
Canal de
Marias construit
en Provence
, pour
faciliter la
navigation de
l'embouchure
du Rhône.
'Excellente
politique des
Romains d’occuper
leurs
foldats
creufer des ca-.
naux dans les
tems de
3 51 A r c h i t e c t u r e H y d r a u l iq u e , L i v r e IV.
en avoir ignoré Pufage que plufieurs grands projets de navigation
, entrepris par les empereurs, ont échoué après des travaux
immenfes exécutés en pure perte ; s’ils font parvenus à en achever
quelques-uns avec fuccès, combien n’ont-ils pas coûté de
tems , d’hommes & de dépenfes !
1076. Lande Rome 6 5 1 , Caius-Marius alors conful ayant
été envoyé en Provence, à la tête d’une puiffante armée, pour
défendre cette province contre l’inondation des barbares fortis
du nord dans le deffein de s’établir en Italie ; ce général arrivé
avant les Teutons, Tentant la difficulté de fe foutenir contre
leur multitude innombrable, chercha une pofition d’où il pût
leur impofer fans fe commettre. Il n’en trouva point de plus
avantageufe que de fe retrancher dans l’ifle die la Camargue au-
deffous d’Arles, afin d’être à portée de tirer des fubfiftances par
la mer en remontant le Rhône, tandis que les ennemis, qui ne
tarderaient guere d’être privés de toutes reffources, périraient
par la famine; mais ayant confidéré les difficultés de l’embouchure
de cefleuve, qui étoit dès lors très-défeâueufe, ilprit le
parti de creuferun canal pour porter les eaux du Rhône de larive
.gauche vis-à-vis fon camp,dans un havre répondant auvillage de
Fos, où les bâtimens abordoient alors; ce qui fit donner parla
fuite à ce canal le nom de Fojfa-Mariana, d’où l’armee romaine
reçut en effet des vivres en abondance. Marius, apres
avoir totalement détruit l’armée des barbares., perfeâionna la
fécondé embouchure qu’il venoit de donner au Rhône. Ce canal,
dont on voit encore de foibles traces, & qui a rendu le nom
de Marius fi célébré dans le pays,.a appartenu;pendant plufieurs
fiecles aux Marfeillois qui en retiraient un gros revenu, que le
général leur avoit abandonné en récompenfe des fecoufs qu’il
en avoit reçus pendant cette guerre ; mais faute d’avoir été en tretenu
, il s’eft comblé par la fuite.des tems, de même que la
communication de l’étang de .Fos avec la mer. (.Hifioire romaine
des R R . P P . Catron & -Rouille. )
1077. C e n’eft pas feulement en.Italie que les Romains ont
ouvert des chemins nouveaux par des canaux; il y a peu de
provinces dans leur empire, où ils n’en ayent.faityce que.les généraux
d’armée exécutoient quelquefois autant .pour occuper
leurs troupes que pour le bien des pays où elles étoient dans
. le cas de relier long-tems tranquilles.
Strabon, qui vivoit fous Augufte , & qui avoit voyagé en di-
yerfes régions, pour y obferver la fituation des lieux & lesxoutumes
C h a p .IV . d e s "C a n a u x e x é c u t é s p a r l e s a n c ie n s . 353
tûmes des peuples, font mention de la France, comme du pays tranquillité.
du monde où l’on rencontre un plus grand nombre de belles ■
rivières, qui pouvoient etre rendues navigables oc jointes par dansusPays.
des canaux pour produire la communication des mers & occa- Bas-
fionner un commerce des plus étendus. Efl-il poffible que des remarques
auffi importantes n’ayent commencé à faire impref-
fion que fous le régné de Louis le Grand, à qui il étoit réfervé
de joindre la mer Méditerranée avec l’O céan, par le fameux
canal qu’il a fait conflruire en Languedoc, bien plus propre à
immortalifer la gloire de ce monarque que tous les trophées
qu’on lui a érigés ? la vraie & folide gloire des fouverains étant
celle dont les lujets peuvent partager les avantages.
Du tems de Néron, les Romains avoient entrepris de joindre
la mer de Provence avec celle d’Allemagne , par l’entre-
mife du Rhône & du Rhin *. Il y avoit alors dans les Gaules
deux grands capitaines qui commandoient à plufieurs légions ;
.favoir, Paulinus Pompeius ,& Luçius-Vetus, lefquels ne voulant
point laiffer leurs foldats oififs, jugèrent convenable de les
occuper utilement. Pompeius fit achever les digues ou levées
que Darius avoit commencé fbixante - trois ans auparavant |
pour les oppofer aux débordemens de ce fleuve, lorfque voulant
affurer fes conquêtes, il le joignit par un large & profond
canal avec l’Iffel, riviere des Provinces-Unies , qui fe décharge .
dans le Zuider-Zée. Vêtus de fon côté entreprit de joindre par •
un canal la Saône à la Mofelle, afin que les armées Romaines
que l’on eiiyoyoit dans la baffe-Allemagne, fuffent difpenfées
des fatigues du long trajet quelles avoient à faire par terre, parce
qu’elles auraient été d’abord conduites par mer dans le Rhône
& la Saône, de-là par un canal dans la Mofelle & le Rhin, pour
arriver fraîches & complétés jufqu’à la .mer d’Allemagne. Mais
comme les entreprifes les plus udles font prefque toujours tra-
verfées par l’envie , Helius-Gracilis, qui commandoit dans la
Gaule Belgique, & qui n’étoitpas des amis de Vêtus, ayant pris
ombrage de la gloire que ce dernier pouvoit retirer de ce beau
deffein, employa tout le crédit qu’il avoit à la cour de l’empereur
pour en empêcher la continuation.
On voit en Angleterre les vefliges d’un canal de navigation
de quarante milles de longueur, fait parles Romains, qui fèrvoit
à joindre la riviere de N y n , un peu au-deffous de Peterbo-
jo u gh , avec celle de Witlian, à trois milles au-deffous de Lin-
* Tacite, vie de Néron.
Parue IL Tome n . Y y •