
4 7® A rchitecture Hydraulique , Livre III.
exécuter fans interruption tout ce que nous venons d’expofer §
qu’il empêchera le mineur ennemi de s’attacher au pied du revêtement
des ouvrages , parce que s’il entreprenoit d’y faire
breche par la mine , quand le folié fe trouvera à fe c , on fera
toujours â portée de le noyer dans fon trou.
J’ajouterai qu’il feroit bon d’avoir une cunette dans le milieu
du folTé de la place qui fut aboutir par des rigoles aux petites
éclufes d’où partent les eaux, afin de recevoir celles du fond,
quand après avoir inondé ce folfé, on jugera nécelfaire de le
mettre à fec. Il feroit auffi convenable de faire une petite éclufe
au pied de chaque banquette, dans l’intérieur des caponieres ,
répondantàun aqueduc qui pafferoit fous le parapet, pour joindre
la cunette, afin de s’en fervir au lieu de coupures pour cau-
ferles torrens dont je viens de parler. Je laiffe cet expédient à
la difcrétion de ceux qui voudront faire ufage des moyens que
je propofe de défendre les foffés par le jeu des eaux, les priant
de ne confidérer mes idées que comme un acheminement qui
pourra leur en faire naître de meilleures, & c’eft tout ce que je
defire.
C e feroit ici l’endroit de m’étendre fur ce que l’on peut exé- ,
cuter de merveilleux delà part des mines & de l’artillerie, pour
défendre les battions détachés, ou que l’on a retranchés à la
gorge ; mais par-là j'anticiperois fur le premier ouvrage que
l’on attend de ma plume : c’eft pourquoi j’y renvoie, aufli-bien
que pour l’explication des endroits fur lefquels je n’ai fait que
gliffer, & que j’ofe dire mériter la plus férieufe attention, quand
on voudra faire un bon ufage de la poudre & n’en pas brûler la
plus grande partie en pure perte.
Je dirai cependant que quoique les breches foient praticables,
ce n’eft pas uneraifon qui puiffe autorifer une place à fe rendre,
tant qu’elle ne fera point en danger d’être emportée d’affaut ;
c’eft même le tems où le fort de l’ennemi fera le plus à plaindre,
par la difficulté d’entamer l’enceinte , fi elle eft ifolée,
comme dans la partie gauche de notre plan. Que ne lui en coûtera
t-il pas pour faire palier du canon dans les battions attaqu és,
fi les breches font battues en dedans comme en dehors, & le
terre-plein labouré de toute l’artillerie des collatéraux, parce
que je fuppofe qu’on rafera fubitement avec la poudre tous les
parapets de ceux qui feront attaqués , dès qu’on fera obligé de
les abandonner, afin de ne point lailfer d’épaulemens à l’affié-
géant & de pouvoir le découvrir en plein, de front, de flanc &
de revers. Je pâlie fous filence les bombes, les pierres,, & tous les
CHAP. X I I I . DE L*USAGE DÉS EAUX A LA GUERRE. 1 7 1
feux d’artifices dont il fera accablé, & les mines qui ne bifferont
fubfifter aucun de fes logemens, qu’on pourra culbuter autant
de fois qu’il les rétablira, fi ces mines ont été diftribuées
comme je fens qu’elles peuvent l’être. Je demande fi ce n’eft
pas là le tems du fiege où l’on peut le mieux déconcerter l’ennemi
le plus opiniâtre, fur-tout quand il verra fes communications
avec la contrefcape fans celle coupées par le mouvement
des eaux du grand folié.
975. Je crois n’avoir pas befoin d’obferver que toutes les
éclufes font ici parfaitement à l’abri du canon de l’alfiégeant, &
diftribuées de maniéré que , moyennant les parapets des caponieres
, les eaux fe trouveront partagées quand on voudra dans
de grands balfinsindépendans les uns des autres; d’où il fuit que
fi par la difpofition des environs de la place, quelque partie de
folié pouvoit être faignée, Ce feroit fans préjudice aux autres ,
ni aux effets qu’on doit attendre des balfins précédens, comme
on en fera convaincu pour peu qu’on y réfléchiffe. Le feul inconvénient
à craindre eft que l’ennemi prévenu de la peine
qu’il doit effuyer de la part des eaux, ne prenne le parti de détourner
la riviere au cas que cela foit poflible : alors fuppofant
qu’il puiffe y parvenir, il faut, dès que l’on verra qu’il a déterminé
fes attaques , remplir provilionnellemeut d’eau tous les
foffés des côtés oppofés,qui en fourniront autant qu’il en faudra
pour exécuter les opérations précédentes.
976. Voilà un crayon du bon ufage qu’on peut faire des
éclufes pour la dêfénfe des places , à laquelle on peut donner
encore beaucoup plus d’étendue, comme je le ferai voir dans
le traité de fortification, que je promets depuis fi long-tems. Si
je diffère toujours de le publier, c’eft qu’un fujet auffi épineux
ne fauroit être travaillé avec trop d’attention: fi j’avois été moins
difficile, il y a plus de vingt-huit ans qu’il feroit au jo u r , à la
vérité dans un état, quoique paffable, dont je ferais peu fatif-
fait aujourd’hui, que l’expérience & de continuelles méditations
fur ce qui appartient à la guerre des fieges, m’ont fourni des
connoiffances au-deffus de celles qu’on a vulgairement.
Si l’on a bien faifi les vues que je viens d’èxpofer, on conviendra
qu’il n’eft guere polfible de tourmenter davantage l’af-
fiégeantque j’ai infinué qu’on pouvoit lé faire , fans fatiguer la
garnifon, puifque le fort de la défenfe roulera fur l’artillerie ,
les mineurs & quelques éclufiers dirigés par ceux qui auront la
confiance dun gouverneur réfolu de fe bien défendre.
Remarque
fur 1'attention
qu’on a eu de
de dérober ici
toutes leséclum
fes au canon
de l'ennemi. Ce
qu’il peut faire
pour éviter
l’aSlion des
eaux précèdent
tes & le moyen
d’obvier à tout
inconvénient *
On trouvera
dans le traité
de fortification
que l ’auteur
def ine au
public, des
exemples encore
plus variés
de l'ufage
qu’on peut
faire des eaux
pour la défenfe
des places.