quarante livres de poudre ne peuvent
faire fauter un poids que de trente mille
livres ; au lieu qu’on peut élever foixante-
dix-fept mille livres avec cent quarante
livres d’eau changée en vapeurs : ce qui
eft plus que le double du poids précédent.
Quoique la vapeur de l’eau foit comprimée
par le poids de notre atmofphère,
elle fe dilate néanmoins fi prodigieufe-
ment, qu’elle occupe un elpace quatorze
mille fois plus grand que celui qu’elle
occupoit auparavant; de forte qu’elle
pourroit fe dilater encore davantage, fi
elle fe trouvoit dans une place où elle
ne rencontreroit aucun obftacle, & où
elle ne feroit point comprimée.
Un fait encore bien lurprenant, c’eft
que fi on laiffe tomber une goutte d’eau
fur un fer ardent bien épais, elle s’évapore
aufli vite qu’une égale quantité de
pondre eft allumée par le fer; de forte
qu’une goutte d’eau a plus de force qu’un
grain de poudre. Mais fi on prend une
goutte d’eau de deux ou trois grains, la
poudre fera allumée avant que la goutte
d’eau foit réduite en vapeur par le fer
ardent : par conféquent la raifon de la
force de la vapeur de cette plus grofle
goutte d’eau fera moindre par rapport à
celle de la poudre.
L’eau fait fondre tous les fels, foit les
fofliles, ou ceux que l’on tire des plantes
ou des animaux. Il y a des fels qui fe fondent
plus vite que les autres. Les fels alka*
lis font ceux qui fe fondent le plus vite ; le
fel ammoniac fe fond plus lentement, &
le borax plus lentement encore. L’eau ne
peut cependant fondre qu’une certaine
quantité de chaque fel. Quand elle en
eft fuffifamment chargée, elle ne fond
plus rien.
Tout le monde fait que l’eau fe gèle
ou fe convertit en glace. Elle occupe
dans cet état un volume plus grand que
celui qu’elle occupoit lorfqu’elle étoit
liquide. Elle fe dilate alors avec tant de
violence, qu’elle caffe les vaiffeaux de
terre & de métal dans lefquels elle eft
enfermée. Ayant mis de l’eau dans un
globe de cuivre fort épais dont la concavité
étoit d’un pouce de diamètre,
l’eau en fe gelant cafta le globe , & fit
ainfi un effort de vingt- fept mille fept
cens vingt livres : force néceffaire, fui-
vant le calcul, pour que le métal eafsât.
Le froid fait geler l’eau, & il: paraît
que le froid eft produit par une matière
nitreufe qui eft incorporée dans l ’air, Si
qui y eft portée par les vents de ferre
du côté du nord. Ce qu’il y a de certain,
c ’eft qu’on produit avec de l ’efprit de
nitre un froid d’une violence extraordinaire.
En effet, lorfqu’ ôn verfe fur de la
glace de l’efprit de nitre fait avec de
l’huile de vitriol, comme le prenoit M.
Geoffroy , habile Chymifte , il furvient
un fi grand froid, qu'un thermomètre
étant plongé dans la glace, la liqueur
defcend à quarante degrés au-deffous
de o (ƒ ) .
C ’eft donc le nitre qui eft répandu
dans l’air qui Caufe le froid, ou du moins
une matière frigorifique quelconque.
Quand les vapeurs aqueufês qui tombent
d’une nuée rencontrent' cette matière
frigorifique, elle devient neige-,. fi
cette neige fe gèle en tombant, elle forme
la grêle. En général l’eau diversement modifiée
par le chaud & par le froid, produit
tous les météores aqueux. De même que
la lumière Sc ie feu étant modifiés différemment
par l’air & l ’eau, eft la caufe
des météores ignés, comme on l’a vu ci-
devant dans le fyftême phyfique de
Hokault, auquel je renvoie.
(ƒ ) P our juger de la force de ce fr o id , i l faut favoir
que le froid de 1709 ne fit defeendre la liq u eu t du
thermomètre que de 15 degrés au-deifous de o. Depuis
cette expérience de Mu s c h e n s r o e k , on a découvert
à Pctersbourg que l ’efprit de nitre mêlé avec de
la neige produit un froid fi énorme, qu’il congèle le
mercure au point qu’il devient malléable 8c duéülc
comme un autre métal.
F 1 N.