
i 86 A r c h i t e c t u r e H y d r a u l iq u e , L iv r e IV.
prendre. Comme les corps plongés dans l’eau pefent moins
que dans l’air de tout le poids du volume d’eau dont ils occupent
la place, s’il arrive par exemple, qu’une pierre d’une malle
équivalente à celle d’un pied cube pefe i zo livres dans l’a ir,
elle n’en peferaplus que 50 dans l’eau ; ainü dès que le courant
fera capable par fon choc fur la furface de cette pierre , d’une
impreflion fupérieure à la 'réüftance qui lui refte, il la fera rouler
devant lui dans le milieu , li la rapidité y eft plus grande
qu’ailleurs, comme nous continuons de le fuppofor.
Il en fera de même pour toutes, les autres pierres plus greffes
ou plus petites que la précédente, obfervant que ces dernières
feront pouffées avec plus de véhémence que les autres ;
non pas pour être plus légères, puifque que li elles font de même
qualité, leur pefanteur fpéciüque fera toujours dans un rapport
égal avec celle de l’eau ; mais parce qu’ayant plus de furface à
proportion que de malle, elles donneront plus de prife au courant.
■ ;
Cela pofé, li un fleuve régulièrement dirigé , dont le fond elt
fuppofé par-tout d’une réüftance plus grande que l’eau n’a de
force pour le ronger, vient a châtier des pierres de differente
groffeur, il n’ÿ a point de doute qu’après avoir fait un certain
chemin, les unes plus les autres moins , en fuivant toujours
le ftl de l’eau , 11 elles viennent à rencontrer quelques obfta-
c le s , le courant ne les détourne fur les côtés , félon la^ détermination
que feront naître les furfaces choquées. Ainü depofees
par intervalle, le fable & le gravier, s y amaffant formeront a la
longue, fur-tout dans le tems des baffes eaux, des atteriffemens
en maniéré de plan incliné, dont la pente ira des rives vers le
le milieu du lit. Alors l’eau, étant forcée de fe réunir dans le fond
le plus b a s , ne coulera plus qu’en ferpentant, fans pouvoir
comme auparavant fe diriger en ligne droite vers le terme oft
elle doit fe rendre : mais les chofes n’en relieront point là ; car
Ü les berges font compole.es de parties faciles a détacher, elles
deviendront tortueufes autant & plus que le fond: c eft ce qu il
s’agit de prouver. ,
997, Ayant un plan que nous fuppoferons incline, par exefflr
üunco^s pie , du fud au nord , y faifant rouler un corps fpérique au-
çhajfé tranfr quel on aura, imprimé une vîteffe dirigée de 1 eit a 1 oueft ; ce
S i çorps aura alors deux mouvemens , le premier félon l’aligne-
(lini,i’oitton ment de l’impulüon, & le fécond qui vient de fa gravite, félon
4iduitU.au- j’jnci;najfon du pian. Ainfx tant que la première force lubiilfe
tjffi frpftuft • • -- ■ ■ • F * '
C h a p . I- DE LA n a t u r e d e s Fl e u v e s . 1 8 7
ïera le corps fuivra une détermination compofée des deux
précédentes, & décrira une courbe. De même l’eau d’un'fleuve
oui coule naturellement vers fon terme, venant àpaffer fur un
attériffement incliné EF d’une berge AB à l’autre C D , descendra
vers la partie baffe, & choquera la berge adjacente CD ,
félon une direâion oblique GH , compofée du mouvement
direâ de l’eau, & de celui qui naît de fon énergie ; au lieu qu’avant
l’attériffement, la vîteffe du courant parallèle àcette berge,
ne faifoit pour ainü dire que la froiffer; mais dans le cas que
nous fuppofons , la répétition continuelle du choc qu’elle ef-
fuiera ne manquera point de l’entamer, en y formant un ünus
IKL. O r , on fait qu’un corps qui vient choquer obliquement
une furface, ne pouvant continuer fon mouvement félon la
même direftion, rejaillit fous un angle égal à celui d incidence
; de même l’eau partant de la berge CD qu’elle aura rencontrée,
ira choquer fous un angle à-peu-près égal l’autre berge
oppofée A B , quelle entameraauffi par le ünus M N O , enfuite
elle viendra de nouveau rencontrer la première C D & continuera
de couler en bricollant, tant que la force qui la dirige'
obliquement fubüftera , à moins qu’un autre attériffement ne
lui faffe prendre une détermination différente.
998. Comme le progrès du choc de l’eau fappera les berges
par le pied aux endroits où l’eau les aura entamées , dans le
tems des crues elle fera ébouler les terres, dès qu elles n auront
point affez de conûftance pour fe foutenir ; elles feront en-
fuite emportées par le courant qui les dépofera fur les attérif-
femens prochains. Ainü l’eau opérant fur toute la hauteur des
berges, les corrodera par intervalle à droite & à gauche, & elles
acquéreront infenüblement des inflexions femblables a celles
des ünuoütés du fond ; alors le fleuve deviendra tortueux, &
prendra des largeurs différentes, qui ferontenün déterminées,
auffi bien que la ügure que les bords conferveront,par l’équilibre
qui fe formera entre l’aflion de l’eau & la ténacité du ter-
rein , fans qu’il leur arrive de changement marqué que dans les
cas extraordinaires.. _ -
999. Comme toutes les rivières ne charient point de greffes
pierres, il faut qu’il y ait d’autres caufes qui contribuent à
les rendre tortueufes ; une des principales vient de ce que leur
’ fond n’eft point par-tout d’une égale ténacité , continuant de
fuppofer un fleuve uniformément dirigé, mais dont le lit foit
fort dur dans des endroits, au contraire tendre & fablonneux en
les .finuofitès
des fleuves.
PI. x x x v .
ïiS-3-
Les'direflîons
obliques du
cours d’ un
fleuve 3 font
la principale
caufe de la
deflruP.ion
de fes rives.
Lesdïjf/rentes
ténacités
du lit des fltu "
ves contribuent
beaucoup
à faire
naître des cor-
rofloKs qui oc