C A S S I N / . *
OU o i q uE les découvertes géométriques
de Fermât, & fon démêlé
avec Defcartes euffent intéreffé tous les
Savans, & fixé leur attention fur la Géométrie
, qui devenoit par cette découverte
une Science très-étendue 8c d’une
grande utilité ; cependant les Mathématiciens
ne perdoient point de vue l’Aftro-
nomie, déjà fi perfectionnée. Les progrès
qu’on y avoit faits étoient trop confidé-
rables pour qu’on ne fût point encouragé
à en fuivre les traces. D ’ailleurs c’étoit le
temps heureux où le défir de l’emporter
par les avantages de l’efprit, excitoitdans
tous les coeurs une louable émulation.
Si les François fe glorifioient de Defcartes
8c de Fermât, les Pruflîens nommoient
Copernic, les Danois Tycho-Brahé, les Italiens
Galilée, & les Allemands Kepler,
comme les reftaurateurs des Mathématiques
& l’honneur de leur Patrie. La
partie des Mathématiques dans lefquelles
chacun de ces hommes de génie avoit fait
des découvertes, étoit fur-tout fort exaltée.
On regardoit donc en Prufie , en
Dannemark, en Italie 8c en Allemagne,
l’Afironomie comme la plus belle de toutes
les Sciences, parce qu’il y avoit eu
de grands Afironomes. On pouvoit bien
n’avoir pas raifon ; mais les François
avoient toujours tort d’avoir négligé une
Science fi digne d’eflime.
Pour réparer cette négligence, Louis
X IV fit conftruire un bel Obfervatoire.
I l mit ainfi l’Afironomie en faveur. A fon
exemple les Anglois,qui jufques-là avoient
été fpeCateurs des conquêtesque les autres
Nations faifoient dans l’empire des Sciences
, élevèrent un Obfervatoire plus commode
que magnifique. Ils déclarèrent
par là au monde favant les difpofitions
où ils étoient de reculer les limites actuelles
de l’Afironomie par de nouvelles
découvertes. Ce bâtiment fut commencé
en 16 75 , ôc achevé en 1675?. Un homme
de mérite nommé Flamfiéed en eut la direction
, 8c y fit des obfervations importantes
fur le lieu des Etoiles & fur le mour
vementdela Lune.
Flamfiéed étoit Anglois. La France
n’eut pas le même avantage ; je veux dire
qu’on ne trouva point en France un
homme capable de faire un digne ufage
& du nouvel Obfervatoire 8c des beaux
inftrumens qu’on devoit y mettre. L ’I talie
pofifédoit alors un Afironome qui
donnoit plus que des efpérances. Des difpofitions
très - heureufes , 8c les fruits
qu’elles avoient déjà produits, lui avoient
acquis une réputation qui l’avoitfait con-
noître à Louis X IV 8c à fes Miniftres.
L ’Obfervatoire n’étoit pas encore achevé
que le Roi fe hâta de le le procurer. Il
vint à Paris en 1 66$ 8c y fit des découvertes
qui changèrent beaucoup l’état
aéluel de l’Afironomie. On en jugera par
l’expofition que je vais en faire dans l’hif-
toire de fa vie.
Jean - Dominique C assini ( c’èft le
nom de cet Italien ) naquit à Perinaldo,
dans le Comté de Nice, le 8 Janvier
1 62$ , de Jacques CaJJîni', Gentilhomme
Italien, 8c de Julie Crovefi. Il fit fes premières
études chez fon père fous la conduite
d’un Précepteur habile, 8c les continua
à Gènes au Collège des Jéfuites. Il
eut beaucoup de goût pour la Poëfie latine.
Il faifoit des vers facilement, 8c la
plupart de fes vers étoient fi beaux, qu’ils
fe foutenoient à côté de ceux de fes Maîtres.
On les trouve imprimés avec les
leurs , 8c ils ne les déparent pas.
Il fe lia d’amitié dans ce Collège avec
un homme de diftinCion de Venife, nommé
Lercaro. Cet ami le mena à fa Terre
dans le temps des vacances. Son premier
Eloge de CaJJîni, par M. de Fontenellt. Et fçs Ouvrages.