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alors l’importance. Voilà quelles furent les
vues des plus anciens Auteurs de Botanique
que nous connoiflons, comme Théo-
phrafte , Diofcoride , &c. Et ce n’eft que
vers la fin du quinzième fiècle , ou plus
particuliérement encore vers le commencement
du feizième , - qu’on peut placer
l’époque des premières recherchés qui
furent faites dans l’intention de connoître
véritablement les Plantes, c’eft-à-dire, où
l’on a commencé à étudier réellement la
Botanique, comme étant une partie de
l ’Hifloire naturelle.
En effet, lorfqu’on eut fenti qu’il étoit
néceflàire d’examiner les Plantes dans la
nature même, afin de parvenir à les diftin-
guer entr’elles d’une manière aflurée, &
fur-tout lorfqu’on fut un peu défabufé du
projet impraticable de rapporter les Plantes
qu’on obfervoit alors -, à celles dont
avoient parlé les anciens Auteurs ; on fè
mit à étudier direftement les Plantes elles-
mêmes ; on effaya de les décrire, on chercha
des caraftères pour ne les point confondre
les unes avec les autres ; on fit-
même attention à celles des parties des
Plantes qui pouvoient en donner les meilleurs
; en un mot , on tenta l’exécution
d’une méthode au moyen de laquelle les
Plantes puflènt être claflees, & dès-lors
les premiers fondemens de la Botanique
furent vraiment établis. Enfin, parmi lès
Botaniftes les plus diftingués de cette époque
, nous avons vu que les Gefner, les
Cæfalpin, tes l’Eclufe 8c les Bauhins, furent
ceux qui contribuèrent le plus à pofer les
premiers fondemens de cette belle Science.
Telle fut donc l’origïne de l’étude de la
Botanique ; & l’époqueremarquable où l’on
s’apperçut delà nécelîïté de diftinguer cette
ïntéreflânte partie de l’Hiftoire naturelle de
celle de la Médecine , qu’on nomme Matière
médicale. Quelqu’importante en effet
que foit cette dernière, jamais elle n’aura
de certitude ou d’affurance dans les objets
•dont elle traitera , tant que la première
fera négligée & ne la guidera point : vérité
dont malheureufement ' les Anciens ne
furent point fuffifamment pénétrés.
Depuis les Bauhins julqu’à l’illuftre
RÉ LIMl N A IRE.
Tournefort, les connoiffances botaniques
ne laifîèrent pas que de fe multiplier fen-
fiblement; on découvrit beaucoup de Plantes
qui jamais n’avoient été obfervées ; &
tandis qu’Hernandez , Pifon, Margrave,
Rhéede, Sloane , &c. augmentoient par
leurs recherches lé nombre des Plantes
connues, Morifon , Ra i, Herman & Rivin
faifoient fucceflivement des efforts pour
claffer les végétaux d’une manière plus
favorable à -leur étude.
Mais Tournefort furpaffa manifeftement
tous ceux qui - ont écrit avant lui fur Gette
matière ; & l’on peut dire qu’il changea
entièrement la face de la Botanique, en
introduifant dans cette belle partie de nos
connoiffances, des principes clairs qui en-
firent une Science pleine d’agrémens ; en
conftituant enfuite des genres qui fixèrent
les idées fur les rapports particuliers des
végétaux ; 8c en un m o t, en compofant
la méthode la plus facile qui eût encore
parue.
La Botanique ayant acquife par tes travaux'
de Tournefort une confiftance , des
principes , & des vues capables d’en faire
goûter généralement l’étude ; on vit alors
de toutes parts les Savans les plus diftingués
fe livrer à cette Science intéreffante ,
8c prefque toutes les Nations de l’Europe
la cultiver avec fuccès. Ainfi l’on fait
qu’outre les Plumier, les Vaillant , les
Jufiïeu , les Boerhaave, les Michell Sc les
Dillen , qui, depuis Tournefort, s’y font fi
éminemment diftingués, il y eut tencore
quantité d’autres Botaniftes , qui ,. par les
Ouvrages qu’ils publièrent dans ce même
tems , concoururent chacun de leur côté!
à augmenter la fomme de nos eonnoiffan-
ces dans cette partie confidérable de l’Hift
toirè naturelle.
Cependantà mefure que les recherches
fe furent de nouveau multipliées, & que
les voyages de long cours eurent encore
enrichi la Botanique d’une multitude d’objets
auparavant inconnus , les difficultés
dans l’étude de cette Science augmentèrent
de rechef, -malgré tout ce qu’avoit fait
Tournefort pour les diminuer & même
; les prévenir. Sa belle méthode devint
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alors infuffifante dans bèaucoup de cas :
bientôt on fut convaincu, comme l’avoit
penfé Rivin , que la féparation des arbres
d’avec les herbes , étoit une divifion contraire
à la marche de la nature , & qui
nuifoit par-tout aux rapprochemens indiqués
par les vrais rapports des Plantes ; en
un mo t, on fentit que le ridicule ufage
des phrafes introduites dans la nomenclature
des végétaux, exigeoit une réforme
générale ; mais que pour la faire adopter ,
il falloit le crédit d’un Botanifte du plus
grand mérite. O r , ce fut dans de pareilles
circonftances que parut le célèbre Linné ;
& l’on fait combien les travaux de ce favant
Naturalifte furent utiles dans cette con-
jonfture.
En effet, quoiqu’il foit très - vrai que
c’eft Tournefort qui a le premier établi
dans la Botanique des principes fages & des
vues intéreffantes , il faut néanmoins convenir
que cette belle Science devra toujours
infiniment à Linné, par la quantité
de lumière.qu’il a répandue dans toutes fes
parties, & par les progrès rapides qu’il lui
a fait faire inconteftablement. Ce n’eft
point fon Syftême fexuel qui me fait porter
à un fi haut degré de valeur le bien
que ce Savant a fait à la Botanique ; je le
regarde, à la vérité, comme le produit de
beaucoup d’efprit, & comme devant toujours
faire un honneur infini à la fagacité
de fon illuftre Auteur ; malgré cela, je
penfe que c’eft un édifice qui s’écroulera
néceffairement, & qu’on fera bientôt forcé
d’en abandonner l’ufage. Mais ce que je
ne cefferai jamais d’admirer dans ce favant
Naturalifte , & qui, en un m o t, me paroît
lui avoir acquis pour toujours des droits à
lareconnoiffancede tous ceux qui aimeront
vraiment la Botanique , ce font fes recherches
immenfes qu’il a faites dans cette
vafte partie des connoiflances humaines ;
ce font fes obfervations innombrables qui
ont appris à connoître -les plantes d’une
manière qui n’a rien de comparable avec
ce qu’on avoit fait avant lui pour cet objet;
ce font fes caractères des genres 8e des
efpèces des végétaux, qui, quoique laiffant
encore beaucoup à defirer dans bien des
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ca s, font infiniment mieux déterminés
qu’ils ne l’étoient auparavant ; enfin , ce
font fes defcriptions particulières de la
fruâification des Plantes, dont la préci-
fion ne fauroit être furpaffée ; & fur-tout
les excellens préceptes qu’il a donnés fur
l’art de faire connoître complettement les
caraftères effentitls d’une Plante nouvelle
que l’on obferve.
II eft dommage que cet habile Botanifte
fe foit occupé fi peu des rapports
naturels des Plantes , & qu’il ait tout fait
8c tout facrifié pour fon fyftême , qui ,
quelqu’ingénieux qu’il fo it, n’a jamais dût
être regardé comme propre à offrir aux
Naturaliftes , une diftribution régulière ou
fupportable des végétaux.
On peut dire qu’aftueilement la Botanique
eft une Science pleine d’attraits, qui
a , comme prefque toutes les autres, des:
principes fondamentaux dont on ne pourra
jamais s’écarter ; qui a fes points dé vue ,
fes agrémens 8c fon utilité manifeftes, 8c
qui a suffi fes difficultés 8c fes problèmes^
Cette belle Science ne confifte pas,
comme le vulgaire fe l’imagine, dans le
talent ftérile de retenir par coeur quantité
de noms de Plantes , 8c de pouvoir appliquer
ces noms aux Plantes mêmes qui
les portent ; mais elle confifte dans la con-
noiflànce intime des végétaux mêmes, de
leurs développemens ; de leur organifa-
tion ; de leurs rapports ; des caraftères
effentiels qui dilfinguent conftamment les
efpèces ; des traits communs qui lient en-
femble de certaines quantités de Plantes
différentes, 8c donnent lieu à la formation»
de diverfes fortes de grouppes que les
Botaniftes appellent ClaJJes, Ordres Fa~-
milles 8c Genres ; des limites que la nature
a impofées aux variétés, e’eft-à-dire,
aux divers changemens que les circonftances
peuvent opérer fur les Plantes ; 8tc. 8cc.
O r , ces diverfes connoiflances mettront
toujours une différence confidérable entre
le Botanifte qui les réunit , & le fimple
Nomençlateur.
Enfin , la Botanique n’eft point non plus
une partie de la Matière médicale, comme
fe le figurent prefque tous ceux qui ne la