
Examen de
ce qui arrive
dans la mer
Méditerranée
àVoccafion du
f lu x 6» reflux.
L e mouvement
régulier
des eaux dans
le détroit de
Meffine&dans
celui de Calcédoine
, efl une
"preuve que la
mer Méditerranée
a un
f lu x & reflux»
On voit donc la raifon qui fait que quand on examine la mer
le long des côtes fituées à l’orient, elle paroît fe mouvoir partout
de l’elt à l’oueft & de l’oueft à l’eu , parce que l’on n’ap-
perçoit pas ce qui fe paffe à plufieurs lieues au loin , & que
quand on fe trouve fur des rivages orientés au midi, l’on eit
difpofé â croire quelle fe meut du nord au fud & du fud au
nord. Il ne faut donc plus s’étonner fi l’on obferve prefque partout
que les eaux de la mer fe portent a fiez direûement vers
les côtes pendant le flu x , & qu’elles prennent une route contraire
pendant le reflux.
599. L ’opinion commune eft que la mer Méditerranée n’a
point de marée réglée , & que le peu de flux qu’on y trouuve
eft caul'é par les vents, excepté le long des côtes les plus méridionales
d’Efpagne , où elle participe beaucoup du flux &
reflux de l ’Océan par le détroit de Gibraltar; mais quand 011
examine cette mer aux rivages plus éloignés, comme le long de
ceux d’Italie, l’on voit qu’elle croît ou décroît environ d’un
pied, & bien plus encore àVenife, où les marées s’élèvent juf-
qu’à 3 pieds, parce que là fon étendue nord & fud eft plus
grande qu'ailleurs de toute la longueur du golfe Adriatique,
dans lequel les eaux étant pouffées parla caufè généraledes marées
, fe refoulent les unes les autres jufqu’au bout du golfe qui,
allant toujours en fe retréciffant, fait que la mer gonfle faute
de pouvoir s’étendre en largeur, ce qui n’arriveroitpoint fi
l'action du flux & reflux n’avoit pas lieu fur cette mer. On peut
d’autant moins s’y méprendre, que cela n’arrive qu’au tems
des fyzigies , tandis qu’aux quadratures elle ne croît ni décroît
prefque point à Yenife où le flux eft ordinairement le plus
marqué ; car il ne faut pas confondre fes accroiffemens naturels
avec l’élévation où elle monte quelquefois lorfqu’elle eft
enflée par les vents du midi qui la chaffent vers les côtes de
l’Europe,
600, Une preuve convaincante que cette mer flue & reflue,
c’eft que chaque fois que les eaux commencent à croître aux
côtes d’Italie par l’arrivée de la marée, elles entrent dans le
détroit de Meffine par les deux bouts en même tems, y refluent
pendant 6 heures les unes contre les autres .jufqü’au
milieu, où elles fe choquent & s’entremêlent, après quoi elles
fluent & en reffortent auffi par les deux bouts pendant les 6
autres heures fiiiyantes, ce qui vient de la difpofition de ce détroit
qui a 12 grandes lieues de long, & qui fépare, comme
CHAP. I. D u FLUX ET REFLUX DE LA MER. 1 7
l ’on fait , la SuilTe du continent d’Italie.
Cefar d’Arçons prétend que dans l’Archipel, au détroit de
Calcédoine, qui fépare la Grece d e l’ifle deNegrepont , fi l’on
obferve d’une pofitioij convenable les différens mouvemens des
eaux de ce détroit, on les verra auffi entrer en même tems par
les deux bouts & fe rencontrer vis-à-vis cet endroit, après
avoir mis 6 heures à fe joindre; qu’enfuite elles fe féparent ISc
retournent pendant 6 autres heures d’où elles étoient venues ,
après quoi elles rentrent tout de nouveau pour recommencer la
même manoeuvre, qui arrive deux fois en 24 heures & 48
minutes. Cet auteur ajoute que les anciens, faute d’avoir examiné
ces différens mouvemens du feul endroit d’où l’on pou-
voit en bien juger, au heu de 8 n’en avoient compté que 7 ;
que comme ils attribuoient du merveilleux à ce nombre, ils
n’ont point manqué de le faifir pour débiter mille chimères fur
ce détroit, quoiqu’il n’eût rien que de commun avec celui de
Meffine, & la plupart des autres formés dans l’Océan par les
ifles fituées près des grandes côtes.
601. Une autre preuve encore que cette mer flue & reflue
du fud vers le nord & du nord vers le fud , & que les marées
font d’autant plus fortes qu’elle a plus de largeur dans cette di-
reâion , c’eft que quand elle croît de 3 pieds à Venife, elle ne
croît que de 2 à Àncone, que d’un feulement vers le milieu
de la longueur du même golfe , & très-peu à Brindes & â
Otrante, qui font à fon embouchure, fitués vers le milieu des
300 lieues que la mer Méditerranée a de largeur depuis Yenife
jufqu’au rivage d’Afrique.
Il eft à remarquer que fi cette mer n’a fur la plupart de ces
côtes que très-peu de flux & reflux, cela vient de fon peu
d’étendue nord & fud, puifque les inégalités de l’accroiffement
des marées répondent affez jufte aux inégalités de fa largeur
nord & fud, qui doit avoir au moins 150 lieues pour que les
marées foient bien fenfibles dans le tems des nouvelles & des
pleines lunes.
602. Ceux qui veulent attribuer aux feules marées de l’Océan
les mouvemens réglés que l’on remarque dans quelqu’endroit
de la Méditerranée, difent que pendant le flux les eaux qui paf-
fent par le détroit de Gibraltar, venant heurter contre les côtes
d’Efpagne, fe réfléchiffent vers le rivage d’Afrique , de-là font
renvoyées dans le golfe de Venife , où elles caufent par leur
preffion le flux qui s’y fait fentir, qui ne peut avoir lieu dans
Tome I L C
Autre preuve
tirée de ce que
l'on remarque
fu r les rivages
du golfe
Adriatique. U
fa u t qu’ une
mer ait au
moins i j o
lieues de largeur
y nord 6*
f u i , pour que
les marées y
foient fenfibles.
Faibles raiforts
de ceux
qui attribuent
à V Océan les
mouvemens ré-
glés qiïon r tmarque
dans
la Méditerranée.
Si certaines
mers pla