'34î A r c h i t e c t u r e H y d r a u l iq u e , L i v r e IV.
rée du travail ; c’eft-â-dire, que s’il doit durer fix ans , ce fera
deux mille liv. qu’il en coûtera par année pour chacune des deux
premières lieues quarrés attachées au canal ; ainfi des autres à
proportion de leurs taxes. M. de Vauban voudroit, avant que
de commencer l’ouvrage, que l’on eût en caille la moitié de ces
levées, afin d’avoir des fonds pour ne pas le laiffer languir. La
fouille du canal pouvant fe faire par les habitans de chaque
lieue quarrée, il ne fortira d’argent de leur pays que ce qu’il
en faudra pour lés matériaux qui ne s’y trouveront pas : fi les
levées parodient encore trop fortes en répandant les 80000 liv.
fur fix années, on pourroit en prendre 8 , 1 o , & jufqu’à 12 ,
& même emprunter de l’argent à un intérêt raifonnable ; alors
les communautés pourraient engager leur part du canal, c’eft-
à-dire, de fon produit jufqu a parfait paiement ; mais ces dettes
une fois acquittées , il faudrait affranchir la navigation de tout
péage, & quelle n’eût d’autre impofition que précifément ce
qui fera néceffaire à fon entretien & aux gages des éclufiers :
encore vaudroit-il mieux que ce qu’il faut pour cela futimpofé
à perpétuité fur les lieues quarrées précédentes , en fuivant la
même proportion qu’on aura établie pour là dépenfe de la conf-
truftion, afin que la navigation fut totalement libre. C ’eft le
moyen de rendre le débit des denrées plus abondant & plus recherché
; le roi en profitera confidérablement, parce que tous
les biens vôifins du canal augmenteront de prix,parconféquent
les taxes à proportion , & que les terres en feront beaucoup
mieux cultivées. Pour s’en convaincre, il ne faut qu’examiner
les pays traverfés par des rivières navigables ; on verra une différence
totale entre le prix des héritages qui en font près, d’avec
ceux qui en font éloignés, quoique de même fertilité. LeS villes,
bourgs & villages , fîtués le long des rivières navigables , font
bien mieux bâtis, plus peuplés, & plus vivans qu’ailleurs : les
pays voifins, en bonne culture, & bien autrement en valeur
que ceux des lieux où il n’y a point de navigation. Dans ces dernières
, les terres y font le plus fouvent nonchalamment cultivées
, parce que le débit des denrées manquant,les habitans ne
travaillent guere que pour leur propre fùbfiftance.
C e que nous difons ici pour une navigation, devant s’entendre
pour toutes les autres dont le royaume peut être traverfé’,
on vo it, continue M. de Vauban, qu’on peutfaire de la France
le meilleur pays du monde, en joignant à ce qui précédé l’arro-
fement des cantons arides, & le defféchement de ceux qui font
marécageux.
C h a p . IV. d e s C a n a u x e x é c u t é s p a r l e s a n c ie n s . 343:
C H A P I T R E I V .
D e s canaux de navigation les plus célébrés y exécutés par les
anciens.
1068. J 1 e commerce efl le plus folide fondement de la fo-
» ciété civile, dit M. Rollin * , & te lien le plus néceffaire pour
33 unir tous les hommes entr’eux , & même les habitans des
» pays les plus éloignés ; par fon moyen le monde entier ne
jj femble plus former qu’une feule famille , il fait régner de
53 toute part une abondance univerfelle : les- richeffes d’une
33 nation deviennent celles de tous les autres peuples , nulle
33 contrée ne fe fent de la ftérilité, tous fes béfoins lui font apr
33 portés des extrémités de l’univers, & chaque région efl éton-
33 née de voir chez elle en abondance lés fruits étrangers què
33 fon propre fonds ne pouvoit lui fournir >3.
Perfonne n’ignore aujourd’hui qu’il efl le feul moyen de rendre
un état floriffant & de le faire refpeéler de fes voifins , en.
facilitant l’éclat dés conquêtes ; mais fi le commerce par la navigation
du dehors procure tant d’avantages, il efl naturel d’en
inférer que le commerce de la navigation du dedans doit produire
en petit le même effet, ce qui fe peut en rendant toutes
les rivières navigables & en les joignant par les canaux, afin
d’établir une navigation générale, par laquelle chaque province
ait la facilité d’acheter de fon fuperflu le fùperflu d’une autre, &
de fe fournir réciproquement le néceffaire & le commode. C ’eft
par les canaux que les voitures & les bêtes de charge devenues
moins néceffaires, peuvent être employées plus utilement au
labourage ; c’eft par eux que bien des terres arides deviennent
fertiles, ou qu’on parvient à en deflecher d’autres aquatiques
qui font fans valeur. C ’eft par eux qu’un grand nombre de fabriques
exigent moins d’hommes & de dépenfes pour être entretenues
; c’eft par eux que le trafic peut animer toutes les parties,
d’un état, y faire régner l’abondance,.procurer le bonheur des
peuples, & donner plus d’étendue à lapuiffance du fouverain..
Enfin ils attirent & facilitent le prompt débit des denrées de.
cinq ou fix lieues de la droite & autant de la gauche ,.princi-
* Hiftoicë,ancienne;'.
Avantage
que procure le
commerce. Les
canaux fon t
merveilleux
pour lui donner
plus d'étendue