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à c e R e lig ie u x . C om m e il n’aimoit pas les
d i fp u te s , & encore moins mortifier per-
fo n n e , il n’o fo it lui faire v o ir qu’il l’a t ta -
qu o it m al-à -propos. I l fe détermina enfin,
& c e fu t a v e c ce tte réticence de ne ja m
a is nommer fon adverfaire que l ’agref-
feur. Plufieurs Savan s lui préfentèrent
l ’in u tilité ou même la fuperftition de
c e t te ré tic en ce ; mais il ne vo u lu t jamais
que fon nom parût dans faréponfe. L ’A u teu
r de fon élo g e prend occafion de-là de
faire v o ir combien V arignon aimoit la
paix : mais je crois qu’il n’a pas deviné
le m o t if de l ’A u te u r . I l en é to it un autre
plus v ra i de fa manière d ’agir : c ’étoit
un peu de van ité ; car il faut tou t dire
quand on éc rit l ’H iftoire , & fur - tout
l ’H ifto ire d ’un Philofop he. I l fe c r o y o i t f i
fupérieur à fon ad ve r fa ire , qu’il rougifioit
d ’entrer en lice a v e c lui. Je pourrois ju f-
tifier ce tte opinion par plufieurs exemples
a llez fréquens ch ez les perfonnes
en place , Ôc qui fe font acquis une c e r taine
réputation.
C e Mémoire , qui parut parmi ceux
de l’A c ad ém ie de l ’année 1 7 2 2 , eft le
dernier éc rit que publia V a r IGNON.
I l é to it incommodé depuis quelque-
temps d’un rhumatifme placé dans les
mufcles de la poitrine , qui l’incommo-
d o it beaucoup lorlqu’il marchoit. C e
mal fit des progrès fans l’empêcher de
vaqu er à fes affaires, ôc même d’étudier.
L e jou r même qu’il en ,m ou ru t, i la v o i t
fa it fa ciafifeau C o llè g e Mazarin. C e jour
a r riva le 2 2 Décemb re 1 7 2 2 , la foixante-
neuviéme année de fon âge. I l fe coucha
ce j o u r - l à fans être plus incommodé
qu’à fon o rd in a ire , & on le trou v a mort
le lendemain.
Son caractère étoit fimple. I l é to it
f r a n c , lo y a l en toutes occafions ; mais
jl n’aimoit point à fe communiqu er, il
cra ignoit de fe commettre a vec les hommes.
I l re c e vo it a vec peine des bienfaits
d e leur p a r t , Ôc lorfqu’on l’a v o it forc é
à ac cepter quelque c h o fe , il en con-
fe rvo it une reconnoiffance éternelle. I l
difoit même à tout venant le bienfait
qu’il a v o it reçu , fans croire cependant
^’acquitter par I4 envers fon Ifienfaitçqr,
; N 0 N.
C e qu’ il y a d ’étonnant, c’eft qu’a v e c c e tte
b onté de coeur il fû t ardent à la difpute ,
qu’il courût promptement à l ’o b je f t io n ,
lorfqu ’on lui propofoit quelque n o u ve lle
idée : on ne p ou vo it même lui faire entendre
ra ifo n , que lorfque le feu de fon
efprit étant ca lm é , il a v o it repris fa tranquillité
ordinaire. A u refte il étoit P r ê t r e ,
ôc v iv o it affez conformément à fon état.
Parmi fes manufcrits qui étoient con -
fid é rab les , on t ro u v a , 1 ° . L ’exécution d e
fon projet d’une n ou ve lle Méch aniqu e,
qu’on a publié en 1725* , fous le titre
d e Nouvelle Méchanique ou Statique, dont
le projet fut donné en 1 6 8 7 , & qui ne
v a u t pas le proje t. 2 0. Un Traité du mouvement
&■ de la mefure des eaux courantes
jaillUfantes, avec unTraité préliminaire du
mouvement en général, in -4 0. qui a paru
dans la même année que la M é ch an iq u e ,
dans lequel l’A u teu r donne toute la théorie
du mouvement 6c de la mefure des
eaux courantes & ja ilM a n te s ; prefcrit
des règles pour les jets d’e a u , & détermine
les épailfeurs que doivent a vo ir les
tu y a u x des aqu ed uc s, fuivant les différens
diamètres des tu y a u x ôc les différentes
hauteurs des fontaines. C ’eft une production
médiocre. 3 0. Ses éclaircijfemens
fur VAnalyfe des infiniment petits , in -4 0.
dont j’ai parlé c i-d e v an t , Ôc qui furent
imprimés dans le même temps. 4 0. U n e
n ou ve lle théorie de la mâture des v a if -
f e a u x , fondée fur la décompofition des
fo r c e s , que M . Jomhert L ib ra ire s’é to it
chargé de p u b lie r , mais qui n’a point paru
fous fon nom. y 0. D e s cahiers de Mathématiques
en latin , que M . Cochet, Profe fi
feur de P hilofop hieau C o llè g e Mazarin, a
traduit & mis au jour en 1 7 3 1 , fous le titre
d’Élémens de Mathématiques. 6 °. U n e Dé-
monflration de la pojjîbilité de la préfence
réelle du corps de Jejits-Chrift dans VEu-
çhariftie. E l le a paru en 1 7 3 0 dans un
recueil in t itu lé : Pièces fugitives fur l’Eu-
charifiie. C ’eft un liv re très-rare que je
n’ai pu me p ro cu re r , quelque recherche
que j’aie faite à Paris. Mon intention
é to it de donner moi-même un extrait du
fy ftèm e d e l’A u teu r que j’ai lu il y a lo n g temps
; mais le P» Nicçron en ay ant fa&
un fo r t exadl dans le tom e 2 0 de fes
Mémoires , je crois d e vo ir l ’inférer i c i ,
afin de fuppléer au mien. Varignon
& le P u b lic y perdraient t ro p , fi je négligeons
d e faire eonnoître ce t O u v ra g e
dans l ’hiftoire de fa v ie & de fes productions.
V o ic i donc ce fy ftèm e d’après le
P i Nicéron.
l ° . L a plus petite partie de matière
qu’on puifle c o n c e v o ir , eft fufceptible
de tous les arrangemens p o ffib les, & peut
a v o ir par conféquent tous les organes
du corps humain.
2 ° . L a grandeur de q u a t r e , cinq ou
fin pieds n’eft nullement effentielle à la
nature d ’un tel c o r p s , puifqu’un enfant
dont le corps n’a qu’un pied , ne laide
pas d’être homme : de- là descendant ju(-
qu’aux infiniment ou indéfiniment p e t it s ,
une partie indéfiniment petite ne laiflera
pas d ’être un corps humain.
3 ° . L ’ identité du corps ne dépend
point de l’ identité de matière ; puifque
par la continuelle expulfion des parties
qui compofent un corps huma in , & par
la fubrogation d’autres parties qui chaf-
fent c e lle - là , il arrive que la fubftance
de ce corps change te llem en t , qu’au bout
de quelques années il ne refte plus aucune
des parties dont il é to it compofé
au temps de fa naiftànce. Cependant
e’eft toujours le même c o rp s , parce que
c’ eft toujours la même ame qui 1 informe
& qui l’ anime. A in f i l’identité du corps
dépend uniquement de l’identité d e l ’ame.
4.0. L ’ union de l’ame a vec le corps
eonfifte dans la correfpondance mutuelle
des mouvemens du corps ôc des pen-
fées de l’ame. Il n’eft point impoflîble
qu’une feule ame foit unie de la forte à
plufieurs corps ; c’eft-à-dire , que plufieurs
corps aient divers mouvemens à
l’occafion des penfées de la même ame ,
ôc que cette ame ait diverfes penfées à
l’occafion des mouvemens de plufieurs
corps.
y°. Comme l’ame , qui ne change
point, eft proprement ce qui fait le moi >
foit qu’elle s’unifie à un feul corps ou à
plufieurs, il n’y a toujours qu’un feul
homme, parce qu’il n'y a toujours qu’un
feul moi. D’où il s’enfuit qu’un même
homme peut être en plufieurs lieux à
la fois , fans contradiction, parce que
c’eft une feule ame qui informe des corps
féparés les uns des autres.
6°. Toutes ces particules indéfiniment
petites, qui fe trouvent dans uneHoftie,
ôc que la puifiance divine y organite en
un inftant, enforte qu’elles font de vrais
corps humains, ne paroifient cependant
que ce qu’elles paroifioient avant leur
tranfiubftantiation, parce qu’elles gardent
entre elles le même ordre qu’elles avoient
lorfqu’elles n’étoient que du pain. Elles
continuent d’affeéter nos fens de la même
manière.
7 0. Quoiqu’on rompe cette Hoftie ,
ces petits corps humains ne fouffrent
pourtant aucune lacération ; leur petitefle
les met à l’abri de cette forte d’injure :
il n’y a nul inftrument qui puifie les frapper,
les percer, les déchirer.)
F I N .