346 A r c h i t e c t u r e H y d r a u l iq u e , L i v r e IV.
» traverfé l’ifthme Arabique, par un canal, pour pénétrer en
» Ethiopie. Cependant ce nétoiement du canal & louvrag
» nouveau qui y fut fait en le creufant davantage, que quet-
» ques-uns attribuent à Sefoftris, eft auffi attribue par d autres
» Pfametichus fon fils, & Hérodote en donne la gloire a Ne
» eus, petit fils de Sefoftris. Quoi qu’il en foit, 1 ouvrage ne tut
» pas pouffé jufqu’à la fin dans ce tems-là, non plus que quei-
» ques années après parDarius, fous qui cependant ils en fallut
» peu qu’on n’y mît la demiere main ; on en fat détourné par la
» crainte que l’on eut que les eaux de la mer Rouge e trouvan
» plus hautes que les terres de l’Egypte, elles ne vmffent a inonder
» le pays. Cependant le même Hérodote femble infinuer que
» Darius pouffa l’ouvrage à fa derniere perfection. Ptolomee Phi-
» ladelphe prévint l’inconvénient que l’oncraignoit du cote des
» eaux de la mer Rouge-,il ajouta au canal quil avoitentiere-
» ment fait creufer depuis Bubafte jufqu’a A rfinoe, des eclufes
» pour arrêter les eaux de la mer Rouge qui feraient entrées
« avec trop de violence.,Nous voyons encore dans Strabonque
» du tems d’Ælius-Gallus & dufien,la communication du Nil
» au golfe Arabique étoit libre aux vaiffeaux marchands dAle-
» xandrie, & que de-là üs pénétraient jufques dans les Indes.
» Je ne crois pas cependant que ce canal ait ete navigable
» pour les gros vaiffeaux; car comment Cleopatre fe feroit-
» elle déterminée à faire conftruire avec des frais & des peines
» immenfes , des machines pour tranfporter fa flotte parterre,
« fi elle eût eu une voie ouverte pour le faire avec plus de ta-
» cilité ? Dans la fuite l’empereur Trajan fit reparer ce canal &
» lui donna fon nom, comme Ptolomée avoit fait avant lui ;
« après quoi le caliphe Omar, vers la fin du régné dHeraclius,
» donna la commiffion à Amri fils d’A fius, de netoyer ce ca-
» nal qui s’étoit trouvé comblé avec le tems, faute d entretien.
„ Ce canal eft celui que les Arabes croient que dès le tems
» d’Abraham, T otis roi d’Egypte avoir fait faire; un autre cali-
» phe d ’E g y p t e le fit fermeràfouembouchure du cotedelamer,
» & le caliphe Hakem le fit encore de nouveau rétablir & 1 orna
» d’un revêtement de marbre. Quelques foudans d Egypte,leur
» vainqueur Selim, empereur des T u rc s, & les defeendans de
* celui-ci g ont travaillé à le r’ouvrir, & 1 ont mis dans 1 état
• Les anciens donnaient lenom d’éclufes à tonsles
foutenir les eaux ainfi l’on ne doit point inferer que ce terme lignifie ici des ècluies,
C h a p . I V .d e s C a n a u x e x é c u t é s p a r l e s A n c ie n s . 3 4 7
» où il fe trouve aujourd’hui ; mais il ne fert plus qu’à intro-
» duire les eaux dont on a befoin dans certains tems pour arrofer
„ les terres d’Egypte ; la quantité du limon dont fon lit eft
» chargé , le rendant inutile pour la navigation. Nous n’ou-
» blierons pas ce que Diodore rapporte, fçavoir, que de Mem-
» phis à la mer, nous ajouterons Méditérannée, de crainte d’er-
» reur, on a coupé une infinité de canaux femblables à ceux
» que l’on trouve dans le refte de l’Egypte, deftinés à arrofer
v ies terres ou à tranfporter les marchandifes.
1071. « Je crois avoir fait fentir à ne pouvoir en douter, tant
,, par la defeription que nous avons des anciens , que par le
» fentiment des modernes, que ce canal que Sefoftris répara,
» étoit le même que celui que Darius, après lui Ptolomée Phi-
» ladelphe, & enfin le caliphe Omar avoient fait creufer à di-
» verfes reprifes. C e canal s’étendoit depuis la ville de Fuftata,
» aujourd’hui le Grand-Caire, jufqu’à Clyfma, port fur la mer
» Rouge; ce qui eft conforme à ce qu’en difent Elmacin & Eu-
*> thychus, auxquels on peut joindre Hérodote, qui, dans la défi-
» cription qu’il en donne, place le commencement de ce canal
»> un peu au-deffus de Bubafte. C ’eft en effet la partie du Nil qui
» eft la plus voifine de la mer, & l’endroit où il étoit le plus fa-
» cile de creufer un canal ; car au rapport de Pline, cet inter.
» valle n’eft que d’environ foixante-deux mille pas.
» Les anciens auteurs, fur la foi defquels je l’ai rapporté, di-
» fent prefque tous unanimement que les rois d’Egypte & de
» Perfe, Sefoftris, Pfametichus, N e c o , & Darius, qui ont fait
•> travailler à ce canal, avoient été détournés de le pouffer juf-
» qu’à fa perfection, parce qu’ils' s’étoient aperçus que le ni-
» veau de la mer Rouge étoit plus haut que celui des terres
» d’Egypte, & qu’ils appréhendoient que l’ifthme étant coupé,
» la mer ne trouvant plus de barrière , n’inondât tout le pays
„» de fes eaux: c’eft ainfi qu’en parle Ariftote. Diodore ajoute que
"»> ce fat pour cette raifon que Ptolomée, après avoir con-
» fommé un ouvrage que les autres n’a voient fait que commen-
t> cer,fit conftruire une éclufe pour remédier quand on le juge-
« roitàpropos, àl’impétuofitédeseauxdelamerqui entreraient
« dans ce canal. Pline, après avoir dit que l ’on avoit trouvé que
» l’eau de la mer Rouge étoit de trois coudées plus élevée que
» les terres de l’Egypte, allégué une autre raifon, qui eft que l’on
» àvoit appréhende que les eaux de la mer ne vinffent à gâter
» les eaux du N il, qui font les feules que les Egyptiens ayent
Conclujioh.
de M. Huet
fur le même
canal dont il
détermine la
pofl&.-l.