Il y démontra, i°. Le mouvement de
la terre fur fon axe; i°. Son mouvement
autour du foleil. Il examina enliiite les
objections qu’on tire de l’Ecriture lainte 6c du miracle de Jofuè contre ce mouvement
; 6c il fit voir que le récit de ce
miracle n’eft: nullement fufceptible d’un
fens philofophique , même dans l’hypo-
thèie du mouvement de la terre, 6c
qu’on ne pouvoit s’en fervir pour infirmer
la démonftration de ce mouvement.
Cet Ecrit eft le dernier qu’il publia
dans le Journal auquel il prenoit tant
d’intérêt. Mais il y donna plufieurs extraits
de Livres, qui procurèrent une
grande célébrité à ce Journal, 6c qui
lui causèrent en même temps quelques
altercations ; car il eft difficile qu’un Jour-
rialifte, en faifant fon devoir, plaife à
tout le monde. S’il juge un Ouvrage félon
fa valeur, il peut arriver qu’il indifpofe
l’Auteur contre lui ; 6c s’il préconife une
choie qui ne mérite point d’être louée 9
il court grand rifque de n’avoir pas l’approbation
du Public. C’eft auffi ce qui
lui arriva. En juge intègre 6c impartial,
notre Philofophe apprécia les Livres dont
il faifoit les extraits avec beaucoup de
franchife, 6c il eut le malheur de ne
point contenter deux hommes célèbres
qu’il eftimoit. Le premier eft Hartfoeker.
En rendant compte de fes conje&ures
phyiiques, il n’approuva pas plufieurs
de fes idées. Hartfoeker, qui étoit jaloux
de fon fuffrage, lui écrivit pour les justifier
, 6c s’en tint là.
M. de Fontenelle eft le fécond Auteur
à qui le Journalifte déplut. Plus délicat
ou plus fenfible qu’Hartfoeker, il entra
en lice avec lui, au fujet d’une critique
fine 6c polie qu’il avoit faire de fes EU-
mens de la Géométrie de l'Infini. Quoique
l ’extrait de cet Ouvrage fut fait avec
tous les égards dûs à un Savant auffi distingué
que M. de Fontenelle , on y entre-
voyoit une réfutation de fes fentimens
dans le parallèle que le Journalifte en
faifoit avec ceux.qui étoient communément
reçus, parce qu’il n’eftimoit point
qu’ils Biffent préférables à ces derniers.
L’extrait étoit anonyme. Mais M. de
Fontenelle jugea 6c par le fond 6c par la
forme que ’S g r a v e s a n d e en étoit
l ’Auteur. 11 lui porta donc fes plaintes
par une lettre qu’il lui écrivit, 6c dans
laquelle il laiffa paroître toute la ten-
dreffe qu’il avoit pour fon Ouvrage, en
fouhaitant qu’on l’eût loué. Voici un extrait
de cette lettre.
» Je vous remercie très-humblement
» de l’extrait que vous avez donné de la
» première partie de ma Géométrie de
» l’Infini. . . . de quelques traits obligeans
» que vous y avez femés, 6c du ton hon-
» nête 6c impartial dont vous me faites
» des obje&ions. Comme ces objeélions
»ont de la force par elles-mêmes, 6c
» de l’autori'é par votre nom très-illuftre
» dans les Mathématiques, je les ai exa- '
» minées avec beaucoup de foin, 6c je
» puis vous affurer très-fincèrement que
» je m’y rendrois, fi je n’y a vois trouvé
» des réponfes très - claires 6c très-pré-
» cifes. Je ne vous les envoie pas, parce
»que je n’en ai pas le loifir préfente-
»ment, 6c je me hâte de vous les an-
» noncer avant que de vous les envoyer,
» vous priant très-inftamment de les an-
» noncer vous-même , comme je le fais
» ici. Cela ne vous engage à rien, 6c
» convient fort à l’impartialité qui vous
» fait tant d’honneur ; 6c moi j’ai lieu
» de craindre que vos difficultés , qui
» viennent de fi bonne main, ne faffent
» trop d’impreffion.
Notre Philofophe fit à cette lettre une
réponfe également judicieufe & obligeante.
Sans convenir qu’il tût l’Auteur
de l’extrait des Elémens de la Géométrie
de l’Infini, il écrivit à M. de Fontenelle :
» Je me fers avec plaifir de cette occa-
» fion pour vous afîiirer qu’en lifant votre
» Ouvrage, j’ai été frappé de la grandeur
»de l’entreprïfe, 6c que j’ai admiré la
» manière dont vous avez exécuté votre
» deflein. Les vues nouvelles que vous
» aviez fur l’Infini, 6c que vous aviez
» répandues dans les différens volumes
» de l’Hiftoire de l’Académie, avoient
» fait l’étonnement des plus grands Mathé-
» maticiens. Vous venez de les étendre,
» de les réunir & de les éclaircir. Vous y
» en avez joint un plus grand nombre
» d’autres qui n’avoient pas encore paru,
» 6c cela fur des matières que perfonne
» n’avoit touchées julqu’à prefent. Vous
» en avez fait un fyfteme , qui ne peut
» être reçu des Connoifleurs que comme
» un préfent qui a paffé leur attente,
» quoiqu’ ils connuffent la main d’ou il
»venoit. Excufez, Monfieur, fi je vous
» entretiens de votre propre Ouvrage.
» La leêhire m’en a fait trop de plaifir
»pour laiffer palier cette occafion de
» vous en marquer ma reconnoiflance.
Rien n’eft plus fin que cet Ecrit.
’S G RAV E S A N D E fait de grands com-
plimens à M. de Fontenelle, fans approuver
fon Ouvrage. Peu de temps après
avoir écrit cette lettre, cet Auteur ii-
luftre envoya à notre Philosophe les
éclairciffemens qu’il avoit promis. Celui-
ci les inféra dans le feizième Tome du
Journal Littéraire, 6c y ajouta des re-
marqi es dans lefquelles il tacha de juf*
tifier les expreflions qui lui avoient déplu
, 6c perfifta toujours quant au fond
à fon premier fentiinent. » Notre but,
» dit-il en donnant l’extrait de 1 Ou-
» vrage de M. • de Fontenelle , a été ,
» comme nous avons averti au commen-
» cernent de notre extrait, de mettre
» nos Leéleurs en état de juger entre les
» idées nouvelles contenues dans cet Ou-
» vrage, 6c les idées, reçues. C’eft là le
» but que nous nous étions propofé en
» donnant nos remarques, fans que nous
» ayons eu aucun ' deflein de décider
» quelles idées étoient préférables ; 6c
» fi dans quelques endroits nous avons
Ü propofé des difficultés , elles ont plutôt
» regardé quelques raifonnemens parti-
» culiers, que le fond même des ma-
» tières.
Et plus bas on lit : » Nous aurions
» fouhaité que M. de Fontenelle ne nous
»eût pas pris à partie dire&ement. Mar-
» quer en quoi un Auteur s’eft écarté
■ » des fentimens reçus ; dire q *els font
» ces fentimens reçus, ce n’eft p -s tou-
» jours fe déclarer contre cet Auteur ».
Ces remarques font terminées par des
complimens.
’Sgravesande travailla au Journal
Littéraire jufqu’en 1715. En cette année
il fut nommé Secrétaire d’Ambaffade» 6c il accompagna en cette qualité M. le
Baron de Vajjenaer 6c M. Fan-Borfele ,
que les Etats Généraux envoyèrent eri
Angleterre pour y féliciter le Roi Georges
I fur fon avènement à la Couronne.
Il trouva à Londres fes anciens amis,
MM. Burn'et, avec lefquels il avoit étudié
à Leyde, 6c fe lia par ce moyen avec
le fameux Evêque de Salifburi leur père , 6c avec plufieurs autres Savans. Mais
fes principales relations furent avec
Newton, qui conçut pour lui beaucoup
d’eftime 6c d’amitié. La première marque
qu’il lui en donna, ce fut de le faire recevoir
de la Société Royale.
Son appartement étoit le rendez-vous
de la meilleure compagnie de Londres, 6c
fur-tout des Gentilshommes qui étoient
à ia fuite des Ambaffadeurs. Il les rece-
voit lors même qu’il étoit le plus occupé.
Il leur per met toit même de caufer
entr’eux pendant qu’il travailloit, à condition
que fi l’on difoit quelque chofe
de curieux, celui qui l’auroit dit feroit
obligé de lui en faire part. Cela l’accour
tuma fi bien à n’être point diftrait par
le bruit qui fe faifoit autour de lui, qu’il
étoit parvenu à faire les calculs les plus
diffic les au milieu de la compagnie la
plus nombreufe.
Il ne demeura qu’une année en Angleterre.
Il apprit en arrivant à la Haye
la nouvelle de la mort de fon père, qui
l’affligea beaucoup. L’année fuivante les
Curateurs de l’Univerfité le nommèrent
Profeffeur ordinaire, de Mathématiques 6c d’Aftronomie. Ce fut à la follicita-
tion de M Faffenaer, qui ayant été témoin
des marques d’eftime que lui avoient
données Newton 6c les plus lavans Hommes
d’Angleterre, l’avoit recommandé
aux Curateurs de l’Univerfité de Leyde ,
comme un homme d’un premier mérite.
C ’eft le 16 Juin 1717 qu’il fut nommé,
& il prit poftèffion de cette Chaire le 21