T O U R N E F O R T*
J u s q u ’ i c i les Botaniftes s’étoient attachés
à connoître les plantes de différents
pays , . à les delïïner & à les décrire,
lans s’alTujettir à aucun ordre , à aucun
arrangement. Ils avoient pris la nature
telle qu’elle eft ; & la nature a mis dans
la production des êtres, une profufion
magnifique, qui n’eft point du tout lu-
mineufe. C’eft ce que reconnut le Natu-
ralifte qui va nous occuper il n’eftima
point qu’on pur faire des progrès dans la
fcience des plantes, fi l’on ne les rangeoic
dans différences claffes, fi l’on ne raflem-
Bloit comme par bouquets celles qui fe
relfemblent. Mais comment peut-on distinguer
cette reifemblance ? En confidé-
ra n t, d it-il, les plantes d ’une même
iïruéture de parties , comme étant de
meme genre; de forte qu’on appellera un
genre de plantes-, l’amas de toutes celles
qui auront ce caraétere commun , qui les
diftingue elfentielîement de toutes les
autres plantes. Et parce ue toutes les-plan-
tes de même genre different entre elles
par quelque particularité , on- nommera
efpeces toutes celtes q u i, outre le caractère
générique, auront quelque fingula-
rîté qu’on ne remarquera pas dans les
autres plantes de même genre.
Ainfi, pour établir le caraétere d’un
genre , il fau t, Suivant ce PliilofopRe.,
deux conditions : là première, que les
plantes Soient auflî Semblables qu’elles
peuvent l’être d'ans toutes les efpeces ; la
Seconde, que cette refTembîance foie ai-
See d remarquer fans microfcope.
Telle fut la marche qu’il fuivit d'ans
T étude de la Botanique, 8c par le moyen
dé laquelle il parvint à connoître toutes
les plantes avec là plus grande facilité,
C eft un fÿfteme Savant 8c ingénieux qui
a rendu Son nom immortel , 8c que j’èx-
pofèrai plus en grand à la fuite de l’hif-
toire de Sa vie..
Eloge di M. -o-g Tou-rnefort,- par-M. de Fontenellè.
m t r e d AI. Begon,.Intendant de U Marine à Roche fort, contenant
un Abrégé de la vie de M DE TournEfort Mé-
mottts pmr-fervir À l’ktftotre des Hommes lllnpres, tom . i r . .
Ce grand homme naquit a Aix en Provence
Te 5 Juin 1655 de Pierre Piuon \
Ecuyer , Seigneur de T ournefort, 8c
d’Aimare de Fagoue, d’une famille noble
de Paris. O n le nomma d’abord P i t t o n t
u°m ^on Pere > ma*s comme fi ce non»
n’eiit. pas été afTez diftingué , il prit celui
de T o u r n e f o r t , Sous lequel il eft connu
aujourd’hui. C’eft une grande foibleffe i
un PhiloSophe de vouloir fe donner un
air de Seigneur comme s’il ne dévoie
pas regarder les qualités de l’efprit 8c du
coeur au-deffus de toutes les dignités»
M. de Fontenelle a blâmé dans l'occafion
les Savants qui ont cru groftir leur mérite
en accumulant les titres, & il auroit bie»
pu tancer encore ceux ( en commençant
par lui-même : il s’appelloit Bouvier) qui
prennent des noms qui ne leur appartiennent
point, ou qui s’arrogent des qualités
qui ne leur Sont pas dues.
Il y a , dit un grand Moralifte (2), des
grandeurs naturelles, & des grandeurs
dinftitution. Les unes font des qualités
de l’efprit & du coe ur, telles que la prudence
& la bonté : les.autres Sont des dif*
tméfions d autorité & de rang. O r , le
Sage ne doit connoître. que les premières-
grandeurs, & fe prêter aux- autres fans-
en faire parade, ou les. eftimer. Il doit,
aufti aimer la vérité , puifqu’il écrit pour
1 apprendre aux autres, &.par conséquent
ne pas- mettre une faufTeré à. la. tête, de
Ses ouvrages»
Quoi qu’il en. Soit de cette réflexion^
notre. PhiloSophe Suivit, fans doute. l’.u*
Sage, & s’appella T o u r n e e o r t ,,parce»-
qu on lui donna ce., nom. Il fit .Ses études
au college des Jéfuites d’A ix, &. les. fit.
fort mal. La langue latine, avoir peu d’at*
pour lui : un charme. Secret- l’en-»-
trainoit à une autre étude. 1 c’étoit.celle-
dë la Botanique. O n a déjà obfervé que
les grands hommes qui ont perfectionné
maionnaire deChaufepié, art. T ourhefort. Et fes. ouvrages.
(i) Mi Duguet. Voyez fon Hiftoire dans le fécond v o * -
lumc cette Ht poire des Phitbfophês modernes..