
Poßtion de
la Ruße par
rapport aux
autres régions
(le l ’Europe ,
avec le grand
dejfeia qu’a-
voit conçu le
Ç ç a r , de joindre
les mers
qui environ-
fient fis états.
374 A r c h i t e c t u r e H y d r a u l i q u e , L i v r e IV .
gleterre, en Allemagne, & en France, pour s’inftruire par lui-'
même de la difcipline militaire , de l’art de fortifier les places,
de ce qui concerne le négoce, la marine, le gouvernement des
peuples, & après avoir, à force de bienfaits, détermine un grand
nombre d’habiles gens en tout genre à paffer à fon fervice, il
conçut, à l’imitation de Louis' X IV , le grand deffein de joindre
les mers qui environnoient fes états, dont on ne peut bien juger
que fur l’idée que nous allons donner de leur lituation par
rapport à ceux des autres puiffances.
1102. La Ruiïie eftla partie de l’Europe la plus orientale &
la plus vafte; fa latitude eft depuis le quarante-huitieme degre
jufou’au foixante-dix, & fa longitude s’étend depuis le quarantième
jufqu’au foixante-dix , qui eft l’extrémité la plus orientale
dé l’Europe ; mais fi l’on y joint la Sibérie jufqu’aux dermeres
découvertes, fon étendue va jufqu au deux cent feptieme degre
de longitude. ' , M M .
La partie de la Ruflie qui eft en Europe, eft bornee du cote
du feptentrion par la mer Glaciale , & la Dwina qui lafepare
de l’A ile ; fes bornes au midi font la Tartarie, la Cir.came &
la mer Cafpienne ; elle eft terminée à l’occident par le Nieper
& la Dwina ; fes autres frontières font la Pologne , la Suede
& la Norwege ; fes principales rivières font la Dwina qui tombe
dans la mer Blanche , le Don dans la mer Noire, & le Volga
dans la mer Cafpienne. . ;
Le Czar comprit qu’en faifant communiquer ces rivières
& les autres y affluantes par des canaux, il joindrait toutes ces
mers & réunirait chez lui ce qu’il y avoit de plus fepare. Après
avoir parcouru lui-même une partie de fon vafte p ays, fait faire
les nivellemens , choifi les lieux oh les canaux devraient etre
creufes , déterminé'le nombre & la pofition des eclufes, & ç ,
en un mot conftaté ce g ra n d projet, il l’entreprit fans qu’aucun
obftacle ait pu le rebuter. Il l’a commencé par la jonction.du
Volga avec la riviere de V o lk o v a , qui fe jette dans le lac La»
doga ,-Ce qui conduit par Petersbourg a la mer Baltique. De
cette maniéré on pourrait communiquer par eau a travers toute
la Ruflie, & par un chemin de plus de huit cent lieues, depuis
Ja mer Baltique jufqu’à la mer Cafpienne ; & dans la Perfe il
devoit y avoir un autre canal qui aurait communique le Don
avec le V o lg a ,& p a r conféquent la Méditerranée avec la mer
Cafpienne ; l’intention du Czar étoit que Petersbourg devint
C h a p .V .d e s C a n a u x e x é c u t é s p a r l e s m o d e r n e s .375
par fa fituation favorable, un entrepôt du monde pour le commerce
c’eft-à-dire, une autre Alexandrie : ce qui fût arrivé , fi
ce monarque, mort en 1725 ,â g é feulement de 53 ans, avoit
vécu plus longrtems ; mais ce que nous-venons d’expofer fuffit
pour donner un grand exemple de tout le bien que peut faire
un fouverain , quand il ne s’occupe qu’à rendre fes peuples
heureux.
1103. La conduite des travaux du canal frit d’abord donnée
à un nommé Breckell, ingénieur Allemand, homme avantageux
, ne doutant de rien, qui avoit paffé au fervice de Ruflie,
oh il étoit regardé comme un aigle ; mais l’événement a bien
prouvé qu’il. 11’entendoit rien à. l’ârchiteâure hydraulique. Il
traça le canal aufli mal quiil pouvoit l'être, & fonda la première
éclufe avec fi peu de précaution, que dès qu’on en eut fermé
lès portes pour foutenir les eaux d’une chûte , elles s’échappèrent
par-deffous le radier qui ne tarda guere d’être emporté avec
les bajoyers ; ce qui fit prendre à Breckell le parti de fortir furtivement
de Ruflie, pour fuir la punition qu’il avoir mérité en
fe chargeant d’une èntreprife au-deffus fes forces. Cela montre
bien la conféquence de ne donner la direétion des travaux de
cette efpece qu’à des perfonnes d’une capacité & d’une expérience
reconnues.
Le czar, qui étoit alors en Angleterre, informé de cet a c c i dent,
choifit M. Jean Perri, ingénieur Anglois , pour chef de
l’exécution d’un projet que ce monarque avoit fort à coeur, &
qui ne pouvoit -tomber en meilleure main ; cet ingénieur étant
aufli habile pour s’en bien acquitter,que le précédent l’étoit peu.
Mais combien n’a-t-il pas euàfouffrir des miniftres & des autres-'
grands feigneurs déclarés contre le canal, fous prétexte que
l’on ne réufliroit jamais, après ce qui étoit arrivé à l’eclufe de
Breckell ; de forte que M. Periy rebuté de fe voir traverfé de
toutes parts , prit le parti de retourner en Angleterre après
plufieurs années dé travail fort mal récompenfé , fi l’on s’en
rapporte au livre qu’il publia à cette occafion, oh l’on prétend
qu’il a un peu trop grofli les objets.
Je crois devoir ajouter qu’en donnant une idée des principaux
canaux conftruits par les modernes , mon deffein a été qu’ils
ferviffent d’introduûion à ce que je devois enfeigner fur la conduite
qu’il falloit tenir pour en projetter de nouveaux, & auto-
rifer par des exemples les maximes qu’on trouvera dans le feptieme
chapitre.
Occident at-*
rivés à la premiere
éclufe
qui fut conf-
truite pour, le
canal de Ruff
e faute d'intelligence
de la
part de l’ingénieur.