
356 A r c h i t e c t u r e H y d r a u l i q u e , L i v r e IV.
les barques Chinoifes, qui font ordinairement fort longues &
'très-pefamment chargées , ne fe brifent pas par le milieu, lôrf-
qu’elles fe trouvent comme fufpendues en l’air fur l’angle des
deux glacis ; cependant il n’a point appris qu’il leur arrive le
moindre accident. On ne trouve point de ces éclufes en glacis
dans le grand canal, parce que les barques impériales, qui font
auffi grandes que nos frégates', ne pourroient être élevées à
force de bras, ni garanties du malheur dont les autres paroif-
fent menacées.
On trouve dans la relation du voyage de la Chine, par les
révérends peres jéfuites que Louis X IV y envoya en 168 5 ,
en qualité de mathématiciens , que s’étant embarqués fur un
canal, ils furent obligés de paffer entre deux digues de maçonnerie
où les eaux couloientavec tant de rapidité que fi ceux qui
gouvernoient les bateaux les abandonnoient au courant, rien
au monde ne pourroit les garantir d’être brifés en mille morceaux.
Ces mêmes peres ayant expliqué aux mandarins qui les
accompagnoient que l’on avoit en Europe une forte d éclufes
avec lefquelles on ménageoit les eaux aux endroits des chûtes ,
de façon à les paffer auffi fûrement que s’il n’y en avoit point,
ils en furent frappés, & marquèrent par leur étonnement n’en
avoir pas la moindre notion ; d’où il eft à prefumer que fi l on
portoit à la Chine un modèle de nos fas à éclufe , il y ferait
fort bien re çu , & cauferoit autant d’admiration que les premières
montres que nos miffionnaires ont préfenté à l’empereur.
C H A P I T R E V ,
O es principaux canaux exécutés en Europe pur les modernes.
1081. E n’efl: guerë que fous le régné de Henri IV que
l’on a commencé en France à fonger aux avantages que le commerce
pouvoit tirer de la jonction des mers & des rivières par
les canaux, à l’exemple de ceux que les Hollandois & les Flamands
perçoient alors pour la communication de leurs villes :
car c’eft dans ce teffis-là que ces derniers firent celui de Bruxelles
à Anvers, & quelque tems après cet autre fi magnifique
qui va d’Oftende à Bruges. Le duc de Su lly , ce grand miniftre
uniquement occupé du bien de l’état & de la gloire de fon
maître, conçut plufieurs projets de cette elpece , entr’autres
celui de joindre la Seine à la Loire , par l’entremife de la riviere
de L o in g , & d’un canal d’onze lieues de longueur, qui fut entrepris
quelques années avant la mort du roi, enfuite abandonné
& repris parle cardinal de Richelieu, qui le fit conduire à fa
perfection. Il aboutit d’une part à la Loire proche Briare, dont
il a retenu le nom ; de-là il paffe par Châtillon & Montargis, &
fe joint à une demi-lieue au-deffus de cette ville à la riviere de
Loing qui fe jette dans la Seine à la hauteur de Moret. Les
éclufes de ce canal, qui font vraifemblablement les premières
qu’on a exécuté en France pour faire monter & defcendre les
bateaux aux endroits où il y a des chûtes, font nourries par les
eaux de fept étangs, qui répondent au point de partage, fitué
entre la Loire & la riviere de Loing : le fâcheux eft que ces
étangs ne fournlffent point dans les-tems de féchereffe affez d’eau
pour une navigation régulière ; ce qui fait qu’on n’a pas tiré de
ce canal tout l’avantage qu’on s’en étoit promis.
Cependant comme la jonCtion de la Loire à la Seine étoit
d’une extrême importance pour Paris , Louis-le Grand accorda
à M. le duc d’Orléans-, fon frere , le privilège de faire à fon
profit un autre canal qui fut achevé en *690, fous le nom de
canal d’Orléans, parce qu’il a fon embouchure avec la Loire ,
un peu au-deffus de la ville de ce nom, proche le pont aux Moi-
Canaux exécutés
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