir, afin d’établir les fondemens
des jettées à 3 ou 4 pieds au-deffous de cette profondeur,
pour qu’ils ne puiffent jamais être endommagés par le courant,
loit de la riviere, fi c’en eft une qui le forme , foit de la part de
la retenue des éclufes ; obfervant, pour plus de sûreté, de garantir
les bords intérieurs & extérieurs des mêmes fondemens
par une file de palplanches, dont la ventriere réponde à la première
retraite, faite à un pied plus haut que les baffes mers des
vives eaux ordinaires , comme on le voit repréfenté aux figures
3 & 8 de la planche X I , qui comprennent les profils des
jettées de Cherbourg.
Après qu’on y eut fait ces obfervations relativement à la profondeur
du chenal, que l’on comptoitexcaver de 9 à 10 pieds
plus bas qu’il ne l’étoit , on vit qu’il falloit que la première
affife des fondations pour les jettées, fut pofée à 12 pieds au-
deffous du niveau de l’eftran, par conféquent combien il feroit
difficile & difpendiéux de faire des batardeaux affez forts pour
foutenir le poids & le choc de la mer ; que quand même 011
reuffiroit, on ne pouvôit fe flatter de jamais parvenir à épuifer
l’eau du fond des tranchées, qui devoitfe trouver de 22 à 23
pieds au-deffous du niveau de fes vives eaux ; d’ailleurs qu’il
faudrait détruire & refaire ces batardeaux à mefure que l’on
avancerait, ce qui feroit perdre beaucoup de teins; ainfi l’on
refolut de s’en paffer tout-à-fait, en ne travaibant que par parties
pendant l’abfence de la mer, & toujours fucceffivement fur une
longueur proportionnée au tenrs dont on pourrait jouir.
7 51. Avant que d’entrer dans le détail de la conduite que l’on
a fuivie pour ce travail, il eft bon d’être prévenu que le corps de
Maximes
f ur la maniéré
de bien établir
les jettées de
maçonnerie.
Pt.XI.fis, a
Explication
des profils qui
ont feryi à