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a é/i fi i t dra en même tems qu’on fera le mortier, afin que par 1 effer-
de mieux pour vefcence qUi fe fera il puiffe fe détacher une plus grande partie
dès fels contenus dans la biocaille & la pozzolane qu on doit
Toulon• y incorporer ; il fiippofe d’ailleurs qu on a cette matière aufii
commodément qu’en Italie. ' . .
M. Milet de Montville, qui a acquis fur la maniéré de bâtir
dont nous parlons une expérience éclairée par de bons principes
, a fait un grand nombre d’effais fur la meilleure maniéré
de compofer le béton , & voici celle qui a le mieux reuffi dans
les travaux dont il a eu la direftion.
Après avoir choifi un emplacement uni & bien b attu, on
prend douze parties de pozzolane, deterraffe de Hollande,ou
de cendrée de Tournay, dont on forme une bordure circulaire
de cinq ou fix pieds de diamètre, fur laquelle on pofe nx parties
de fable, bien grené& non terreux, répandu egalement. On
remplit l’intérieur de ce cercle d; neufparties de chauxvive bien
cuite, concaffée avec une maffe de fer pour qu elle s éteigne
plus v ite , ce qui fe fait en y jettant peu â peu de l’eau de la
mer pour les ouvrages maritimes, & en la remuant de tems en
tems avec le dos de plufieurs rabots de fer ; dés qu elle èft
réduite en pâte on y incorpore la pozzolane & le fable. Le
tout étant bien mêlé , l’on y jette treize parties de recoupes
de pierres, & trois de mâchefer concaffé, lorfqu’on efl a portée
d’en avoir, ou bien l’on fe contente d’employer feize parties au
lieu de treize de recoupes & blocailles de pierre, ou de cailloux
* dont la groffeurne doit point furpaffer celle d’un oeuf de poule.
O n remue à force de bras toute cette compofition pendant
une -heure, en la promenant çà & là avec des pelles pour en
mieux incorporer les parties, après quoi l’on en forme des tas
auxquels on laiffe faire corps pendant 24 heures en été, dans les
pays chauds ; mais en hiver il lui faut quelquefois trois a quatre
■ i ; , jours, obfervant de la conferver à couvert de la pluie, & de
ne l’employer que quand elle eft affez ferme pour né pouvoir
être enlevée qu’avec la pioche. • •
Maniéré f cm. 84}. On remarquera que quoique le béton foit employé
ployer le mor- fec ^ lorfqu’il èft arrivé au fond de l’eau il s’y étend & s affame.
avecUpiéne" On change de place la machine fervant àle plongera mefure que
pour former le l’on en a fait un lit de dix à douze pouces d epaiffeur qu on
corpsdelama. pur toute ia fondation , après quoi l’on y répand des
pierres perdues ou moilons d’une médiocre groffeur, les plus
groffes rie devant point excéder le quart d’un pied cube. Ces
C h a p .X . d e s F o n d a t io n s a p ie r r e s p e r d u e s . 187
pierres arrangées avec attention les unes à côté des autres, s’enfoncent
dans le mortier qui s eft amolli, mais qui fe durcit en-
fuite au point qu’après trois ou quatre mois la maçonnerie devient
indiffoluble, & d’autant plus quelle vieillit davantage.
Ce lit de pierres ayant été recouvert d’une nouvelle couche
de béton,, on en recommence une autre, ainfi de fuite alternativement
jufqu’à 6 ou 7 pieds au-deffous du niveau de 1 eau ;
alors on peut fe paffer de la caiffe-, & jetter le béton avec des auges
& paniers, en obfervant cependant de ne les vuider que
fort près de la furface de l’eau, étant effentiel d’empêcher qu’il
ne fe délaye en tombant de haut, ce qui ne manqueroit pas
d’arriver aux fondations qui ont beaucoup de profondeur ,
comme nous l’avons déjà dit,parce que les parties les pluspe-
fantes gagnant le fond plus promptemept que les autres , tout
l’efprit de la chaux fe convertiroit en lait.
On voit par cette maniéré de bâtir, que la maçonnerie peut
être regardee comme faite fuivant les meilleures réglés de 1 art-,
parce qu’étant compofée de très-petits matériaux qui prefen-
tent beaucoup de furface aux parties du béton, il s en détaché
une plus grande quantité de fels propres à la concrétion, &
qu’elle a cela de commode qu’on peut la faire fans le fecours
d’aucun maçon, les moindres manoeuvres pouvant la conduire
; il n eft befoin que de quelques charpentiers pour former
l’encaiffement. Au furplus , il convient de laiffer fubfifter 1encadrement
dans lequel la maçonnerie a ete formée, particuliérement
aux endroits expofés aux vagues de la mer, ou a la
rapidité des eaux.
844. C ’eft en s’y prenant de la forte que nous avons v u , en
1748 , bâtir à Toulon une' des jettées que l’on a fait dans la
nouvelle darce ; les ingénieurs de cette place ne connoiffant
point de méthode dont ils fe foient mieux trouvés pour travailler
folidement dans la mer fans aucune fâcheufe fujettion , 011
peut dire qu’elle eft la feule dont on puiffe garantir le fuccès.
On n’a point à craindre qu’une pierre de parement venant à
fe détacher foit fuivie de plufieurs autres , & que fucceflive-
ment tout ce qui eft dans l’eau tombe en ruine *, & ne doit-on
pas compter pour beaucoup l’économie de pouvoir travailler
fans batardeaux ni épuifemens qui caufent quelquefois autant
de dépenfe que la chofe même ? N ’a-t-on pas lieu a etre furpris
qu’une pratique dont les anciens ont fait un fi bon ufage, ne foit
guere fuivie que fur les côtes de la Méditerranée ? Cependant
La maçon-
nerie de béton
efl la meilleure
de toutes celles
qu’on peut
employer pour
bâtir dans