ÿ A tr R T
temps altérer l’argent avec des eaux préparées
; ils avoient même trouvé le fecret
de faire des vafes & des uftenfiles d’or 8c
d’argent; de forte que quand les Carthaginois
arrivèrent en Efpagne, les peuples
de ce pays faifoient ufage de cruches
& d’autres uftenfiles a argent. Ce
métal y étoit même fi commun alors, que
lès Marchands Phéniciens qui venoient
en Efpagne pour charger leurs navires
d’argent, forgeoient leurs ancres de ce
métal, afin d’en emporter le plus qu’ils
pouvoient.
Les Romains, qui fuccéderent en Efpagne
aux Carthaginois, cherchèrent des
mines, 8c les travaillèrent avec plus d’art
<^u’on ne l’avoit fait jufqu’alors. Mais aucune
nation n’égala les peuples de l’O céan
dans l’art dè forger les métaux, 8c
de les travailler.
Le Poëte Silius Italiens dit que ces
peuples apportèrent à Annibal un bouclier
d’airain poli qui jettoit beaucoup
d’éclat, uncafque fiirmonté d’un brillant
p an a ch eu n e épée 8c une lance, une
cotte d’armes brodée d’or ; 8c toute cette
armure étoit formée d’airain , d’acier 8c
d’or, artiftement travaillés. Ce Poëte ne
nous apprend pas comment ils avoient
fait ces beaux ouvrages: inutilement on
cherche cela dans les écrits des Anciens ;
aucun d’eux ne nous a inftruits à cet
égard. Il paroîr que: les artiftes 8c les ouvriers
fe communiquoient leurs eonnoif-
fances verbalement, fans prendre la peine
d’en rien écrire.
Audi a-t-il fallu a la renaiflanee des
Lettres chercher les -principes de la Métallurgie,
comme fi on ne les eût jamais
connus. J’ai déjà dit dans cette Hiftoire
que les Grecs fugitifs de Conftantinople
fê réfugièrent en Italie, & déchirèrent
les premiers le voile de l’ignorance. Quelques
Allemands qui y travailloient alors
en-rapportèrent quelques connoiftances
dans leur pays, ce qui engagea d’autres
Allemands à aller en Italie -, pour profiter
des lumières de cesGrecs, 8c pour les
çpnfulter fur les découvertes qu’ils
avoient faites chez eux.
Parmi ces Allemands on diftingue
C O L A.
\Georges A gricôl a , tyi'on peut mettre
la tête dë tous lés Méiallurgiftes modef»
nés. C ’étoit un homrhè avide d’inftrud^
rions, à qui rien ne côutôit lorfqu’il s’a^
giftoit d’acquérir quelque connoifiance , 8c qui dépenfa tout fon bien à recherchée
les fecrets de la nature. Ses fuccès répond
dirent à fon intelligence 8c à fes travaux^
Il fraya une nouvelle route dans l’étudè
de l’Hiftoire Naturelle, 8c eut la gloire dè
jetter les fondements de l ’art métalli^
que.
Il naquit à Glauch ou Glauca en M i£
nie le 24 Mars de l’année 1494. Aucun?
Hiftorien ne nous a parlé de fes parents*
On fait feulement qu’il fit fes études &
Leipfick, 8c qu’il y apprit le grec & le latin.
Etant enfuite allé en Italie , il s’attacha
aux perfonnages les plus doéfces qui
étoient alors dans ce pays. Après avoir'
appris d’eux tout ce qu’ils pouvoient lui.
enfeigner , il les quitta pour aller étudier
la nature , qu’il regarda comme le
plus grand maître. Il s’arrêta fur les montagnes
de Bohême, 8c vifita les minés dè-
cette contrée. Il eut de grands entretiens
avec les Mineurs, qui lui apprirent la
pratique de leur art. Il acquit ainfi une
connoifiance affez étendue, des procédé»
des métaux.
Arrivé dans fa patrie , fes amis lui
eonfeillerent de s’attacher à- la Méde-*
cine, pour l’érude de laquelle ils lu i
voyoient beaucoup de difpoficiom A grm
c o l a fuivit ce confeil d’autant plus volontiers
que l ’art de guérir s’allie fort bien?
avec la fciënce deschofes naturelles: i l
exerça même cet art avec beaucoup dè
fuccès y mais quoique fa pratique fût
heureufe 8c qu’elle lui rapporeât beaucoup
, il fe dégoûta bientôt de cette pro-
feflîon. Son goût pour l’étude de l’Hiftoire
Naturelledominoic, 8c ledétournoit
malgré lui de route occupation. IL facri-
fia tout pour le fatisfairè, 8c une peu-
fîon qu’il avoir obtenue dë Mauricey
Due dé Saxey& fon-propre bien, llréfo-
lut même de tput abandonner pour fe livrer
fans réferve à cette étude \ 8c afin de
le faire avec plus de fruit, il fe retira à
Chemnitz. x c’eft-à dire dans cette parti©
A G R I (
0e la Mifnîe qu’on nomme les Montagnes,
Ce qui engagea notre Philofophe à
choifir ce pays, ce font les mines qui
l ’entourent. Il y en a entre autres une
d’or dans laquelle on trouve des morceaux
d’or pur allez confidérables. On en
retire aufli du vitriol blanc, du rouge,
du bleu 8c du yerd, des cryftaux teints
en jaune. C ’étoit là un endroit bien favorable
aux vues d’AGRicoLA. Aufli travailla
t-il fans relâche 8c avec la plus
grande ardeur à obferver toutes les choies
curieufes que la nature lui offroit fi
abondamment; de forte qu’il fe trouva
bientôt en état d’éclairer le public à cet
égard.
Il compofa un Traité des Fofliles, qu’il
publia fous ce titre : De Natura Foffilium.
On appelle fofliles les terres, les pierres,
les fels, les foufres, les demi-métaux,
les coquilles, les coraux & les corallines.
Notre Philofophe y fait l’énumération de
ces différents corps. C ’eft une produdion
informe relativement aux beaux ouvrages
qu’on.a publiés depuis fur cette matière j
mais c’eft toujours un livre ineftimable fi
on confidere le temps 8c les circonftances
où il a paru. L’Auteur diftingue quatre
genres de pierres : dans le premier il renferme
les pierres connues fous un nom
vulgaire, tel que l’aimant; dans le fécond
les pierres précieufes; les marbres dans
le troifieme y 8c les cailloux & les pierres
communes dans le quatrième genre.
- Ses travaux ayant multiplié fes con-
noiflances , il compofa d’autres-écrits fur
l ’Hiftoire Naturelle ; mais celui qui lui
fait le plus d’honneur & auquel il doit fa
réputation , c’eft fon Traité de Métallurgie,
intitulé: De Re metallica Libri X I I3
çpiibus officia _, inflrumenta 3 machina ac
omnia denique ad metallicamfpeclantia ,
non modo luculentiffimè deforibuntur, Jed
& pzr çffigiès , &c. ob oculos ponuntur.
L objet de cet ouvrage eft d’expofer
les moyens de connoître les mines 8c d’en
tirer les métaux. Pour découvrir les mi
nés , les Anciens fe fervoient de fept
verges métalliques,qui étoienc fans doute
des moyens fort imparfaits. Le meilleur
' O L A. ■%
indice eft celui de la qualité des terre»
qui couvrent ces mines, des plantes qui
y croiflfent, 8c du goût des eaux qu’on y
trouve.
Lorfqu’on a découvert la mine, on
moud la terre qui contient le métal, 8c
qu’on appelle minerai. A g r i c o l a veut
qu’on fe ferve pour cela d’un moulin de
fon invention, qui réduit le minerai en
farine très fine. C ’eft encore une opération
indifpenfable félon lui de remoudre
ce qui refte de groflier dans cette farine
pour retirer tout le métal que peuvent
contenir les pierres métalliques. On tar
mife encore cette farine avec de bons
tamis très fins, on la lave bien, 8c on la
met dans un fourneau pour la calciner.
Notre Philofophe recommande particuliérement
à cet effet l’ufage des fourneaux
qu’on appelle fourneaux Cajiillans.
Ce font des fourneaux dont la forme eft
celle d’un pilier quarré un peu plus large-
par le haut que par le bas, 8c qui ont
une bouche par où fort le métal.
Cette calcination du minerai ne feroit
pas fuffifante pour fondre les métaux ; on
y ajoute une matière étrangère qui produit
cette fufion , 8c qu’on doit moudre
comme le minerai même. Et afin que la
flamme n’en éleve rien, on mêle 8c le minerai
8c cette matière avec de l’eau. On fe
feit, pour la fonte de l’or & de l’argent, da
plomb 8c du minerai qui le contient; 8c
de fel artificiel, de tartre, de cendres fortes
, d’urine, pour la fonte des autres
méràux.
On trouve dans la Minéralogie d’A -
g r i c o l a U defeription de plufieurs fourneaux,
outils, 8c inftruments pour la
fonte des mines ; mais ils ne font plus en
ufage aujourd’hui, même parmi les Allemands
, fes compatriotes. On les a bien
Amplifiés 8c perfectionnés depuis plus de
deux cents ans qu’il a publié ce grand ouvrage.
En examinant les métaux, il voulue
connoître leur prix, celui des monnoies
qui en font formées , 8c les poids 8c les .
mefures. Il lue dans cette vue les.éçrits
de Budée, de Léonard Portiusj 8c d’Aidât
j qu’il n’ap.ptouva point, .Ce dernier.