
. Préjudice-
que peut eau-
fer à un port
l'embouchure
des rivières -
qui n'en font
pas éloignées.
Exemple tiré
des effets du
Rhône fur le
port de Bouc.
Evénement
Jlngulier d'une
irruption du
Rhône.
Suites f â che
u f es de la
nouvelle em-
84 A r c h i t e c t u r e H y d r a u l iq u e , L i v r e III.
706. Il 11’eft pas moins intéreffant de bien examiner l’effet
que produira un fleuve qui fe dégorgeroit dans le voifinage
d’une baye qu’on voudrait choifir pour l’établiffement d’un
port ; celui de Bouc fur la côte dé Provence , entre Marfeille
& l’embouchure du Rh ône , nous en fournit un exemple trop
inffruûif pour ne pas le rapporter.
707. Il y avoit autrefois fur la rive orientale du Rhône, à environ
une lieue & demie de fon embouchure, un terrein plus bas
que le relie , où la mer venoit fe rendre quand elle étoit agitée,
y formoit plufieurs petits étangs, quin’étoient en certains
endroits féparés du fleuve que par une lifiere de terre qui lui
fervoit de Berge. Lorfqu’en été ces étangs fe trouvoient à fec ,
le fel qui s’y etoit dépofé occafionnoit un grand faufaunage 4
voulant l’empêcher, on coupa la berge pour laiffer paffer, à l’aide
d’une éclufe fermée par une vanne, les eaux du Rhône dans ces
étangs, & noyer les fels. Cette éclufe, qui ne devoit être ouverte
qu’au befoin , n’ayant pas été fermée, par négligence ,
une nuit de l’année 1 7 1 1 , que le Rhône reçut une crue fubite,
il y paffa avec tant de rapidité, qu’il en emporta les bajoyers,
& fe fraya un paffage qui alla toujours en s’élargiffant, à caufe
de la facilité que la pente du terrein donnoit aux eaux de s’écouler
par un chemin plus court & bien moins gênant que n’é-
toient les finuofités de l’embouchure du Rhône appellée Bras-
de-fer.
Les Commiffaires nommés pour examiner ce qu’il convenoit
de faire dans ces circonftances, voyant que le Rhône fe formoit
naturellement une nouvelle embouchure, crurent qu’il réfulte-
roit un bien à la navigation, fi l’on refferroit ce nouveau lit, afin
de donner de la force à fon cours, & de l’obliger dé fe creufer
lui-même un canal plus profond que n’étoit l’ancien. Mais ils ne
firent point attention que les fables tirés du fond étant repouf-
fés par la m er, ne manqueraient pas, comme cela eft arrivé, de
caufer des attériffemens qui rendraient dans la fuite cette embouchure
au moins âulfi défeftueufe que l’autre , & beaucoup
plus préjudiciable au relie de la côte qui aboutit à Marfeille ,
principalement au port du Bouc. On ne fit point ces réflexions ,
toutes naturelles quelles étoient, & l’on ne fongea qu’à renfermer
les eaux du canal de Lône dans de julles bornes ; c’elt à
quoi l’on s’appliqua dans le cours des années fuivantes.
708. Avant l’irruption du Rhône , fon embouchure étoit
orientée vers le fu d , fes dépôts fe prolongeoient fucceffiYe-
C h a p .IV . M a x im e s p o u r b o n i f ie r l e s p o r t s . 8 j
ment an large , & ne caufoient aucun dommage au port de
Bouc , qui ne s’en eft reffenti que depuis qu’il a été queftion du
canal de Lône ; le dégorgement des eaux s’étant trouvé rapproché
d’une lieue & demie de ce port, a fait prendre infenfible-
ment aux nouveaux dépôts leur alignement vers le cap Cou
rônne, fitué à FE. S. E. du même port : fur quoi il eft à obferver
que tous les airs de vent du fud à l’oueft , qui produifent les
plus fortes vagues de la Méditerranée., pouffent fur la côte ce
que le Rhône charie , fans que ceux qui viennent de la même
côte & qui n’enflent pas la mer, puiffent produire un effet contraire
; d’où l’on peut conclure qu’il fe formera une barre qui
mafquera dans la fuite l’entrée du port de Bouc ; ceci eft moins
une conjefture qu’un fait inconteftable, cette barre étant déjà
fort avancée.
709, Les matières qu’entraîne le Rhône font de deux efpe-
ces, comme il arrive dans tous les autres fleuves : les plus pefan-
fes fe précipitant les premières au fond de la mer , forment les
dépôts du canal de Lône &r la barre précédente. Les autres ,
plus légères , font emportées au loin. Alors les vents chaffent
une partie de ces eaux bourbeufes dans le port de Bouc , où
elles dépofent la vafe dont elles font chargées , & élevent le
fond peu à peu par une fucceflîon de couches.
En 1700, ce port contenoit 3 6 galeres fort à l’aife, au lieu
qu’à préfent on pourroit à peine en placer quatre en sûreté ; cependant
on ne peut difeonvenir de.fon importance, & qu’il ne
foit le feul de relâche aux batimens déroutés par la tempête, qui
fe trouvent alors expofés à un péril inévitable dans le golfe de
L y o n , généralement reconnu pour être très-dangereux; rien
n’intéreffe tant le bien de l’état,fous quelques faces qu’on l’envi-
fage, que de rétablir ce port & de veiller à fon entretien ; au lieu
que fi on laiffe les chofes dans l’état préfent, il n’y a point de
doute qu’avant la fin du fiecle il ne foit entièrement comblé.
71 o. Les moyens de faire ceffer une crainte aufli bien fondée,
font, t °. d’obliger le Rhône à reprendre fon ancienne embouchure
, de maniéré que le port de Bouc ne fe reffente plus des inconvé-
niens inféparables du canal de Lône , ce qui n’eft pas aufli difficile
qu’on pourroit fe l’imaginer, comme nous le ferons voir dans le
quatrième livre, en expliquant les moyens de rendre les rivières
navigables | p j de creufer dans les terres le long de la côte, un
canal qui, partant du port de Bouc, vienne aboutir au Rhône
par le chemin le plus court, afin d’en éluder l’embouchure, en.
boudjire du
Rhône.
Preuve que
le canal de Lône
eft la principale
caufe de
l ’encombrement
du port
de Bouc.
Moyens
d’empêcher le
dommage que
cauje l'embouchure
aêluelle
duRhene.&de
rendre fiorif-
fant le commerce
qui fe
fait par ce
fttUV fi