
.£!• LVII.
ConJlruGion
du nouveau
■ pont du Gard,
-adojfé à l'ancien.
Difficultés
qu’il a
fallu vaincre
pour cela.
452 A r c h i t e c t u r e H y d r a u l i q u e , L i v r e IV.
comme celui que je viens de citer, mais de les fcratenir par une
fauffe pile fondée fur pilotis au milieu de l’archg, ce qui lui a
parfaitement réulîi, ce pont étant ajourd’hui dans toute fa per-
ïe â io n , de même que celui Dulac; mais ce qui lui a fait le plus
d’honneur, c’eft l’exécution du pont du Gard.
On fait que cet ancien monument, conftruit par les Romains
fous le régné d’A ugufte, n’elt autre chofe qu’un aqueduc pour
conduire les eaux de la fontaine d'Hure jufqu’à Nifme, & non
pas un pont pour le paffage du public : il eft compofé de trois
files d’arches les unes fur les autres entre deux montagnes, dans
un vallon où coule la riviere du Gardon ; la première file comprend
fix arches qui ont chacune dix toifes d’ouverture, excepté
la grande qui en a douze & trois pieds ; la fécondé file comprend
onze arches d’une ouverture égale aux premières, parce que le
vallon va en s’élargiffant par le haut ; & la troifieme file eft corn-
pofée de trente-fix petites arches qui portent le canal où-couloit
l ’eau anciennement.
Comme ce fameux monument n’étoit plus d’aucun ufage &
qu’on ne l’a confervé que par curiofité, on defiroit depuis lon-
tems un pont fur la riviere du -Gardon -; le célébré Daviler, ar-
ehiteéle à Paris , & plufieurs autres habiles gens, avoient été
confultés autrefois par les états généraux de la province, dans
le deffein de faire exécuter un ouvrage aulîi utile ; mais comme
i l falloit fonder plufieurs piles fur les pilotis, que la riviere du
Gardon, qui eft un torrent fort rapide, n’auroit pas manqué de
dégravoyer , nul ne fut affez hardi pour l’entreprendre.
1 17 7 . Les chofes en étoient reftées-là jufqu’en 1740, lorique
-M. Pitot, qui venoit d’être nommé dire&eur des travaux publics
de cette province, chercha s’il n’y avoit pas un moyen de
parveniràla mêmefin. Après avoir mûrement examiné les lieux,
& reconnu que les piles de l’ancien pont du «Gard étoient fondées
fur le rocher, il penfa qu’il n’y avoit point d’autre parti à
prendre que delui adolfer celui que l’on vouloit faire, pourpro-
fiter dumême a v an ta g e ra is il fepréfentoitplufieurs difficultés.
La premier, en ce qu’il fe trou voit dans le rocher des concavités
très-profondes que l’on aurait bien de la peine à remplir
folidement. La fécondé, qu’il falloitfaire les arches du-nou-veau
pont de même grandeur que les premières -de l’ancien , ce qui
paroiffoit impraticable, parce que le rocher qui devoit -porter
aine des piles de la grande arche , n’avoit pas affez de largeur
-dans un endroit -où l ’eau du Gardon a quarante pieds de pro-
C har. XI. des Ponts de maçonnerie. 455
fondeur. Cependant ces obftacles n’ont point rebuté M. Pitot,
il a trouvé le moyen de faire porter une des piles de cette grande
arche par encorbellement ; mais il reftoit encore une difficulté
plus grande que les précédentes, le niveau des arches devant
fe trouver élevé de trente-fix pieds au-deffus de celui des,eaux
-ordinaires, & le pavé du pont à foixante pieds au-deffus du
même niveau. Il falloit des ceintres affez folides pour fhutenir
le poids énorme des arches ; il eft vrai qu’il s’en trouva cinq
où ces ceintres pouvoient être foutenus par des fauffes piles de
maçonnerie ; mais l’on ne pouvoit point avoir le même avantage
pour la grande arche, à caufè d e i’extrême rapidité du torrent ;
cependantM. Pitot en eft venu à bout, en faifant uniquement
porteries ceintres fur des impoftes<ou encorbellemens, de forte
-que cette arche a été formée heureufement, ainfi que toutes
les autres , fans qu’il leur foit arrivé aucun affaiffementfenfible;
au lieu que dans de pareils ouvrages,il s’en fait ordinairement
un de deux ou trois pouces. Il eft vrai qu-ila employé des pierres
dont la dureté tient du marbre, tirées-d’une carrière près de là, qui
«fl la même dont les Romains fefont fervis pourle pont du Gard.
1178- Quand les arches ont moins de douze toifes de diamètre
, on peut faire porter les ceintres fur des impoftes ou encorbellemens;
mais lorfque leur diamètre eft au-deffus & que l’on
peut faire des fauffes piles de maçonnerie dans le milieu, il faut
jjQurplus defûreté ne.lespas négliger; on peut même,fila profondeur
de l’eau n’eft pas trop grande, appuyer les ceintres fur
des pilotis, comme on afait pour le pont de Compiegne, quoique
la grande arche ne fut que dedouze toifes, & les deux d’à
cô té de onze. Pour celaon enfonce d’un encorbellement à l’autre
toppofé entre les flancs des piles .& culées, .un rang de cinq pilots
, enforte qu’ils répondent exactement fous chacune des cinq
fermes des ceintres : onpofe fur chaque rang d’encorbellement
.un chapeau d’une longueur égale à la longueur du pont, collé
■ -contre le nud du parement, & l’on fait aux vingt-cinq pieux
des tenons pour recevoir de femblables chapeaux parallèles &
affleurés aux précédens, fur lefquels on affeo.it tranfverfalement
les folles pour les ceintres.
D ’autre part, pour foulager les encorbellemens, on place, fi
o n le juge:néceffaire, fous chaque bout des même folles, un po-
'teau d’appui aj ufté avec tenons & mortoifes, & après que toutes
-ces folles font bien de niveau,on y élevé les ceintres. On ajatten-
stion,en taillant ces ceintres,de les tenir .élevés de quatre ou cinq
pouces plus qu’ils ne devraient être, ayant reconnu par exp.é-
Etablifement
des ceintres
pour former
■ les arches.
Suite du progrès
de l’élévation
d’un
pont