
I l fa u t conduire
le canal
de maniéré
qu'en le préfer-
vaut de tout
inconvénient,
i l pajfeen meme
tems par le
chemin le plus
court.
386 A r c h i t e c t u r e H y d r a u l iq u e , L i v r e IV.
pour le bien de la chofe. S’il falloit néceffairement faire pafler
le canal fur un terrein rapporté, il faudra au moins ne rien négliger
pour conftruire ces endroits-là avec le plus de foin qu’il
eft poffiblè, élever dans l’épailfeur des digues de bons conrois
de terre graffe, de quatre ou cinq pieds d’épaiffeur, fondés le
plus bas qu’on pourra dans le terrein ferme, & les élever d’un
pied au-deffus du niveau des plus hautes eaux : on en ufera de
même pour toutes les digues qui feront compofées de terre
fpongieufe , comme font celles qu’on trouve dans les marais ,
& dont nous ferons plus particuliérement mention.
1108. En même tems qu’on ne négligera rien pour préferver
le canal de tout accident, il ne faut pas moins faire enlorte d’en
rendre le trajet le plus court qu’il fera poffiblè, pour ménager
la dépenfe & abréger le tems de la navigation. C ’eft dans l’heureux
choix du chemin qu’on lui jpra tenir, en conciliant toutes
les circonftances pour & contre, qu’un ingénieur peut mani-
fefter la bonté de fon jugement ; mais on ne parvient à remplir
une maxime auffi importante, que par une longue étude de la
fituation du terrein confidéré en général & dans le détail de fes
parties. Pour ne rien conftater qu’avec mûre délibération, il
convient que plufieurs perfonnes de l’art travaillent chacune
en particulier avec leurs aides, à faire le projet de la route du
canal, parce que ce qui pourra avoir échappé aux uns attirera
peut-être l’attention des autres.
Il faut enluite quelles fe communiquent leurs obfervations en
préfence d’habiles gens capables de décider dans les cas de con-
teftation ; par-là on pourra éviter les fuites fâcheufes que caufe
fouvent l’attachement qu’on a pour fon opinion, & l’on découvrira
s’il n’y a pas des motifs de conlidération en faveur de quelques
particuliers qui voudroient détourner de faire pafler le
canal dans leurs terres ; comme il y a peu de canaux exempts
d’imperfe&ions, on ne fauroit trop prendre de mefures pour ne
pas tomber dans les mêmes défauts.
Cependant, il faut, autant que l’on pourra, éviter quele canal
ne traverfe des étangs & des marais , par la difficulté de le
creufer & de former des digues folides pour le chemin du tirage,
& c’eft le cas où il ne faut pas héfiter de lui faire faire quelques
circuits pour en côtoyer les bords ; mais fi l’on étoit obligé à
un trop grand écart, il faudra voir quelles font les mefures qu’on
pourra prendre pour deffécher ces marais,avant que de travailler
au canal, en lé conformant aux inftruétions qu’on trouvera
fur ce fujet dans la feétion fuivante.
1100. Quand on veut joindre deux rivières par un canal qui
doit traverfer un pays de plaine, & qu’une des rivières fe trouve
fupérieure à l’autre, comme cela arrive ordinairement, étant
fort rare quelles fe rencontrent de niveau, on n’eft point en
peine d’avoir de l’eau fuffifamment pour remplacer celle que
dépenferont les éclufès, parce qu’il eft à préfumer que la rivière
fupérieure en fournira allez. Pour profiter de cet avantage,
qui efl; d’un grand prix, on n’héfite point d’approfondir auffi
bas qu’il convient les endroits du pays plus éminens que le refte,
fi on n’a pu les éluder, pour fe foutenir à-peu-près au même
niveau de l’horifon,pourvu que ces éminences ne jettent point
dans une dépenfe trop forte. C ’eft ainfi que nous avons dit qu’on
en avoit ufe au canal de Picardie pour joindre les rivières de
Somme & d’O ife , dont la première fe trouve de foixante-neuf
pieds fupérieure à la fécondé. .
S’il arrive au contraire que le pays qui fépare deux rivières
ou deux mers fe trouve, comme au canal royal de Languedoc,
bien plus élevé que chacune d’elles prifes aux endroits où l’on
veut les joindre , il faut alors de néceffité que le canal, au lieu
d’aller toujours en defcendant d’une extrémité à l’autre, par les
chûtes que forment les éclufes, ait fon point de partage entre
les mêmes extrémités, & que le refte foit divifé en deux parties,
chacune d’ellës defcendant par cafcade vers le terme où elle
doit aboutir.
Il faut d onc , quand on veut former le projet d’un canal qui
fe trouve dans le cas précédent, i° . commencer par chercher
l’emplacement le plus favorable au point de partage. z°. Q u ’il
foit inférieur à tous les endroits d’où l’on pourra tirer des eaux
de fources, rivières & ruiffeaux qu’on fera le plus à portée d’y
conduire par des rigoles. Que ces eaux foient intarriffables &
affez abondantes pour fournir dans le courant de l’année, fur-
tout dans le tems des féchereffes, non-feulement à une navigation
proportionnée au commerce qu’on a lieu d’attendre du
canal projetté, mais encore à toute la confommation qui fe fera
de la part des tranfpirations, évaporations & pertes parles portes
des éclufes, qui ne font jamais parfaitement étanches , quelques
précautions qu’on apporte en les conftruifant. 40. Pour
plus d’affurance, il faut avoir encore une moitié ou un tiers de
ces eaux au-delà de l’eftimation qu’on aurafaite de la confommation
totale, puifquele fuccès du canal dépend de leur abondance.
Indépendamment des eaux qu’on tirera du point de partage,
C c c ij
Quelles font
les attentions
qu'on doit
avoir pour établir
le point de
partage.