pofition de fes roues & de fes poids.
En compofant ces Entretiens, l’intention
de l’Auteur n’étoit pas de les
rendre publics ; il n’avoit eu deffein que
de les communiquer aux: perfonnes en
place, auxquelles il donna des copies.
Ces copies fe multiplièrent bien vite, &
c’eft fur une d’elles que M. Millet du
Permis, l’un de fes amis, les fit imprimer.
Cet Ecrit auroit dû défarmer fes ennemis
; mais la raifon ne peut guère
réprimer la paillon de l’orgueil, que
foutient l’ignorance. On rendit fa foifuf-
pe£le ; on le traita d’hérétique, & on
Faccufa de ne pas croire le myftère de
la Tranfubftantiation. Toutes ces noirceurs
& ces méchancetés chagrinèrent
notre Philofophe ; car la Philofophie n’a
point d’armes pour repouffer la mau-
vaife fo i, qui s’eft emparée de la force.
Il tomba malade, & fentant approcher fa
fin, il demanda lès Sacremens de l’Eglife.
Il demeuroit dans la Paroiffe de Saint
Médèric. Son Curé nommé M. de Blam-
pignon, fut donc invité à venir admi-
niftrer le malade ; mais quoiqu’il fut affûté
de fon orthodoxie, pour s’être plu-
fieurs fois entretenu avec lui fur le myftère
de la Tranfubftantiation, ilfouhaita
qu’il y eût des témoins de fa profeflion
de fo i, qu’il êxigeoit de lui avant que
de lui donner la Communion. L’affem-
bîéè fut nombreufe ; & lorfque M. le
Curé arriva avec le Saint Viatique, il
trouva dans la chambre du malade des
perfonnes refpe&ables qui pouvoient
rendre un bon témoignage de la manière
dont la chofe fie feroit paffée.
M. de Blampignon interrogea donc notre
Philofophe fur les principaux articles
de nôtre croyance, & entr’autres fur
celui de la Tranfubftantiation. Il lui demanda
à haute voix s’il ne croyoit pas
la converfion miraculeufe qui fe fait en
ce Sacrement de toute la fubffance du
pain en la fubffance du corps de J. C.
& de toute la fubffance du vin en celle
de fon fang. R o h a u l t répondit que
quoiqu’il fut un très-grand pécheur, il
n’avoit jamais douté de ce que la foi
enfeigne, & particulièrement touchant
le myftère dont il lui parloit ; qu’il pou-
voit fe reffouvenir des entretiens qu’ils
avoient eu autrefois , & qu’il n’ignoroit
pas qu’elle étoit fa croyance fur ces articles
de foi. Il ajouta qu’il voyoit bien
que toutes ces queftions lui avoient été
fuggérées par des perfonnes mal intentionnées
, qui avoient tenu de mauvais
difcours fur fon compte : de quoi ilavoit
d’autant plus fujet de s’étonner, que fi
on pouvoit reprocher à quelques Chrétiens
de ne pas croire la Tranlubffantia-
tion, ce reproche devoit tomber fur
ceux qui lui rendoient fa foi fufpe&e ;
piiifque, félon fes principes, la Tran-
fiibftantiation étoit tellement renfermée
dans ce myftère, que s’il n’y en avoit
point, il feroit impofîible que le Corps
de J. C. y fût, ni par conféquent J. C.
même. Et en même temps il déclara
qu’il confeffoit avec toute l’Eglife qu’il
y avoit en ce myftère une véritable
T ranfubftantiation du pain au corps, &
du vin au fang de Jefus-Ckrift, & que cet
article de notre foi fbrmoit un des articles
de fa croyance.
Cette réponfe, ou plutôt cette pro-
fefîion de fo i, fatisfit extrêmement M.
le Curé, tant parce que le falut de fon>
paroiffien lui étoit cher, que parce qu’il
étoit charmé d’avoir eu des témoins des
fentimens dé notre Philofophe, & qui
puffent le juftifier contre ceux qui l’au-
roient blâmé de lui avoir adnriniftré les
derniers Sacremens. U craignoit qu’on
ne lui en fit un crime, & ce n’étoit pas
fans fondement ; car dès le même jour,
un des ennemis de Rohault ayant appris
qu’il kii avoit porté le Viatique,
vint lui en faire des reproches fort vifs.
Il étoit étonné, dit - i l , de ce qu’un
homme aufîi éclairé que lui fe fût tellement
laiffé furprendre & abufer, que
d’avoir donné la Communion à une per-
fonne qui ne croyoit pas la préfence
réelle du corps de J. C. M. de Blam pignon
lui raconta ce qui s’étoit paffé, &
l ’exhorta à ne jamais condamner per-
fonne fans l’entendre.
Cependant le malade empira, & ne
furvçcut que peu de temps à cet aôe de
Catholicité qu’il venoit de faire. Il expira
en 1675, âgé de cinquante-cinq ans.
Il fut enterré à Sainte Genevieve. Le
célèbre Santeuil, Chanoine Régulier de
Saint Vi&or , confacra une Epitaphe à
fa mémoire, dans laquelle il le loua
d’avoir réconcilié la nature & la religion
en expliquant les caufes de l’une & les
myftères de l’autre. La voici.
JDifcQvdes jam dudum ceqids. rationibus amlce
Et natura & religio fibi bella movebant ?
Tum rerum caufas fidei &* myjleria pandens
.Concilias utrafque animo ftxdexe jungis.
Munere pro tanto déçus immonde fophorum
Hoc memores pofuere tibi verierabile bufium.
Après fa mort, M. Çlercelier, fon beau-
père , recueillit avec foins fes manufcrits,
& fe mit en devoir de les faire imprimer,
Ils, étoient compofés de huit Traités,
que M. Clercelier fit imprimer dans un
même volume. Le premier Traité a
pour objet les fix premiers livres, des Siemens
cPEuclide ; le fécond , la Trigonométrie
ou la réfolution des Triangles , le
troifième, la Géométrie pratique ; le quatrième
, les Fortifications ; le cinquième,
les Méchaniques ; le fixième , la Perf-
peclive ; le feptième, la réfolution des
Triangles fphériques ; & le dernier, PA-
rithmétique.' Çes Traités ont paru fous
le titre d’OEhuvres poflhumes de M- Rohault
M. Clercelier mit à la tête de cet
Ouvrage une Préface dans laquelle il fait
l’apologie de notre Philofophe. Il nous
apprend auffi que fa méthode d’inftruction
& fes grandes connoiffances lui
avoient procuré l’eftime des Seigneurs
de la Cour , & qu’on fongeoit à le
nommer Précepteur de M* le Dauphin
lorfqu’il mourut.
L’Editeur des Entretiens fur la Philo-
fophie Si l’Imprimeur de ces Entretiens,
juftifièrent encore Rohault. Le dernier
ajouta des éloges à cette juftification,
&c obferva que cé grand homme étoit
le maître de plufieurs Univerfités de
l’Europe ; que Platon & Ariftote n’a-
voient pas fait plus d’honneur à la Grèce
qu’il en faifoit à la France, Si qu’il
n’avoit des ennemis que dans fa Patrie,
j’appelle ainfi la France le théâtre de fa
gloire.
L’un d’eux fe déclara publiquement
peu de temps après fa mort. Il îè nom-
moit Elie Richard. Il fit une critique
de ces Entretiens , laquelle eft imprimée
dans un livre très-rare, intitulé ;
Recueil de divers Traités touchant P Eu-
çharijlie, imprimé en deux volumes en
1713. On jugera fi les Entretiens de
notre Philofophe font repréheofibles par
l’analyfe que j’en ferai, après avoir
expolé les principes de fa Phyfique :
ouvrage eftimé de tout le monde , Si
ce qui eft remarquable , loué particulièrement
par Clarke , fameux difciple
de Newton (£).
On a reproché à Rohault un peu
de pédanterie, & on prétend que ce
ridicule ou cette foibleffe ont été mifes
fur la feène par Moliere. J’ai lu toutes
les Comédies de ce célèbre Auteur, &
je ne vois que le perfonnage de Pancrace
dans le Mariage forcé, qui puiffe convenir
à notre Philofophe. Dans le temps
de Moliere, les Scholaftiques difputoient
beaucoup fur la forme du corps. Ro*
ïiault a traité cette matière dans fa
Phyfique, d’une façon un peu futile. Il
prétend que Vante ejl ce qui nous donne par*
ticuliérement P être d’homme, & par cqnfé*
quent elle eft véritablement la forme du corps
humain en tant qu’humainI Affurément
cette propofition, & ce qy’ il en déduit,
feptent beaucoup l’éçale. Molière s’en eft
moqué avec raifon; & voici ce qu’il
fait dire à fon Dofteur Pancrace. » Je
» foutiens qu’il faut dire la figure d’un
(b) On fait que la Phyfique de R o h au l t eft celle
de Defcartes & que Clarke n’e ftimoit que celle de
Newton ( v o ye z l;Hiftoire de Clarke dans le premier
volume de cet O u v r a g e J c e p e n d a n t Clarke a traduit
en l a t in , commenté & augmenté ce tte Phyfiqu
e de R o h a u l t , d o n t .il parle en ces termes
D e rrafthtus ipfiiu militate nihil eftut eß ut dicam , ernte
gallice , latine que. jam pépins editm Uäoribus fuis abundt
f t ivje probßVtrit,