Üfage des
épis triangulaires
, pour
faciliter le
comblement
des fonds qui
fe rencontrent
dans le Ut des
fleuves.
PL XXXV,
fi g . io & i x.
300 Architecture Hydraulique , L ivre IV.
le paffage de l’eau dans le tems des grandes crues. D ’ailleurs il
n’y a rien de plus commode que d avoir plufieurs de ces machines
le long d’une riviere, afin de s’en fervir dans tous les cas
où elles feront applicables. (
1018. Pour conferver les fleuves en bon état, il faut veiller
fans celle à maintenir le fil de l’eau dans le milieu de leur l i t ,
fans permettre qu’il fe jette plus vers une rive que vers l’autre ;
au contraire, de ce que repréfentent les figures 10 & 11 , où
l’on fuppofe que le lit eft plus bas le long de O P Q que du côte
oppofé E F G qui répond à un attériffement. Si on laiffoit les
chofes en cet état, le courant ayant plus de rapidité à gauche
qu’à droite, dès qu’il auroit une lois gagné la rive A B , il eft certain
quelle tomberoit bientôt en ruine. Pour prévenir ce dommage,
il faut remplir de limon le creux O P Q, M K , & que le
courant réjetté vers l’attériffement le detruife, de maniéré que
les eaux ayant enfuite pris leur cours dans le milieu du fleuve, les
puiffances agiffantès & réfiftantes fe maintiennent en équilibre.
Il importe fort d’obferver qu’on n’y parviendra point en jet-
tant des terres dans le creux que Ion veut combler , fuffent-
elles tirées eirpartie de l’attériffement prochain, parce qu’étant
nouvellement remuées , le courant les emportera .à mefure
quelles y feront dépofées. D ’ailleurs ce travail deviendrait impraticable
dans bien des cas & d’une extrême dépenfe ; au heu
qu’il vaut bien mieux faire agir la nature , dont les^ effets feront
beaucoup plus fûrs. Pour la mettre en état d’operer, il faut
le long de la rive AB faire un nombre d’épis triangulaires 1K ,
L M , félon l’étendue qu’on voudra garantir, enforte qu ils loient
folidement enracinés avec elle , 6c que les extrémités K ^M
répondent au fond du fleuve ; autrement les mêmes extrémités
feraient bientôt dégradées, à moins qu’on ne les enveloppe par
une crèche, comme on fait les avant-becs des piles dun pont.
Au furplus, ces épis doivent être de même longueur, paralel-
les entr’eux , & former des angles aigus du côté oppofe au
courant. Je laiffe à la difcrétion de ceux qui en feront conf-
truire, d’en régler les intervalles & la faillie , convenablement
aux circonftances ; car il n’eft pas neceffaire qu ils s etendent
jufqu’au milieu du nouveau lit, il fuffit qu’ils y rejettent l’eau,
ce qu’ils feront affez régulièrement des que leur furface lupe-
rieure fera dans un même plan incline. .
Si l’on fe rappelle ce qui a été d it, article io i 3 , ou lentira
qu’au tems des grandes crues, l’eau dormante renfermée dans
C hap. L de la nature d e s Fleuves. 301
l’angle H R K r y formera une piramide dont la furface extérieure
fera exprimée par le triangle IK H , tandis que dans l’intervalle
qu’on aura laiffé entre les épis, il y aura de même un
dépôt d’eau dormante, qui formera un glacis ou plan incliné
KILM ’ ainfi des autres fuivans, lefquels joints à la piramide re-
jetterontle courant vers le milieu de fon lit naturel, de la même
maniéré que fi le tout enfemble formoit un corps folide. On
obfervera que ceci doit arriver principalement vers le fond, &
que dans les fortes crues’ les lames d’eau qui fe trouveront au-
deffus du plan incliné couleront avec prefque autant de liberté
que s’il n’y avoit rien au-deffous qui les détournât de la direction
parallelle aux rives A B , 'C D , enforte que la partie droite
du fond fe creufera, tandis que la gauche fe comblera au contraire
par le limon que les eaux troubles & dormantes dépofe-
ront fucceffivement. Ainfi au bout d’un tems la partie la plus
baffe deviendra la plus élevée , & l’autre d’élevée qu’elle étoit
s’abaiffera, par une fuite néeeffaire de la propriété des épis triangulaires
, dont la fin eft de remplir à la fois deux opérations
qui s’aident réciproquement. Bien entendu que fi le terrein étoit
trop ferme pour que l’eau pût le rafer facilement, il faudrait
l’entre-couper de foffés , comme dans la figure x 1.
1019. Il fuit que fi par les caufes mentionnées aux articles
9 9 6 , 997, 9 98 ,9 9 9 , il serait formé un brèche E F G dans
la rive AB ( figure 12 ), il faudrait, pour en faciliter la réparation
, faire les épis I K , LM , à fes extrémités, & quelques
autres intermédiaires , au cas que cette breche fut fort longue,
pour combler le creux qui l’aura occafionnée; ce que la vafe
fera bien plus folidement que les terres qu’on y pourrait jetter.
Quand les dépôts fe feront fucceffivement éleves au-deffus du
niveau des plus baffes eaux, on pourra commencer à réparer
la breche , dont le remblais s’affermira de lui-même , parce
que, garanti par les épis , il ne fera point tourmenté de la part
du courant, qui auroit bientôt dégradé cette réparation , s’il
avoit la liberté de s’exercer contre des terres nouvellement battues
, comme cela arrive toutes les fois que l’on ne prend point
les précautions que nous exigeons,
L’expérience nous apprend que le lit des rivières fe releve
fans ceffe , jufqu’àfurmonter en bien des endroits le niveau des
campagnes,qui en feraient inondées, au grand préjudiceftes ha-
bitans, fi l’on n’avoit foin d’en foutenir l’eau par des digues. O n
remarque auffi que dans les endroits refferrés, comme entre les
Application
des mêmes épis
pour réparer
les breches qui
fe font aux rives
, par l’action
d’un courant.
PI. XXXV,
fig. i l .