
Remarque
fur la guerre
de Hollande
en I6j z 3 à
l ’occafion des
te’.ufes de
M.uyden.
1 4 4 A r c h i t e c t u r e H y d r a u l iq u e , L i v r e III.
fleuve jufqu’au port d’A nvers, ces derniers voyant que leurs
confédérés n’avoient pu parvenir à rompre ce pon t, prirent le
parti de couper les digues du fleuve pour faire palier la mer
dans le pays, & frayer par-là un chemin à leur flotte. Le duc
de Parme qui avoit prévu ce deffein, & en conféquence fortifié
ces digues par des forts placés de diftance en diftance, difi-
puta ce nouveau paffage avec tant de vigueur que les Hollan-
dois, dont quelques vaiffeauxcheminoient déjà vers la ville,
furent obligés d’abandonner leur entreprife après un combat le
plus extraordinaire qui fut jamais. Comme les circonftanees
remarquables qui ont accompagné les a fiions de ce fiége, qui
a duré un an , ne peuvent être bien rendues que par le détail
qu’en fait Strada dans fon hiftoire des Guerres de Flandres,
tome III, j’y renvoie.
93 3. Peu de perfonnes lettrées ignorent qu’en 16 y i, lorfque
Louis X IV porta la guerre en Hollande , cette république dut
fon falut au parti qu’elle prit d’arrêter par des inondations les
fuccès du vainqueur. L ’armée de France, qui s’étoit' mife en
pofléffion en moins de trois mois de fes meilleures places, avoit
pouffé fes conquêtes jufqu’aux portes d’Amfterdam , par la
prife de Naerden, à trois lieues de cette capitale, qui auroit
ouvert fes portes au ro i, fi les François s’etoient empares,
comme ils le pouvoient, de Muyden, qui en eft comme la clef.
Fjtam maître de ce polie , on l’étoit auffi des éclufes que nous
â&ons décrites (art. 511 ) , point effentiel pour prévenir le dom-
mage qu’on en pouvoir recevoir. Cette expédition etoit d autant
plus ailée, que le prince d’Qrange avoit négligé d’y mettre
une garnifon ; mais Maurice de Naffau, qui en fentit toute
l ’importance, s’y étant rendu avec un corps de troupes, fon
premier foin fut d’ouvrir ces éclufes pour laiffer un libre paffage
à la mer, laquelle inonda fur le champ le pays ,, & arrêta par-
là le progrès des armes de France.
La même année , le roi ayant pris Maeftricht dans le mois de
ju in , avoit formé le deffein d'affliger immédiatement après
Bois-le-Duc & Breda ; mais bien inftruit que de vailes inondations
rendoient ces places inacceffibles,. il ne pouffa pas plus
leftn les conquêtes de cette campagne. Je ne finirais pas, fi je
voulois rapporter tous les cas où les eaux ont fervi à arrêter les
progrès de ce monarque dans le cours de cette guerre, & les
autres occafions mémorables où elles ont facilite à une petite
garnifon le moyen de foutenir un long fiége, par l’avantage de
ne faire face que d’un feul côté ; au lieu que fans leur fecours
C h a p . X I II. d e l ’u s a g e d e s e a u x a l a g u e r r e . 145
l’ennemi fe fiât prévalu de la néceflité où il auroit mis les affligés
de fe. partager.
934. Ce n’eft pas feulement dans la guerre défenfive que les
eaux peuvent être d’un grand fecours , on peut auffi s’en
fervir pour l’offenfive, en les faifant refluer contre l’ennemi,
& le contraindre par-là à fubir la loi qu’on veut lui impofer. Il
eft furprenant qu’on n’ait point tiré de cette maniéré d’attaque
tout le parti dont elle peut être fufceptible.
Dans le tems que la France étoit déchirée par la ligue , la
ville de la Fere étoit une- des plus échauffées contre le parti
d’Henri I V , par les menées d’un nommé C o la s , à qui les Ef-
pagnols en avoient donné le commandement. Cette place tra-
verfée par la riviere d’Oife dans une prairie bordée de coteaux,
paffoit pour la plus forte de la Picardie , & fe trouvoit la feule
du royaume qui reftoit à foumettre , ce qui engagea le roi en
1595 d’en faire le fiége en perfonne. L’entreprife étoit difficile
& paroiffoit demander beaucoup de tems, parce qu’on 11e pouvoir
en approcher que par les chauffées des portes de Notre-
Dame & de Saint-Firmin, bien fortifiées par de bons dehors,
fans parler de la citadelle qui protégeoit encore cette derniere ,
répondant au côté qui paroiffoit le plus acceffible ; car les
autres ne Tétaient point, à caufe des inondations qui s’éten-
doient fort loin, fur-tout du côté du nord.
Il y avoit déjà du tems que le roi avoit entamé ce fiége &
qu’on avoit dreffé plufieurs batteries qui n opéraient pas grand’-
chofe, à caufe de leur extrême éloignement de la place, ce qui
en rendoit la prife fort incertaine, fur-tout dans une faifou
auffi avancée qu’au mois de novembre où Ton étoit alors, lorfque
ce prince, pour accélérer fa conquête, eut recours à uni
moyen qui lui réufiit.
Ayant choifi à un quart de lieue au-deffous de la ville l’endroit
le plus étroit de la prairie , où.fa largeur d’environ trois
cens cinquante toifes eft bornée de droite & de gauche par les
coteaux répondant aux villages d’Andelin & de Bautor ; il y
fit faire une digue qui fut élevée à la fois par fes deux extrémités
, pour être conduite fur une même ligne droite depuis les
coteaux précédens jufqu’au bord de la rivière d ’Oife qui paffe
dans le milieu de leur intervalle ; lorfque cette digue fut achev
é e , on en joignit les deux bouts par un batardeau qui traver-
foit la riviere. Alors arrêtée dans fon cours, elle reflua jufques
dans la ville, quelle inonda fur la hauteur de plufieurs pieds,
On petit
dans certain?
Cas faire refluer
les eaux
d une riviere
pour prendre
les places.
Exemple tiré
du fiége de la
Fere , par
Henri IV en