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C’étoit être fripon jufqu’au bout.
Plufieurs perfonnes donnèrent dans
le piège. Elles crurent que ces merveilles
étoient gravées en cara&ères
hiéroglyphiques liir une pierre qui
étoit placée vis-à-vis du portrait.
D es Allemands vinrent exprès de
leur pays pour voler cette pierre ,
& ils en furent pour leurs peines &
les frais de leurs voyages.
Mais comment peut-on opérer
ces merveilles qui enrichiffent fi
promptement? C’eft, répondent les
A lchymiftes, oii avec une poudre
de projection, ou en figeant le mercure
avec du verdet ou du cuivre,
ou avec des clous de cinnabre qu’ils
convertiffent en argent.
L a poudre de projeftion eft, félon
eux, une femence de l’o r, laquelle
a la vertu de l’augmenter quand on
la mêle avec ce métal en fufion. Ils
figent ou fixent le mercure en le
m êlant avec du verdet qui lui donne
une couleur jaune , qu’ils rendent
couleur d’or avec du curcuma ou
de la calamine. Enfin ils prétendent
réduire le cinnabre en argent, en
calcinant des morceaux de cinnabre
dans un ereufet avec de l’argent.
Mais tous ces procédés font des
fubtilités chymiques, des tours de
paffe-paffe.
C ette poudre de projeâiori dont
lés Alchymiftes parlent ta n t, n’eft
connue de perfonne. C’eft un mot
qui impofe aux ignorans, & qui en
ruine plufieurs. Il ne faut pas fe
flatter qu’on défabufe jamais des
gens qui veulent être trompés > ou
O U R S
qui aiment à l’être. L a foif des rî-
cheffes & l’amour du merveilleux
ont plus de pouvoir fur les efprits
foibles que les meilleurs raifonne-
mens. Car on l’a déjà d it, & on ne
fauroit trop le répéter, nous n’avons
aucune connoiffance de ce qui oc-
cafionne les différences fpécifiques
des fubftances métalliques. Comm
ent donc pourrions-nous décider
fi la tranfmutation eft poflible ou
impoflible ?
» E n effet, comme le remarque
» fort bien l’Auteur d u D iûionnaire
» de Chymie , article Métaux, fi
» chaque fubftance métallique a fa
» terre propre effentiellement diffé-
» rente de celle de toutes les autres ,
» ôt que ce foit par conféquent à
» raifon de ces différences de leurs
“ terres que les métaux different en-
» tr’eu x , comme nous ne pouvons
» changer les propriétés effentielles
» d’aucune fubftance fimple , il eft
» clair que dans ce cas la tranfmu-
» tàtion des métaux feroit impoffi.
" ble. Mais fi la terre & les autres
» principes des métaux font effen-
» tiellementles mêmes, qu’ils foient
“ feulement combinés dans des pro-
» portions différentes, & plus ou
» moins étroitement unis, & que ce
» foit là la feule caufe des différen-
*> ces fpécifiques des m étàùx, alors
» on ne voit aucune impoffibilité
» dans leur tranfmutation.
Il eft vrai que cette tranfmutation
eft peut-êtfe plus difficile que
la production d’une nouvelle fubftance
métallique. Les Alchymiftes
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ontbeâudire que les m étaux imparfaits
ne diffèrent de l’or & de l’argent,
qu’en ce que leurs principes
font moins bien combinés , &
qu’on peut remédier à ce défaut,
en leur donnant une coâion convenable,
en féparant le pur de l’impur;
on fera toujours en droit de
leur demander fi les métaux ont
une terre propre, ou fi elle eft la
même dans tous les métaux. Q uand
jls auront décidé cette queftion qui
tient a la nature des êtres, on les
écoutera ; mais tant qu’ils ne diront
que de grands m ots, qu’ils promettront
beaucoup , qu’ils ne tiendront
rien , qu’ils couvriront leur ignorance
aveç le voile du myftère, ils
ne mériteront que du mépris.
Avertiffons donc que la Chymie
eft l’art de féparer les différentes
fubftances qui le rencontrent dans
un mixte. Ceux qui ont cultivé cet
art, ou qui le cultivent, font appelés
Chymijles. C’eft l’hiftoire de ces Phi-
lofophes que j’ai écrite dans ce volume.
Ce volume contient auffi
celle des Cojmolpgijles. C e font
d’autres Philofophes qui ont étudié
la Cofmologie, je veux dire la fcience
qui a pour objet l’origine du monde
& la caufe de là formation.
Les Egyptiens croyoient que la
terre avoit été eau. Les Phéniciens
pensèrent que la furface de la terre
avoit été bourbeufe, & que l’air
s’étant agité, une lumière divine
l’avoit pénétrée & fécondée. Ces
deux idées fe reffemblent allez.
Elles font également vagues &
fans confiftance. Auffi n’y fit-o n
point attention. Des fiècles s’écoulèrent
fans qu’on fongeât à les examiner.
D es conjeffures fur l’origine
du m onde, qui n’étoient point appuyées
fur les obfervations, ne mé-
ritoient aucun égard.
A la renaiffance de la Philofo-
p h ie, on fit des obfervations , on
recueillit celles qui avoient été faites
, & on fe trouva en état de com-
pofer une théorie du monde , je
veux dire de former une Cofmologie.
Burnet fut le premier qui entreprit
ce travail. Il publia fon fyftêmc
fous le titre de Théorie facrée de la
Terre. Un François, nommé Maillet
, fit auffi un fyftême plus étendu ,
& peut-être plus probable. Wifihon
confidérant tous les événemens pof-
fibles du cours & de la direâion
des aftres, a voulu expliquer par la
queue d’une comète tous les chan-
gemens qui font arrivés au globe
terrellre. Enfin IT'oodward ayant
liippofé un abyrne immenle d’eau
dans les entrailles de la terre , rend
raifon par là des révolutions que ce
globe a éprouvées , & de fes phénomènes
aftuels.
Voilà les plus fameux Cofmolo-
giftes qui ayent paru depuis l’origine
du monde. Ils ont donné des
fyftêmes au lieu d’une théorie véritable
de la terre. E t jufqu’ici cette
théorie n’a été traitée que d’une
manière vague & hypothétique.
Ç ’eft ce dont on fe convaincra en