Hypothefe de
M . Defcartes,
qui attribue le
f lu x à la p ref
fion que peut
çauferla lune,
d'où i l déduit
pourquoi ce
mouvement de
la mer arrive
en même teins
fu r les deux
points de la
terre diamétralement
op-
pofis. -
6 A r c h i t e c t u r e H y d r a u l i q u e , L i v r e III.
pofer le livre de la conuoiffance des teins que l’académie des
iciences publie chaque année, n’y marquèrent pas avec allez
de précilîonquelqu’une des-phafes de la lune, foit qu’ils fuffent
tombés dans quelqu’erreur de calcul, ou que cela vînt de quelques
fautes d’impreffion; & c e qui eft digne de remarque , c’eft
que fi on fçut à Paris qu’on s’étoit trompé, on ne l’apprit que
par la voie de ceux qui obfervoient dans les ports de mer l’inf-
tant du flux & reflux, qui s’apperçurent que quelques marées
ne s’accordoient pas comme à l’ordinaire avec les mouvemens
combinés d ufole il& de la lune, ou Amplement avec les phafes
de la fécondé de .ces planètes.
Il paroît étonnant que malgré la grande diftance qui fe trouve
entre nos côtes & l’endroit oh agit la caufe des marées , le flot
emploie fi peu de tems à y parvenir ; cependant on ceffera d’être
furpris, quand on réfléchira que la contiguité des parties de l’eau
fait que celles qui ont reçu la première impreffiou la communiquent
aux parties les plus voifines, celles-ci aux autres, & ainfi
fucceffivement.
588. Nous n’entreprenons point de difcuter fi le foleil & la
lune agiflent fur la mer par une voie de preffion , comme l’a
penfé M. Defcartes , ou fi c’eft par attraction, comme le prétend
M. Newton. Le premier fuppofe que la terre eft enveloppée
d’un torrent de matière éthérée ou fubtile, qui forme u a
tourbillon dont les limites s’étendent au-delà de la lune. En ce
cas la matière du tourbillon, circulant plus vite proche la terre
qu’elle ne fait en haut, eft obligée de paffer fous la lune, où fe
trouvant preflae entre le deffous de cette planete & la furface
de la terre, elle agit fur l’O céan, & oblige fes eaux de refluer à
la ronde, ce qui forme le flux dans nos ports. Mais la terre
continuant fon mouvement, & ne préfentant plus les mêmes
faces, la preffion celle , parce que les eaux qui s’étoient écartées
des tropiques reviennent occuper l ’efpace qu’elles avoient
abandonné. Sur quoi il faut prendre garde que cette efpece
de balancement perpétuel doit arriver en même tems fur les
deux points delà terre diamétralement oppofés, s’il y a des eaux.
En effet, nageant dans un fluide', fon lieu eft feulement déterminé
par l’égalité des impulfions de la matière qui l’environne
; par Conféquent la partie correlpondante à la lu'ne ne
peut être plus preflee que les autres, fans que la terre ne recule
tant foit peu , en avançant vers la partie oppofée , qui fe
trouve par cette affion autant comprimée par la matière contre.
C ôiP - L Ou FLUX ET REFLUX DE LA MEÙ. f .
laquelle elle s’appuie, que la fupérieure l’eft par l’air qui la
preflfef
589. M. Newton au contraire prétend que toutes les parties
de la matière qui compofent le fyftême folaire , pefent les
unes vers les autres félon leur malle, & en raifon renverfée
du quarré de leur diftance, & il les affujettit toutes à une pe-
fanteur univerfelle qu’il rend réciproque; ainfi il veut que la
mer s’élève fous la lune & fous le foleil, lorfqu’ils paffent par
le méridien qui répond au milieu de l’Océan , parce q u e ,
félon lu i, tout ici bas a quelque degré de pefanteur vers ces
deux aftres, & qu’en même tems notre tendance vers la lune
eft toujours beaucoup plus forte, parce que fi cette planete
eft très-petite, nous en fournies en récompenfe à très-peu de
diftance.
Pour rendre fenfible cette hypothefe à ceux qui ne font que
médiocrement verfés dans la phyfique, nous fuppoferons que
T repréfente la ferre- entouréë d’eau, & que B marqué la lune ;
alors il arrivera, comme nous venons de l’expofer, que la partie
G de l’Océan, à laquelle cette planete répond perpendiculairement,,
en fera plus attirée que ne le feront toutes les autres
plus éloignées. Au contraire, l’eau qui eft en G fe trouvant
alors à la plus grande diftance de la lune, en fera moins attirée
que tout le refte compris dans l’hémifphere EG F ; ainfi devenant
plus légère qu’elle n’étoit, elle s’enflera auffi davantage ;
d’où il réfulte que toutes ces eaux enfemble formeront une
maniéré de Iphéroïde qui a pour grand diamètre C G & pour
petit EF.
O r comme les marées en C & en G , diamétralement oppo-
fées, fe font toutes deux en même tems , il eft évident qu’en
fuivant la révolution journalière de la lune, elles doivent fe
fuccéder alternativement l’une l’autre fous chaque méridien à
12 heures 24 minutes d’intervalle, par conféquent arriver deux
fois en un jour, parce qu’en 12 heures 24 minutes la lune paffe
de B en H , où elle produit les mêmes effets en G qu’elle avoit
Caufés en C.
On voit que ces deux philofophes font diamétralement op-
pôfés dans leur explication, puifque le premier veut que l’Océan
s’abaiffe ou forme un creux fous ces deux planètes, précifé-
ment dans le même tems que le fécond prétend que la mer
s’élève & forme une efpece de tumeur par fa plus grande convexité
; mais tous deux conviennent également, malgré leur
Sentiment de
M . Newton,
qui attribue le
f lu x & reflux
de la mer, au
plus ou moins
d‘attraction
du fo le il & de
la ' lune $ en
quoi fon f y f tême
eft plus
conformé à
V expérience
que celui de
M . Defcartes.
PL. 1 1 1 .
Fig. Y.