
C’eft uh arbre peu élevé, mal fait, 8c dont le
tronc eft tortu, noueux, & recouvert d’une écorce
crevaflee & grisâtre. Ses feuilles font alternes ,
pétiolées, ovales-lancéolées, entières , vertes 8c
un peu luifântes. Les fleurs de cet arbre font dioï-
ques, c’eft-à-dire , toujours d’un feul fexe fur
chaque pied. Celles qui font mâles naiffent au
ibmmet des branches , difpofées en chatons cylindriques
, n’ont point de corolle , & font conftituées-
par trois petites étamines nues & filiformes. Les
pieds femelles portent aufli des chatons qui font
garnis de petites fleurs incomplettes, fans corolle
8c fans calice : chacune de ces fleurs eft formée
Amplement par un ovaire nu , arrondi , ayant
trois côtes peu fenfibles , 8c chargé dè trois ftyles
courts. Cet ovaire devient une capfule glabre ,
compofée de trois coques réunies & monofperm.es.
Toutes les parties de cet arbre, 8c fur-tout fes
jeunes branches , font remplies d’un fuc laiteux ,
abondant, âcre & très-cauftique -, de forte que ,
lorfqu’on les coupe, on s’expofe à perdre la vue ,
s’il en faute dans les yeux. Le bois de cet arbre,
8c particuliérement certaines parties de fa fubftan-
cechoifies foie dans le" voifinage des racines ,
foit auprès des noeuds ou dans les cavités 8c les
crevaffes dont fon tronc eft parfemé, font une matière
graffe, oléagineufe, très-inflammable , &
qui répand , lorfqu’on la brûle, une odeur affez
agréable, qui approche de celle du benjoin. Cette
odeur eft plus forte lorfqu’on râpe ce bois fur des
charbons ardens. Rumphe ajoute qu’on s’en fort
rarement feul -, mais qu’on le mêle avec quelqu’au-
tre bois odorant ou avec quelqu’aromate, qui
relève fon odeur, & la rend plus durable. Cet
arbre croît dans les Ifies Moluques.
Obferv. fur l’Agalloche , le Calambaç , le Bois
d’ alors & le Bois d(aigle.
On préfume, avec beaucoup de vràifemblance ,
que le bois d’aloès des boutiques , & le Calambaç
qu’on apporte quelquefois de la Coçhinchine, font
le même bois que celui que Diofcoride a décrit
fous le nom d’Agallochum , & que par la fuite on
a nomnié Xyloalogs : ç’eft , comme on fa it , un
bois gras, réfineux, de bonne odeur, d’une couleur
brune ou roufleâtre, 8c qui n’a rien de commun
avec le fuc épaiffi 8c amer, connu Amplement
fous le nom à'aloes, qui provient d’une plante
liliacée du même nom.
Bauhio & les modernes diftinguent trois fortes
à 'A g a llo ch e squi diffèrent, foit par leur degré
/de bonté , foit par rapport aux pays dont on les
tire , 8c auxquels on donne les dénominations foi-
yantes.
I. Le C a l a m b a ç , Agallochum proeftantifjimum.
jBauh. Pin. 393* Calambaç Indorum , Kenatn Co-
chinchinenfîum ‘ Suk-hiang (inenfium , dale phar«•
ViacoL Suppl. Sokio.G. Camelli. .Raj i. Hift. Î8 o8.
C’eft un bojs gras , réfineux, noirâtre-, uni,
fqlide , pelant, fe laiffant néanmoins facilement
entamer, marqué de veines grisâtres, & très-
odorant. Ce bois eft extrêmement précieux dans
l’Inde , où quelquefois il le vend au poids de l’or.
Son goût eft un peu amer & aromatique-, & l’odeur
qtfil répand lorfqu’on le brûle eft très-fùave. On
prétend que l’arbre qui le porte eft rempli d’urt
lue refineux qui s’amafle & fe fixe en plus ou moins
grandes quantités dans diverfes parties de fon
tronc 5 de forte que celles qui en contiennent le
plus, font choifies comme étant les plus pré-
cieufes -, & c’eft de ces 'parties qu’on tire les
morceaux connus fous le com de Calambaç. Rai
dit, d’après le rapport du Pere Camelli, que lé
vrai Agalloçhe eft un arbre dont l’écorce eft remplie
d’un fuc laiteux, virulent, & tellement cauf-
tique , que s’il en tombe dans les yeux, il caufe
l’aveuglement -, & qu’il excite fur les autres parties
du corps des inflammations , 8c y fait naître des
pullules. Raj. SuppL PI. de Lu\. 87. Cette obfer-
vation porte à croire que l’arbre dont il s’agit eft
du même genre que l'Agalloche d’Amboine , dont
j’ai'fait mention ci-deffus -, mais je foupçonne qu’il
y a erreur dans l’application, 8c que l’obfervation
dont il s’agit porte uniquement fur VAgalloche
d’Amboine, qu’on a pu prendre pour l’Agallochum
des anciens , en un mot pour l’arbre dont on tire
le Calambaç & le Bois d’aloès.
a. Le Bois d’aloès , Agallochum ojjicinarum.
Bauh. Pin. 393. Lignum aloes vulgare, ojf. Tehin-
hiang Jitienfium dale pharmacol. Thimhio. G. Camelli.
Pao de aguïla des Portugais, 8c nommé
aufli très-fbuvent Bois d’aigle.
C’eft un bois gras , réfineux, compaéie , pefant,
d’une couleur brune roufleâtre , marqué de veines
grifes , 8c fouvent percé de petits trous qui le font
paroître comme carié. Il a une faveur un peu amère
8c aromatique, 8c une odeur agréable lorfqu’on le
brûle.'Ce bois n’eft pas fi cher que le précédent, 8c
fe trouve plus communément dans les boutiques. On
l’apporte de la Cochinçhine comme le Calambaç ;
& il y a apparence qu’on le retire du même arbre.
On ne fait pas encore au jufte quel eft l’arbre qui
produit Je vrai Calambaç & le Bois d’aloès-, j’ai'
malgré pela beaucoup de motifs pour foupçonner
que l’arbre que je vais citer , eft au moins de la
même famille, s’il n’eft du même genre ou de la
même efpèçe.‘M. Sonnerat, à fon retour de fon fécond
-voyage de l’Inde , m’a fait préfent d’une branche
du vrai bois d’aigle , qui croît dans les montagnes
des environs de Malac -, elle étoit munie de feuilles
& fans fructification ; mais il fe trou voit joint
dans le même.papier un deffin des fleurs 8c des
fruits du même arbre, avec une petite defeription
au bas. Cet arbre a une fingulière reffem-
blance avec VAgallochum fecundarium de Rumphe
, & en même tems avec le Sinkoo de Kempfer ;
8c je crois que c’eft vraiment la même chofe.
Comme il n’eft point du genre de l’Agalloche
d’Amboine, je ne lui donnerai point le nom à'Agaî-
Ipche - yoici fa defçriptjoh.
Gaso'
Garo de Malaca , Aquilaria Malaccenfis. Agal-
lochum fecundarium. Rumph. Amb. 1. p. 3 4 . Tab.
io. Sinkoo. Kempf. Amoenit. 9 0 3 . Le bois d’ aigle,
Sonnerat.
Les rameaux de cet arbre ont le bois blanc
tirant un peu fur le jaune , 8c font recouverts d une
écorce d’un gris roufleâtre , dont la furface eft un
peu chagrinée ou gerfée -, ils font velus dans leur
partie fupérieure. Les feuilles font alternes, ova-
fés-lancéolées, entières, fortement acuminées ,
longues de trois pouces 8c demi, larges de deux
polices , glabres & d’un beau verd en leurs fur faces',
qui paroiflent comme fatinéespar la finefle
de leurs nervures latérales -, leur nervure moyenne
étant la feule qui foit faillanté en deflous , &: qui
prbduife un fillon médiocre en defliis. Ces feuilles
font foutenues chacune par un petiole long d une
à deux lignes, 8c ont leurs bords garnis de poils
courts. Les jeunes feuilles font velues 8c prefque
blanches avant leur développement. Les fleurs,
félon le deflin 8c la defeription de M. Sonnerat,
font petites 8c n’ont point de calice. Leur corolle
eft d’une feule pièce , à demi-divifee en cinq parties
ovales , pointues , 8c ouvertes en étoile ; a la
bafe intérieure de chaque divifion de la corolle,
on trouve deux petites écailles qui s y infèrent 8c
qui forment à l’entrée de la fleur une couronne
compofée de dix neélaires , félon l’expreflion de
M. Sonnerat. Les étamines font courtes , au nombre
de dix, 8c font attachées fur la corolle entre
les feélîons des 'neélaires. Le piftil eft formé par
un ovaire fupérieur, ovale, dépourvu de ftyle , &
couronné par un ftigmate fimple fort petit. Cet
ovaife fe thange en une capfule turbinée ou pyri-
forme, longue d’environ un pouce , & qui s’ouvre
naturellement en deux battans: elle eft partagée
intérieurement en deux loges qui renferment chacune
une femence noire, ovale , pointue , petite,
8c dont une avorte prefque toujours. Au bas de
chaque femence on trouve un corps fpongieux -, il
paroît tenir la place d’une autre femence avortée.
Je n’oferois aflurer que l’arbre dont je viens
d’expofer les caraélères botaniques, foit du même
genre que le Calambaç ou VAgallochum des anciens
-, cepèndant il eft frappant de trouver dans les
Auteurs les deux deferiptions fuivantes, qui concernent
VAgallochum dont ils agit, & qui ont de
fi grands traits de reflemblance avec le Garo que
je viens de décrire. « M. Cunningham, dit M.
» GeofFroi, dans fa Matière médicale, rapporte
» que le Calambaç vient d’un arbre dont le fruit
» eft prefqu’en forme dè poire , velu, de la grof-
» four d’un myrobolan citrin, dont l’écorce eft
» épaifle & ligneufe ou fongueufe , s’ouvrant en
» dèux , contenant deux graines féparées par une
» cloifon mitoyenne, en forme de poire , avec
» des appendices membraneufes , appuyées for un
» calice partagé en cinq quartiers ». Maintenant
voici ce que dit Kempfer de VAgallochum , Amoenit.
Exot. Fâfc. v. p,903. «Nous ajoutons ici,
> Botanique. Tome L
ü dit-il, une plante certainement très-rare, qui
» a été apportée avec beaucoup de difficultés des
» montagnes les plus éloignées. Celle que nous
» décrivons eft très*jeune, & non dans fa perfec-
» tion ; c’eft pourquoi à peine eft-elle digne d’être
» décrite, 8cc. Cette plante s’appelle Sinkoo, &
» par le commun des Japonois Kawo richi ; c’eft-
» à-dire, bois d’une bonne odeur. Les Siamois
» l’appellent Kiffina; 8c les Latins, Arbor aquiloe
» 8c aloes, dont le bois , qui eft d’une bonne
» odeur, s’appelle Agallochum.
» Cette plante avoit une tige haute d’une cou-
» dée , droite, menue , d’un beau verd , velue ,
» garnie de feuilles dans toute fa longueur , par-
» tagee en deux branches femblables à la tige , 8c
» penchée de la même manière que les feuilles.
» Ces feuilles étoient écartées à environ un pouce
» les unes des autres , 8c imitoient celles du
» pêcher, entières en leurs bords , mais barbues,
»• d un beau verd en deflus & en deflous , 8c tra-
» verfees en deflous par une côte faillanté, de
»- laquelle partoit un très - grand nombre de
» petites nervures latérales très-fines & prefquim-
» perceptibles , qui , en. fe courbant fucceffive-
» ment, fe perdent aux bords de la feuille ».
Cette defeription convient à merveille au morceau
de bois d’aigle que m’a donné M. Sonnerat;
8c celle de M. Cunningham fe rapporte affez bien
à fon fruit, dont j’ai les deffons. Si cet arbre eft
le même que celui qui donne le Calambaç, il eft
clair qu’il eft d’un genre 8c même d’une famille
bien différente de 1 Agalloche d'Amboine^qu’il faut
rapporter à la famille des Euphorbes -, tandis que
le Garo de Malaca , qui paroît être le Sinkoo de
Kempfer, s’en éloigne beaucoup. Suivant le rapport
des Japonois 8c des Siamois , le Calambaç n’acquiert
l’odeur qui le rend fi précieux , que lorfque
l ’arbre qui le produit eft devenu tout-a-fait vieux.
3. Le Caeambac , Agallochum fylvejlre ? Bauh.
Pin. 394. Agallochum f . lignum aloes Mexicanum.
Camelli. Raj. Suppl. 87.
C’eft un arbre affez grand , félon Rai, & dont
le bois a une faveur amère, & une bonne odeur
qui eft même plus forte que celle du bois d’aloes
ordinaire , ou Agalloche des boutiques -, mais il
n’eft point fi dur ni fi compaéie que lui. M. GeofFroi
dit que fa couleur eft d’un brun tirant fur le vert ;
que fon odeur eft fuave, 8c qu’il a peu de pefan-
teur. On en apporte de gros troncs des Mes de
Solor 8c de Timor ; 8c en fuppofant que celui dont
Rai fait mention foit le même, il en vient aufli
du Mexique. On l’emploie pour faire des boëtes ,
des écritoires, des étuis, des chapelets , 8c d’autres
ouvrages de cette nature.
AGARIC, A g a r i c u s , T. Genre de plant®
de la famille des champignons , 8c qui comprend
un affez grand nombre d’efpèces , dont les unes
font paralites 8c ont leur fubftance ferme , prefque
ligneufe 8c fembjable à celle du liege -, 8c les