
M ifioire &
4efcription de
cette tour.
PI. XVIII.
£c XIX.
A r c h i t e c t u r e H y d r a u l iq u e , L iv r e HL
mer cinq cens toifes de long du fud au nord , & deux cens
cinquante de large de l’eft à l’oueft. Tous fes environs font
remplis de mathes, nom que l’on donne à des rochers que la
mer couvre de trois ou quatre pieds d’e au, contre lefquels les
vagues trouvant de la réfiftance, s’élèvent très-haut, & fe cho-
quent avec un fracas épouvantable, ce qui rend l’accès de cette
tour des plus difficile. Il n’y a que les chaloupes de trois tonneaux
qui peuvent y venir par un feul endroit large d’environ
foixante toifes & à cent de la tour, où il fe trouve un fable fur
lequel elles viennent échouer au moment de la baffe mer qu il
faut faifir : tout le relie n’eft que rochers , où pas une n’oferoit
aborder. „ , H ' H I
802. Cette magnifique tour , elevee de cent foixante &
neuf pieds au-deffus de fes fondemens , a été bâtie fous le
régné d’Henri I I , par Louis de F o ix , célébré architecte François
qui la commença en 1584 , la finit fous Henri IV,
en 1610. Les navigateurs elliment ce phare le plus beau de
l’Europe, n’en connoiffant point déplus magnifique & dune
exécution auffihardie. Il eft feulement fâcheux quun auffibel
édifice foit placé dans le lieu le plus ingrat du monde, qui ne
méritoit point affurément la dépenfe qu’on y a faite ; mais voila
comme en ufent allez ordinairement ceux qui ne font qu ar-
chiteSes, qui mettent fans diftinction des omeniens par-tout,
fans trop fê foucier de remplir l’objet principal. B ;
On voit par le plan.de la plate-forme de cette tou r , qu elle
eft renfermée dans une enceinte circulaire, contre laquelle font
appuyés plufieurs bâtimens à l ’ufage des quatre gardiens entretenus
perpétuellement pour allumerde feu de la lanterne ; ils y
ont des vivres pour fix mois & de l’eau en abondance, provenant
de celle qui tombe fur la tou r, & qui fe rend dans une
belle citerne. , , ,
Au milieu de cette platte-forme eft le rez-de-chauffee de la
tour compofée d’une grande chambre, de deux garde-robes &
petites pièces , le tout bien voûté ; au-deffous font des caves
& la citerne. Le premier étage, que l’on nomme l’appartement
du roi, comprend un veftibule, une grande falle acompagnee
de deux garde-robes & autres commodités. Le fécond etage eft
occupé parla chapelle, oùunRécolet deRoyan vient dire la
meffe quand le tems le permet. On y voit le bufte de Louis
X IV , & celui de Louis X V , placés en 173 5 , avec une grande
infcription latine, contenant un abrégé de l’hiftoire de cette r tour ;
CHa p . VIII. D e s F o r t s d e M a ç o n n e r ie . 1 5 5
tour ; on y remarque aulli le bufte de Louis de Foix. Je ne dis
rien du dôme ni ae la lanterne qui font au-deffus, non plus
que de la belle architeûure qui en fait la décoration intérieure
& extérieure, étant aifé d’en juger par l’infpeclion du profil &
de l’élévation ; j’ajouterai feulement que les armes de France
font fur le fronton du premier étage, accompagnées de deux
figures en pierre, dont l’une repréfente Mars avec fes attributs
ordinaires, & l’autre une femme tenant en main une palme,
& de l’autre une couronne à diadème. Plus bas font deux niches,
dont celle de la droite comprend le bufte d’Henri I I, & celle
de la gauche celui d’Henri IV ; quant au portique, il eft à l’eft
fud-eft, vis-à-vis la porte de l’entrée ; à l’oueft eft l’efcalier de
la tou r , pratiqué en partie dans l’épaiffeur du mur & le relie
en dehors.
803. Depuis plus d’un fiecle cette tour faifoit l’admiration
de tous les connoiffeurs, lorfqu’à la longue le feu ayant calciné
le pourtour des murs de la lanterne, la cour ordonna en
17 17 que, pour prévenir fa chûte, on la démoliroit & qu’on
établirait le foyer âu-deffous, au lieu qu’il femble qu’on aurait
pu la réparer en reprenant fous oeuvre ce qui avoit été endommagé
; on ne tarda guere de fe repentir d’en avoir ufé de la
forte, car la lanterne ne fut pas plutôt fupprimée, que toute la
marine fe plaignit de ne plus appercevoir le phare à la diftance
de deux lieues en mer, comme auparavant.
Les chofes étoient en cet état, lorfqu’en 1720 la tour de
Cordouan, qui étoit de l’intendance de la Rochelle, paffa dans
celle de Bordeaux; alors M. le comte de Touloufe, amiral de
France, & M. le maréchal d’Asfeld, direfleur des fortifications,
donnèrent la direélion de cette tour à M. de Bitri, ingénieur
en chef de Bordeaux, qui s’appliqua à rechercher les moyens
d’en rétablir l’ancienne hauteur par une lanterne qui ne fiat point
fujette aux mêmes inconvéniens que la précédente, dont un
des plus effentiels étoit d’avoir de fi larges trumaux, qu’ils inter-
ceptoient une bonne partie de la lumière que le feu rendoit. M.
de Bitri penfa que le meilleur parti pour rétablir le fanal, étoit
d’y élever une lanterne de fer faite en dôme ; c’eft ce qui a été
exécuté en 1727 avec tout le fuccès qu’il s’en étoit promis,
comme on en peut juger par la figure quatrième, comprenant
le profil de cette lanterne affife fur le fommet AB du dôme,
difpofé comme le montre la figure fixieme, qui eft une bafe
compofée de neuf groffes pierres liées avec du mortier de ci-
Partu IL Tome I L V
Accident arrivé
à la lan+
terne de cette
tour y & de
quelle manière
on l'a réparé.
PI. XIX.