
4 jo A r c h i t e c t u r e H y d r a u l iq u e , L i v r e IV.
deffus des baffes eaux de gros moëlon, avec mortier de chaux &
fable.
Pendant que l’on élevera les premières affiles des piles & culées
j on pourra, fi on le juge néceffaire, former autour de leur
parement des crèches, dont l’ufage eft excellent pour en affurer
& conferver le pied ; on battra une file de pilots IK LM N , ( fi-
Pl. lvii. gures 3 & 4 ) à quatre pieds de diftance des mêmes paremens,
efpacés dé trois pieds d’un centre à l ’autre, ayant d’ailleurs les
mêmes dimenfions que ceux du pourtour des piles, chacun
chauffé d’un fabot.à quatre branches du poids de vingt livres,
enfoncés de maniéré qu’ils affleurent le deffus de la pénultième
affife. Ces pilots ayant été récépés, on pratiquera à leur tête
des tenons pour recevoir un cours de chapeaux V ( figures j
&c 6 ) de dix à douze pouces de groffeur , obfervant que les
pièces de ces chapeaux foient jointes enfemble par des entailles
à queue d’hironde, liées avec des plate-bandes de fer, ayant
des crochets au bout encaftrés dans l’épaiffeur du bois ; on enfoncera
intérieurement tout le long , un cours de palplanches
X , X de douze pieds de longueur, & de quatre pouces d’épaif-
feur.
Pour donner plus de force à ces crèches & empêcher leur
■ écartement des piles 8c culées, il faudra de fix en fix pieds d’intervalle
, les y lier avec des tirans de fer Y Z de quinze lignes de
groffeur, lefquels feront coudés par le bout Y , pour embraffer
le chapeau en maniéré de crochet ; il faudra faire Vautre bout
■ Z des mêmes tirans affez long pour pouvoir ëwé fcellé fur les
pierres de parement à l’aide d’un crochet, oiyïuen on y fera un
oeillet pour les retenir chacun avec une ancHre.
Ces crèches étantachevées, on en nettoiera le fond jufqu’au-
deffous de la plate-forme du corps de la pile, après quoi on en
remplira le vuide en bonne maçonnerie avec libage ou gros
moëlon pofé en mortier de chaux & ciment jufqu’au-deffous
du chapeau. On couronnera cette maçonnerie par un parquet
de bonnes dates bien taillées & dreffées, chacune: affez longue
pour occuper la largeur ^e la crèche depuis le chapeau jufqulà
la pile ; toutes ces dalesferontbien.coulées., fichées & jointoyées
■ en mortier de chaux & ciment , obfervant qu’elles affleurent le
deffus du chapeau, & qu’elles ayent trois pouces de pente en
.partant de la pile. .
Toutes ces chofes ayant été bien obfervées, onfera attention,
en élevant les piles & culées, delaifferdans chaque affife,. à. dif-
C h a r . X I . d e s P o n t s d e m a ç o n n e r ie . 451
tance égale, cinq encorbellemens pour porter autant de fermes
dèftinées à former les ceintres. Ces encorbellemens feront de la
hauteur de trois affifes ; favoir , la première au-deffus des baffes
eaux faillira de fept pouces, la fécondé de quatorze,& la troi-
fieme de vingt-uii à vingt-deux. Au relie, ces encorbellemens
feront pofés pour la grande arche à une affife plus bas que ceux
des arches d’à c ô té , dont on réglera la pofition relativement à
la hauteur de la clef au-deffus de la derniere retraite. On aura
àuffi attention de pofer à la cinquième affife audeffus des baffes
eaux , un rang de trois ou quatre arganeaux à chaque flanc des
piles & culées, pour amarrer les bateaux. A quatre ou cinq pieds
au-deffiis de ce premier, on en pourra mettre un fécond & même
un troifieme, pour répondre auxdifférens accroiffemens de l’eau;
c’ell pourquoi ils pouront fe trouver appliqués aux voûtes.
On aura grande attention, quand on fera parvenu à la hauteur
de la naiffance des arches, que les affifes de parement pour les
piles & culées foient taillées conformément à la courbe qu’on
aura tracée pour les voûtes, obfervant que toutes les pierres des
têtes qui feront partie des mêmes naiffances , foient liées avec
les avant & arriéré becs.
1176. Ce ferait ici l’endroit de parler de la conftruclion des
ceintres félon le diamètre des arches, cette partie étant la plus
critique de la conftruftion des ponts, quand les arches font d’une
grandeur extraordinaire ; mais comme des recherches fur ce
fujet me mèneraient trop loin , je me contenterai d’indiquer la
belle differtation de M. Pitot, inférée dans les mémoires de l’académie
royale des fciences de l’année 172 6 , où il donne pour
fnodele le deffein d’un ceintre dont Michel-Ange s’ell fervi fort
heureufement pour conftruire la voûte de faint Pierre de Rome.
M. Pitot l’a auffi employé lui-même au nouveau pont adoffé à
celui duGard, enfuite à la grande arche de vingt-deux toifes de
diamètre du pont à’OrneJon8c à celui D u la c , fur le chemin de
Carcaffonne à Perpignan, après que ces deux dernieres eurent
échoué parla faute de feu M. Ca rné, direûeur des travaux
publics. Il avoit fait les'ceintres du premier trop foibles pour
porter tout le poids de la voûte , qui tomba en ruine avant que
la clef fût pofee, & entraîna la perte de onze ouvriers. A l’égard
des ceintres du pont Dula c, ils furent emportés par les
eaux d’une inondation qu’on aurait pu prévoir. Le fur moyen
que M. Pitot trouva pour le rétabliffement de la grande arche
du pont d’Ornefon, fut non-feulement d’employer des ceintres,
L 11 ij
Conféquence
de faire des
ceintres ajfes^
forts pour la
con/iruSion
des grandes arches.
Exemple
du pont d'Or-
nefon , qui- a
péri par cet
endroit•