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nitc de tels points d’intcrfeéfcion \ i°. des
formules générales.poiu* déterminer l’in •
terfeétion de deux lignes droites infiniment
proches,qui rencontrent une courbe
quelconque vers le même côté fous des
angles égaux.
La fo'ution de ces problèmes annonçoit
dans le nouvel Académicien une grande
habileté dans la Géométrie. Ce n’écoitpas
néanmoins à la culture de cette fcience
que la nature le deftinoitj mais elle lui
avoit fait connoître que fon étude étoit
abfolument néceflaire pour former l’ef-
prit, 8c les fuccès de notre Philofophe
prouvent bien fon utilité dans la culture
de toutes lesfciences.
Cependant Réaümur n’avoit que
vingt^cinq ans. Tout le monde s’atten-
doit à voir en lui un Géomètre du premier
ordre, 8c tous les Mathématiciens fe ré-
jouifloient d’avance de fes fuccès : mais il
les furprit, lorfqu’ils le virentvs’adonner
a l’étude de la Phyfique 8c de l’Hiftoire
Naturelle, 8c que fes premiers mémoires
fur ces deux fciences étoient aulfi favants
que ceux qu’il avoit publiés fur la Géométrie.
Lorfqu’on s’y attendoit le moins, il
porta à l’Académie des obfervations 8c
fines 8c délicates fur la formation 8c fac-
croiflement des coquilles des coquillages
tant terreftr.es qu’aquatiques , foit de
mer, foit deriviere. On ignorait encore
,fi ces coquilles croillent ., comme le refte
du corps de l’animal, par une intuffufcep-
,tion , ou par l’addition extérieure 8c fuc-
jceffive de nouvelles parties j 8c il apprit
quelles fe forment par l’addition de nouvelles
parties, 8c fit voir aufli quelle eft
la caufe de la variété de couleur, de figure
8c de grandeur quelles affe&ent
ordinairement.
Les obfervations que ces recherches
l ’engagerent à faire fur différents coquillages,
lui Valurent une découverte fin-
guliere : ce fut un infeéte qui vit fur le
limaçon, 8c quelquefois dans les inteftins
mêmes de cet animal, d’où il ne fort que
quand le limaçon l’en chafle. Cet infeéte
marche prefque continuellement avec
une v.îteffe extrême. Si la coquille du limaçon
eft fermée , il attend que lélima-
çon ouvre fon anus ; il faifit ce moment
favorable, 8c entre ainfi dans fes inteftins.
Tandisqu’il obfervoit'les coquillages,
8c qu’il cherchoit à démêler le mouvement
progreflif d’un grand nombre d’entre
eux , il apprit une nouvelle qui interrompit
fon travail. M. Bon, Premier Pré-
fident de la Chambre des Comptes de
Montpellier , avoit remarqué que les
araignées filent une foie qui pouvoic
être utilement employée , 8c il cherchoit
à connoître s’il étoit pofiible de les
nourrir en aflez grande quantité , 8c fans
s’engager dans des frais qui excédaient
le profit qu’on en pouvoit tirer. Voici
d’abord comment il avoit fait cette découverte.
Après avoir ramafle un grand nombre
de coques d’araignées, M. Bon les fit
battre pendant quelque temps pour en
faire fortir toute la poulliere , les lava en-
fuite parfaitement dans de l'eau tiede,
les mit tremper dans un grand pot avec de
l ’eau de favon, dufalpêtre 8c un pende
gomme arabique , fitbouillirle tout pendant
deux ou trois heures, relava toutes
les coques avec de l’eau tiede , pour en
bien ôter tout le favon, les laifla fécher ,
8c enfin les fit ramollir un peu entre les
doigts pour les faire carder plus facilement.
O11 employa pour cette foie des
cardes beaucoup plus fines que celles donc
on fe fert pour la foie ordinaire , 8c on
eut parce moyen une foie d’une couleur
grife agréable, qui prit aifément toutes
fortes de couleurs, & dont on fit des bas
& des gants. Les premiers gants furent
préfentés à Madame la Duchefle de jBour-
gogne, ^ .
Cetre nouveauté fit grand bruit à la
Cour & à la Ville. L ’Académie des
Sciences en prit connoiffance , 8c chargea
Réaümur de l’examiner avec foin. C ’eft
aufti ce que fit ce NaturaJifte , aveç fon
zele 8c fa fagacité ordinaires. Le réfultat
de fon travail ne fut pas favorable au fuccès
de M. Bon. Ses expériences 8c fes
obfervations lui apprirent que les toiles
d’ayaignées n’étpieot nullement propres
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5 être mifeS en oeuvre, parceque les fils
en étoient trop délicats, 8c qu’il en faudrait
quatre-vingt-dix pour faire un fil
égal en force à celui que file le ver à
foie , 8c environ dix-huit mille pour faire
un fil à coudre aufli fort que ceux des fils
de ces vers.
Il examina enfuite les coques que les
araignées filent autour de leurs oeufsj 8c
il reconnut que celles des araignées des
jardins pouvoient être de quelque ufage.
Il ne s’agiffoit plus que de favoir fi la foie
de ces coques ferait à aufli bon marché
que la foie commune, ou fi j étant plus
chere, elle ferait aufli plus belle. O r ,
notre Philofophe trouva que la foie des
araignées coûterait beaucoup plus cher
que la foie ordinaire j car il falloir douze
rais plus d’araignées que de vers pour
fournir la mêihe quantité de foie. A
l’égard de la qualité de la foie , la.foie des
araignées à moins de luftre que celle des
vers à foie..
Il eft fans doute fâcheux qu’on n’ait
pas pu profiter de la découverte de M.
Bon ; car la couleur de la foie des araignées
eft beaucoup plus variée que celle
des vers à .foie : celle ci eft toujours aurore
ou blanche j au lieu que les coques
d’araignées en donnent de jaune , de
blanche, de grife-, de bleue célefte 8c
d’un beau brun café.
Ce. travail étoit à peine fini , que
R éaümur en entreprit un autre moins
vétilleux 8c plus atcrayant. Tous les Na-
turaliftes avoient obfervé que plufieurs
animaux marins s’attachent au fable , aux
pierres, 8c les uns aux autres j mais ils
ignoraient par quels moyens ils y parviennent.
Ce fujet lui parut digne de fes
recherches : 8c quelque difficile que parût
la folution de ce problème , il 11e dé-
fefpéra pas de le réfoudre. Il falloir pour
cela faire beaucoup d’obfervarions 8c de
recherches ; mais les difficultés , bien
loin de refroidir le zele de notre Philofophe
, fervoient au contraire à l ’enflammer.
Or , par ces obfervatiorfs , il apprit
que le .coquillage qu’011 appelle oeil de
houe , s’attache par une bafe très plate ,
J'orne FlII.
8c qui n’a guere qu’1111 jtouce dans for*
plus grand diamètre, à des pierres même
très polies , 8c cela avec tant de force,
qu’il faut une force de vingt-huit X
trente livres pour lui faire lâcher prife.
D ’où peut venir cette grande force ?
C ’eft, dit Réaümur, par le moyen
d’une glu qui fort de ce coquillage \ 8c
il le prouve.
En effet, l’ortie de mer , qui s’attache
aufli fortement aux corps folides que l’oeil
de bouc , n’eft couverte ni d’écailles, ni
de coquilles , 8c fa peau n’eft point une
membrane, ou un tiflii de fibres folides :
ce n’eft qu’un enduit d’une collé qui fe
diflout très promptement dans l’eau-de-
vie , tandis que le refte du corps de l’animal
demeure entier 8c fans altération.
Cette même glu fert aux huîtres à fe
coller, ou aux rochers, ou les unes aux autres.
Et tel eft le ciment univerfel avec
lequel la nature bâtit dans la mer , ou y
afliire quelque chofe contre le mouvement
perpétuel 8c violent des eaux.
C ’eft avec fes quinze cents vingt jambes
que l’étoile de mer fe colle aux corps
voifins j de forte qu’on ne peut les détacher
fans les rompre. Ainfi ces jambes ne
lui font point utiles pour marcher , mais
pour ne marcher point.
Les moules de mer, les pinnes marines
s’attachent par le moyen de fils1 gros
comme un fort cheveu, qui font quelquefois
au nombre de cent cinquante, 8c
elles faififlent avec ces fils tout ce qui les
environne , 8c le plus fouvent des coquilles
d’autres moules. Les fils des pinnes
font beaucoup plus fins "8c en plus
grande quantité : on en fait de beaux ouvrages.
Ces coquillages font les vers à
foie de la mer.
L’attentionfcrupuleufe que Réaümur
donnoità toutes ces recherches, lui fit découvrir
une chofe extrêmement finguliere
qu’il ne cherchoit pas. Ce fut un poifloh
différent de celui qui fournifloit la pourpre
desAnciens,&qui jouifloit de iamême
propriété que lui. Ce poifl'on eft le buccin,
qui eft une efpece de coquillage..
En le confidérant fur le bord de la mer,
dans le Poitou, il obferva que les pierres