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Exemple inf-
truéiif tiré
à'Un projet de
canal pour remédier
au défa
u t de l'em?
bouchure du
Rhône.
338 A r c h i t e c t u r e H y d r a u l iq u e , L i v r e IV.
marées qui occafionneroient des enfablemens , de crainte
qu’elle n’ait par la fuite le même fort que l’ancienne. Comme les
exemples font plus propres que de grands raifonnemens pour
inftruire, je vais rapporter ce qu’il conviendroit de faire au
Rhône, afin de remédier au défaut de fon embouchure, dont
j’ai déjà fait mention dans les articles depuis 707 jufqu en 7 1 0 ,
qu’on feroitbiende relire de nouveau pour les marier avec ce qui
fuit.
106 5. Le Rhône, nourri par les eaux qui viennent des montagnes
, charrie une quantité de limon qui étant repouffé par la
mer fe dépofe à fon embouchure, dont l’entrée & la fortie ont
toujours été des plus périlleufes. Cependant la néceffité d’y remédier
étant devenue toujours plus preffante, M. le maréchal
de Vauban reçut fur la fin du dernier fiecle un ordre de Louis
le Grand de fe rendre eu Provence , pour examiner ce qu’il y
auroit de mieux à faire. Après avoir reconnu le cours du Rhône
depuis Tarafcon jufqu’à la mer, il décida qu en partant de cette
ville ou de celle à’A r le s, il falloit faire un canal de navigation
le long de la rive gauche de ce fleuve, en profitant des robines
qui fervent à l’écoulement des eaux du pays, & le faire aboutir
au port de B ou c, & non pas directement à la mer, par l’étang
du Landre & du Galajon, parce que les vents du nord & du
fud-oueft, qui régnent ordinairement fur cette côte , ne manqueraient
pas de retarder pendant long-tems l’entrée & la fortie
des bâtimens. Que d’ailleurs il fe formerait à cette nouvelle
embouchure des attériffemens aulîi préjudiciables qu’à 1 ancienne.
Ce projet renouvellé depuis quelques années par M. le
maréchal, duc de Belle-ifle, elt le feul dont l’exécution puiffé
rendre l’embouchure du Rhône exempte des malheurs qu’on y
éprouve. Ceux qui connoiffent le local, par une longue fuite de
remarques, foutiennent que quelque depenfe que 1 on faffe au
canal de l’A u n e , on ne parviendra jamais à le rendre confiant-
ment meilleur,& que les remedes ne feront que de peu de durée,
comme il a paru jufqu’ic i, parce que la caufe du mal ne pouvant
être détruite,les accidens qui s’enfuivent iront toujours en
croiffant. En effet, comme on ne peut empêcher que le Rhône
ne charrie du fable qui fe dépofe à fon embouchure, & que la-
mer, pouffée par les vents du large ,n ’en ajoute elle-même à
ceux-ci, on aura beau faire de nouvelles jettées, il ne s’en formera
pas moins des dépôts. Il efl vrai que les eaux douces en-
caiffées vers l’embouchure,fe gonfleront,faute de pouvoir s’étendre,
& occafionneront pendant quelque tems plus de profondeur;.
c h a r . I I I .d e s E c l u s e s p r o p r e s a u x r i v iè r e s . 339
ou qu’à mefure que l’on anticipera fur la mer, y trouvant un
fond plus bas, ces dépôts feront plus long-tems à fe faire fentir ;
mais à la fin venant à remplir le nouveau lit, les dernieres jettées
deviendront aulîi inutiles que celles qui les précédoient.
Si l’on a la confiance de les prolonger à mefure que la néceffité
le requerera, l’embouchure ayant toujours le même fo r t ,
on n’en fera pas plus avancé, & les bancs ne feront que s’y multiplier,
l’expérience du paffé annonçant ce qu’on peut attendre
de l’avenir. Croiroit-on que depuis l’irruption du Rhône , arrivée
en 1 7 1 1 , jufqu’en 1749 , ce fleuve, dans l’efpace de 40
ans, a fait des dépôts fous l’eau & des attériffemens qui fe font
fucceflivement étendus à la mer, jufqu a deux mille fept cens
toifes, c’ell-à-dire, à plus d’une grande lieue au-delà des anciennes
bornes du rivage.
Si le projet de joindre le port de Bouc au Rhône par un canal
de navigation n’a pas eu lieu jufqu’à préfent, cela vient de
ce que ceux qui l’ont eu en vue en différens tems fe font laif-
fés effrayer par le travail qu’offroit la montagne, compofée en
partie de rochers, qu’il faut couper pour entrer dans le port de
B o u c , parce que ce projet n’avoit pas été jufqu’ici examiné fé-
rieufement, pour juger fi on pouvoit raifonnablement l’entreprendre;
mais par l’eflimation qu’en a faite, en 1750, M. Milet
de Monville, ingénieur en chef à T o u lo n , plus capable que
perfonne d’en bien juger, on efl fûr qu’il n’en coûtera tout au
plus que deux millions. Pour cela, il faut que le canal partant
du port de Bouc , vienne aboutir au Rhône proche l’églife de
S. Trophime parle chemin le plus court, qui n’efl que d’environ
cinq lieues ; fa largeur doit avoir cinq toifes de plafond , fur
une profondeur de fept pieds au-deffous des plus baffes eaux de
la mer, qui l’entretiendra par l’embouchure du port de Bouc.
Pour qu’en tout tems les bâtimens puiffent paffer du canal dans
le Rhône, & réciproquement, à quelque hauteur que foient les
eaux de ce fleuve, il faudra un fas à deux éclufes près de S.
Trophime, articles 1051 & 1052.
Il y a peu de projets de la nature de celui-ci qui préfentent
moins de difficulté dans l’exécution, & plus d’avantage dans la
jouiffance. Ce canal entretenu par la mer fur la profondeur de
fept pieds dans le tems de fes plus baffes eaux, n’en manquera
jamais. Comme il ne fera point expofé à recevoir les eaux bour-
beufes du Rhône., 'ni les enfablemens de la mer, qui n’aura
avec lui qu’une communication indire&e, les dépôts ne s’y
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