
Observation
fur la conduite
des anciens
dans le choix
des endroits
propres à L'é-
tablïjfement
des ports r &
far le foin
qu'ils prenaient
de les
gtrftâwnner.
7 6 A r c h i t e c t u r e H y d r a u l iq u e , L i v r e IIL
difpofée à fon entrée & en dedans, qu’elle le garantiffe de
la violence des v ents, fur-tout du traverfier, & de l’agitation
des vagues de la haute mer, enforte qu’on n’y foit jamais inquiété
d’un gros tems; qu’il foit affez vafte pour contenir à
l ’aife un grand nombre de vaiffeaux, fans qu’ils fe nuifent ni
s’embarraffent ( art.627 & 631 ) ; qu’il foit exempt de bancs de
fable, rochers ou écueils; au furplus, que fes environs foient
en état de fournir les chofes néceffaires à la conftruttion des
vaiffeaux, à leurs agrès, équipement & fubfiflance ( art. 6 14
& 6 8 1 ).
690. On a dû remarquer dans le fécond chapitre , combien
les anciens étoient attentifs à profiter des beux propres â former
des retraites auxnavires; le foin qu’ils prenoient pour les garantir
des vents impétueux & des courans qui pouvoient leur être
nuifibles, en conftruifant des moles pour couvrir leurs ports
( art. 6 1 4 ,6 1 8 , 6 2 1 ,6 3 1 ,6 3 2 & 639 ) . On ne peut trop
admirer le zele qui les animoit ; lorfqu’il s’agiffoit du bien général
, rien n’étoit épargné pour alfurer la folidité de leurs travaux
& en accélérer l’exécution; chacun mettait la main à
l’oeuvre & voulait y entrer pour quelque chofe , ce qui faifoit
qu’en peu d’annéesl’on voyoit fortir du fond des eaux des monu-
mens prodigieux, perfuadés qu’ils étoient que le commerce
pouvoit feul leur procurer l’abondance, & les mettre en état
de fe faire refpe&er de leurs voifins. Depuis lo r s , le hafàrd pa-
roît avoir eu plus de part à former plufieurs des ports qui font
aftuellement d’ufage, que l’heureux choix qu’on aurait pu faire
pour de grands établiffemens. D ’ abord quelques familles fe font
fixées fur un rivage dans un lieu commode à y faire la pêche ,
fe font enfuite multipliées , & ont bâti une vilie, dont les habi-
tans ont fait un commerce qui s’efl aCcrù par une liaifon réciproque
avec les peuples voifins. La néceffite de fe foutenir contre
leurs ennemis, les a obligés d’avoir de petites, flottes, que
les fouverains ont enfuite rendues plus confidérables ; de maniéré
que fans bien rechercher fi quelques-uns de ces endroits
avoient toutes les qualités convenables à la marine, on s’en eft
fervi fans qu’on ait pu parvenir pendant plufieurs fieclesà les y
rendre propres , malgré les dépenfes qu’on y a faites, tandis que
fur la même côte , fouvertt à peu de diftance de-là, E fe trouvoit
des emplacemens merveilleux qui font refiés négligés-, faute
d’avoir été choifis par gens qui euffent des intentions relatives
4U bien de l’Etat:, au lieu qu’on ne peut refufer aux anciens le
C h a p . IV. M a x im e s p o u r b o n i f ie r l e s p o r t s . 7 7
mérite de n’avoir agi qu’en conféquence d’une fin aufîi
noble.
691. C ’efl vainement qu’on voudra s’opiniâtrer à lutter avec
la mer dans les endroits que la nature n’a point favorifé des
parties effentielles à un bon port'; quelques dépenfes qu’on y
Jaffe, on peut bien modifier pendant quelque tems certains
défauts, mais ils deviennent après cela plus grands que jamais.
Le meilleur parti, quand ils font auffi ingrats, ferait de
les abandonner, pour n’employer les fonds de l’Etat que dans
d’autres plus favorables à remplir un grand o b je t, fans trop fe
laiffer toucher par des confidérations particulières, toujours
nuifibles au bien général. N’efl-il pas fouvent arrivé que de
légers motifs l’ont emporté fur les raifons les plus fpécieufes,
fans envifager les fuites préjudiciables qui en pouvoient réfulter?
Heureufement il y a en France des direâeurs des fortifications ,
tant des places maritimes que de celles de terre, qui ne fe laiffent
point féduire par des vues communes, en ayant de trop élevées
pour ne pas apprécier les chofes à leur jufte valeur. Si une
adminiftration aufîi éclairée avoit eu lieu dans les fiecles pré-
cédens, il n’y a point de doute que plufieurs ports au-deffous
du médiocre n’eulfent point coûté des fommes immenfes en
pure perte.
692. Nous avons fait fentir ( art. 663 ) qu’il y en avoit peu
fur l’Océan, le long des côtes du continent de l’Europe, oit
il reliât allez d’eau dans le tems de la baffe mer pour qu’alors
les bâtimens puffent y demeurer à f lo t , ce qui ell fort défa-
vantageux â ceux qui ne peuvent foutenir l’échouage. Voulant
remédier à cet inconvénient, on y a pratiqué un bafïin avec
une éclufepour retenir les eaux, ainfi que les navires qui y font
entrés à marée haute ( art. 6t ). Rien de mieux imaginé pour
les maintenir à flot dans le tems même que le port ell à fec.
Mais comme le long des mêmes côtes la différence de la haute
à la baffe mer au tems des fyfigies n’efl guere que de 1 5 31 8
pieds, & feulement de 11 à 12 dans les quadratures, ces baf-
fins ne font propres”que pour les frégates de 40 à 50 canons ,
& point du tout aux gros vaiffeaux,, à qui il faut 24à 25 pieds
d’eau, à moûts que l’on ne parvienne à creufer un chenal entre
deux jettées àl’aide des éclufes de chalfe & des eaux d’un, canal
ou d’une riviere tenant lieu de réfervoir ( art. 6 2,. 63., 6 4,6 5 &
66 ) ; cependant comme cette manoeuvre demande un nombre
d’années avant que le chenal fou parvenu à la profbndeuï
On ne parvient
à bonifier
un port
qu autant que
la nature l ’a
favorifé dans
les parties effentielles.
R é—
flexions fur
l'importance
de faire un
bon ufage des
fonds de l'Etat
deftinés
aux ports de
mer.
Défaut des
ports de l'Océan
qui
n'ont que peu
ou point d'eau
à marée baffe.
Néceffité d’y
avoir des baf-
finspour y tenir
toujours
les vaiffeaux
à-flot.