Les corps noirs font ceux qui s’échauffent
le plus aifément. Ils s’échauffent d’autant
plus qu’ils ont plus de denfité & de
poids , 8c ils confervent leur chaleur en
même raifon ; mais ils n’augmentent ni ne
diminuent de poids , quelqu’échauffés
qu’ils puiffent etre.
Notre Chymifte recherche enfuite l’aliment
du feu, 8c il découvre que c’eft la
matière qui fert à l’entretenir. C ’eft la
fubftance même qui devient feu. Il y en a
dans les plantes, dans les foffiles & dans
les animaux. Cette fub^lance ou le feu eft
un corps; car i° . il eft étendu; 2°. il eft
capable de mouvement 8c de repos; 30. il
eft impénétrable, c’eft-à-dire il réfifte à
l’attion des corps. Les deux derniers articles
n’ont pas befoin de preuves : mais
Boerhaave fait voir qu’il eft étendu par
une expérience décifive. Il prend un globe
d’argent folide, le fait chaufferie plus qu’il
eft poflible, 8c le fufpend à un fil. Il plonge
enfuite très-lentement ce globe dans l’eau
froide , 8c le feu fe communique de ce
globe à l ’eau, en s’étendant infenfible-
ment 8c fucceflivement des parties voifi-
nes de l’eau aux parties les plus éloignées»
Après avoir fait ainfi l’analyfe du feu,
8c découvert par là fa génération, fa propagation
, fon aliment 8c fes propriétés,
notre Philofophe travailla à mettre cet
agent en oeuvre pour connoître la nature
des corps. Il commença par les métaux,
8c pour prendre les chofes en grand, il
voulut connoître leur génération 8c leur
accroiffement.
Il découvrit d'abord que les métaux
s’engendrent naturellement dans leurs
mines, qu’ils y croiffent, qu’ils s’y nour-
riffent, qu’ils s’y multiplient. Il obferva
en fécond Heu que leurs alimens, diffé-
rens d’eux-mêmes, fe changent en une
nature métallique par la force générale
de la femence métallique ; en forte qu’en
vertu de cette femence, ils perdent leurs
propriétés anciennes , 8c reçoivent une
nouvelle propriété par une chaleur très-
modérée. La matrice d’un métal naiffant
eft dure, denfe, impénétrable, homogène
, fermée de toutes parts 9 8c reffem-
Ele à du verre.
Plufieurs Chymiftes croyent que le
mercure eft la matière du métal, 8c que
par le moyen du foufre, qui eft la vertu
métallique , il fe change en métal. Mais
Boerhaave n’eft pas tout-à-fait de cet
avis. Le mercure a , dit-il, un défaut qui
croît en lui, qui l ui eft parfaitement uni,
8c qu’il eft difficile de lui ôter, c’eft de
n’être pas pur. Il faut un grand art pouf
le purifier, 8c lorfqu’on en eft venu à
bout, on a un mercure ou vif-argent liquide
, métallique 8c très-pefant, que ni
l’art ni la nature ne peuvent décompofer,
8c dans lequel la femence d’un métal dif-
fous 8c revivifié fe multiplieroit parfaitement
, dans lequel l’or même diffous,
digéré, mûri, feroit enfin le prix du travail
tant déliré.
Pour parvenir à opérer cette purification
, Boerhaave fit plufieurs expériences,
par lefquelles il découvrit :
i° . Que le mercure pur renfermé dans
un vaifl'eau de verre, 8c agité par un fim-
ple mouvement mécaniquedonne une
poudre noire très-fine 8c douce au toucher
, 8c que le mercure le plus pur donne
une plus grande quantité de cette poudre
que le commun. Celui qui avoit fervi à
cette expérience, avoit été diftillé foixan-
te-fept fois.
2°. Que cette poudre noire fe revivifie
en vif-argent pur, fi on la pouffe avec
grand feu hors du vaiffeau de verre qui la
contient.
3°. Que par la fimple diftilîation le
mercure fe change en une poudre rouge,
brillante, qui forme un violent purgatif.
Cette poudre redevient mercure par un
très-grand feu , 8c le mercure revivifié a
les mêmes propriétés qu’auparavant. II
refte cependant un peu de poudre noire ,
fubtile & fixe, que toute la violence du
feu ne peut élever ni changer en mercure
coulant. En ajoutant un peu de borax à
cette même poudre, le même degré de
feu la change en une maffe vitrifiée 8c fixe.
Mais quoique le mercure eût été fournis
aux plus rudes épreuves par ces
expériences, cette matière ne fe convertit
jamais en métal. Notre Chymifte
youlut cependant faire un dernier effort»
Il tint du mercure en digeftion fur le feu
pendant quinze ans, 8c il ne parut aucune
transformation. Toujours confiant, toujours
opiniâtre dans le travail , il fit plufieurs
expériences pour favoir fi les métaux
peuvent fe réfoudre par art en vif-
argent ; 8c ces expériences, quelque variées
qu’elles fuffent, ne donnèrent jamais
ce réfultat ou cette métamorphofe.
Dans l’étude de la Chymie, le temps
eft de moitié dans les opérations. Ce
n’eft fouvent qu’au bout de plufieurs années
qu’on peut voir l’effefrd’une expérience.
Notre Philofophe connoiffoit trop
le prix du temps pour relier oifif en attendant
un réfultat. Comme il vouloit connoître
toute la nature, à l’étude des minéraux
il joignoit celle des végétaux ou
des plantes. Une plante eft un corps hydraulique
qui a différens vaiffeaux , qui
contient divers liquides, & qui par une
partie extérieure qu’on nomme la racine,
eft joint à un autre corps , dont il tire
par cette partie la matière de fa nourriture;
C ’eft par là qu’on diftingue la plante
de l’animal 8c desfoftiles. _ _
Voilà ce qu’une fimple obfervation
des plantes nous apprend fur leur conf-
truétion. B o e r h a a v e entra dans le détail
, 8c par une diffeûion ou analyfe de
leurs parties, il vint à bout de connoître
leur jeu 8c leur ufage pour la nourriture
8c l’accroiffement de la plante. Voici la
fubftance du travail de ce grand homme.
Les végétaux font compofés de parties
folides 8c de parties fluides. Toute leur
fuperficie eftparfemée de vaiffeaux * qui
ont leurs orifices ouverts à l’extérieur,
8e qui hument les liqueurs les plus fub-
tiles, qui y font portées par les racines.
Ces orifices fe dilatent lorfque l’air eft
humide 8c chaud, 8c que la terre eft
échauffée 8c arrofée. Au contraire -, quand
l’air eft fec 8c froid , les orifices fe
refferrent : e’eft pourquoi ceux qui font
cachés dans la terre font plus ouverts,
8c reçoivent plus d’humidité que ceux
qui font expofés à l’air. Ce font ces vaiffeaux
qui fourniffent aux plantes la matière
de leur nourriture & de leur ac-
croiffement.
Les plantes, ont aufîi un conduit par
lequel l’air s’infinue, 8c paffe jufqu’à fes
parties les plus internes. C’eft en fe raréfiant
ou enfecondenfant, qu’il contribue
au mouvement dé fes liqueurs. Mais ce
qui a encore plus de part à ce mouvement,
c’eft l’élafticité des fibres 8c des
vaiffeaux, qui par le changement continuel
du froid 8c du chaud de l’air, font
dans un mouvement alternatif de con-
traélion 8c de dilatation, lequel fait mouvoir
continuellement les liqueurs dans les
plantes, 6c les tranfporte d’un endroit
dans un autre.
Les plantes ont encore des vaiffeaux
qui altèrent la nature des fucs qu’ils ont
reçus ; de forte que la liqueur devient
toujours plus analogue à la nature de la
plante , à mefure qu’elle paffe par un
grand nombre de vaiffeaux. Il y a même
des vaiffeaux oit ce fuc. fe perfectionne ,
8c où il approché de plus en plus du fuc
particulier de la plante. Il y en a aufîi qui
lui fervent de réfervoirs, 8c d’autres de
vaiffeaux excrétoires; de forte que ce
fuc devient huileux , de clair 8c acide
qu’il étoit d’abord. Et c’eft de cette huile
que dépend la vertu des plantes.
Notre Philofophe voulut connoître
auffi la nature des animaux. L’animal eft
une machine hydraulique, qui exifte 8c
fe foutient par le mouvement continuel
des humeurs dans des vaiffeaux, par le
moyen defquels elle tire la matière de fa
nourriture, comme les plantes le font par
leurs racines. Ainfi la différence qu’il y a
entre les végétaux 8c les animaux, c’eft
que les animaux ont leurs racines internes
, Sc que les plantes ont leurs racines
au-dehors.
C ’eft la découverte que fit Boerhaave
en difféquant les animaux. Il découvrit
encore qu’il y a dans chaque efpèce d’animal
ou de plante un efprit, une vapeur,
qui n’eft propre qu’à cette efpèce, 8c qui
ne fe manifefte que par l’odeur, le goût
8c quelques autres effets qui lui conviennent
uniquement. Cette vapeur eft
fi volatile, que lorfqu’elle eft libre elle
s’exhale dans l’air , où elle conferve fa
nature, jufqu’à ce que rapportée en terre