ioo S G R A 17 E S A N D E.
Neutonienne, 6c il publia à cette fin un
Traité d’Algèbre, auquel il joignit un
Eflai de commentaire fur l’Arithmétique
univerfelle de Newton, fous ce titre :
G. J. *S g r a v e s a n d e Mathefeos uni-
verfalis Elementa , quibus accedunt fpeci-
men commentant in Arithmeticam univer-
falem Neutoni, &c.
Cependant ’Sg ravesande n’enfei-
gnoit pas feulement la Phyfique : il pro-
feffoit aufli la Métaphyfique 6c la Logique.
Il convenoit donc qu’il composât
un Ouvrage fur ces deux parties de la
Philofophie, pour accompagner fesElé-
mens de Phyfique, ou en former une fuite
néceflaire. C’eft aufli ce qu’il exécuta
en 1736. Il l’intitula , Introduclio ad Phi-
lofophiam, Metaphyficam & Logicam con-
tinens. Ce Livre fut enlevé prefque en
meme temps qu’il parut. On le traduilit
en François 6c en Italien.
L ’Auteur a fait fagement précéder la
Logique par la Métaphyfique , parce
qu’il penfoit qu’il faut connoître l’ame
6c les facultés , qui efl l’objet de la Métaphyfique
, avant que de chercher à en
diriger les opérations par les préceptes
de la Logique. Cette première partie de
fon introduftion contient les plus belles
queftions de la Métaphyfique. C’eft ce
dont tous les Savans convinrent : mais
un fentiment particulier fur la liberté
qu’il avança, luifufeita une querelle très-
férieufe.
Il a défini la liberté : la faculté de faire
ce qu en veut 9 quelle que foit la détermination
de la volonté. Il foutient que l’homme
n ’efl jamais déterminé à agir que par
des moyens propres à le perfuader. Il
rejette ainfi la liberté d’indifférence, qui
fuppofe que l’homme peut déterminer fa
volonté entre plufieurs objets, en mettant
à part toutes les raifons 6c toutes
les caufes qui pourroient le porter à préférer
un des objets à d’autres.
Cette opinion n’étoit autre chofe que
l’exprefïion philofophique de celle des
Théologiens réformés. Malgré cela , ces
Théologiens la défapprouvèrent, 6c prétendirent
que fes principes anéantiffoient
toute diftinélion entre le vice 6c la vertu»
Leur mécontentement n’éclata point : ils
fe contentèrent de murmurer. Ce fut un
Négociant Anglois , qui cultivoit les
fçiences avec affez de fuccès, qui le premier
rompit la glace.
Quoique peu au fait des difcufîions
métaphyfiques, enhardi par les Théologiens
, il prit un ton impofant pour
fuppléer à ce qui lui manquoit du côté
des connoiflances, 6c fit imprimer une
brochure avec ce titre : Lettre à M.
G. J. ’S G R A V E S A N D E y Profejfeur en
Philofophie à Leyde , fur fon introduction
à la Philofophie, & particulièrement
fu r la nature de la liberté. Il l’accufa de
Spinofilfe 6c d’Hobbifte. Cette accufa-
tion étoit fi dépourvue de raifon , que
’Sgravesande ne jugea pas à propos
d’y répondre. Il fe contenta de publier
dans les Journaux un extrait de fon Livre
, dans lequel il expofa de fuite fes
idées dans les mêmes termes qu’elles y
éroient énoncées , perfuadé que cela
fufflfoit pour réfuter fon adverfaire, fans
qu’il fût néceflaire qu’il entrât dans une
controverfe.
Et pour fe juftifïer de l’imputation
odieufe d’enfeigner une doèlrine qui ten-
doit au renverfement des m oe urs, 6c
anéantiffoit toute diftinûion entre le vice
6c la vertu , il inféra dans la fécondé
édition de fon Ouvrage un paragraphe,
dans lequel il examina quelles font les
conditions requifes pour qu’une aftion
foit vertueufe, 6c démontra que ce n’efl
que dans fon fyftême que ces conditions
le trouvent.
Ce fut ici fon dernier Ecrit ; mais ce
ne fut pas fon dernier travail. On fait à
combien de dangers les rivières expofent
la Hollande 6c les Provinces voifines.
Afin de prévenir ces dangers, on con-
fultoit fou vent notre Philofophe, qui
cherchoit toujours des moyens de s’en
garantir. Il crut un jour avoir trouvé une
invention utile à’ cet égard, en faifant
confiruire une efpèce de moulin defliné
à élever les eaux. Cela formoit une véritable
machine hydraulique , dont la
première idée étoit due au célèbre Fa-
reneith, qui avant que de mourir avoit
•S G R A VE S A N D E. ior
prié ’Sgravesande de la mettre à exécution.
Au milieu de cette occupation, il perdit
fes deux fils. Ils étoient le fruit de fon
mariage avec Mademoifelle Sacrelaire,
qu’il avoit époufée le 15 O&obre 1720.
Ces enfans lui étoient très-chers, 6c il
les avoit élevés avec le plus grand foin.
Ils étoient fi fpirituels , qu’ils donnoient
les plus belles efpérances. Notre Philofophe
s’en promettoit les plus grandes
fatisfaétions : aufli leur mort l’affligea
extrêmement. En vain il appela la Philofophie
à fon fecours : la plaie étoit
trop vive pour pouvoir en afloupir la
douleur. En bon père , en homme tendre
, en Philofophe fenfible, il laifla
couler fes larmes -, 6c quand les réflexions
en fufpendoient le cours;, l’image de fes
enfans fe peignoit à fon imagination, 6c
renouveloit les maux.
Cette grande affliétion dérangea totalement
fà fanté. Depuis cette perte, il
ne fit que languir. Ses forcés diminuèrent
au point qu’il ne put plus fortir de fa
chambre, 6c qu’il gardoit fouvent le lit.
Il n’avoit cependant rien perdu de fa
vivacité 6c de fa préfence d’efprit. Il y
avoit des momens oii il ne paroiffoit pas
malade. On fe flattoit même qu’il alloit
reprendre fes forces, lorfqu’il fut faifi
tout d’un coup de mouvemens convul-
lifs, accompagnés de délire, qui ne finirent
que trois jours avant fa m ort, arrivée
le 28 Février 1742 , âgé de 54
ans. On ne fait point dans quels fenti-
mens il efl m ort; mais ç’a été fans doute
dans ceux d’un homme de bien , qui
reconnoît 6c adore un D ieu, Créateur
du Ciel 6c de la T erre; car à toutes les
qualités qui rendent un homme aimable
dans la fociété, il joignoit un grand ref-
peél pour la Religion. I! étoit agréable
en converlation, 6c s’accommodoit toujours
au earadtère 61 à la portée de ceux
avec qui il parloit. Senfible à tout ce qui
arrivoit à fon prochain , il étoit aufli
promet à lui tendre une main lecourable
dans le befoin, qu’à fe réjouir de fa prof-
périté.
L égalité de fon ame ne fut jamais troublée
par les orages que la célébrité fuf-
cite prefque toujours. Elle ne fut altérée
que par la mort de fes fils ; 6c ce qui efl
remarquable, elle le fut pour toujours.
Son zèle pour le progrès des fciences
étoit fi grand , qu’il n’y contribua pas
feulement par fes propres productions ,
mais encore par la publication des plus
beaux Ouvrages que nous ayons fur la
Phyfique.En 1725 il fît imprimer le Livre
du DoCleur Keill fon am i, intitulé : Joan-
nis Keill y introduclio ad veram Phyjîcam ,
& veram Aflronomiam. Il dirigea en fuite
l’édition des Ouvrages adoptés par CAcadémie
Royale des Sciences, avant fon rétablif-
fement en 1699. lien donnafixvolumes
accompagnés de planches proprement
gravées. Enfin il mit au jour le bel Ouvrage
de Newton, qui a pour titre : Arith-
metica univerfalis.
Des perfonnes mal inflruites ont publié
qu’il avoit eu part aux Elémens de
la Philofophie de Newton , par M. de Vol*
taire. Ce qui donna lieu à ce bruit, c’efl
que M. de Voltaire voulut faire voir cet
Ouvrage à notre Philofophe avant que
de le rendre public. II alla exprès à
Leyde, où étoit ’Sgravesande, 6c lui
en lut quelques chapitres.
Notre Philofophe admira la facilité
avec laquelle M. de Voltaire exprimoit
des chofes abflraites qui ne paroifloient
pas fufceptibles d’agrémens : mais il n’approuva
point du tout l’O uvrage, ni ne
îe corrigea.
Après un féjour très-court en cette
V ille, M. de Voltaire ayant eu des affaires
qui l’appeloient ailleurs, remit
fon Manufcrit à des Libraires d’Amfter-
dam, 6c retourna en France. Son prompt
départ donna lieu au bruit qui courut
en Hollande qu’il s’étoit brouillé avec
’Sgravesande , pour lui avoir tenu
des propos très-imprudens fur la Religion.
Ce bruit fe répandit en France, 6c
M. de Voltaire fe trouva intéreflé à le
faire ceflfer. Il écrivit pour cela à notre
Philofophe, qu’on avoit mal parlé de
lui au Cardinal de Fleuri, premier Mi-
niflre ; 6c il ajouta : » Je n’ai point en-
» core écrit au Cardinal pour me jufli