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qu’on nommé papillon a tête de mort. Ce
papillon, qui eft un papillon de nuit » eft
très grand} la couleur de Tes ailes eft lugubre
, d’un brun noir, mêlé de taches
de jaune feuille morte. Ce jaune , di-
vifé paf quelques traits noirs, forme fur
fon coïfelet une figure qui imite affez
bien une tête de mort : ce qui lui en a fait
donner le nom. Il fait entendre un bruit
fort & aigu, qui approche un peu de celui
d’une fouris , mais qui eft plaintif.
Cet infeéfce a jette quelquefois l’alarme
dans l’efprit du peuple 8c des gens
foibles 8c ignorants. 11 y a quelques
années qu’il produifit cet effet dans
quelques cantons de la Baffe-Bretagne ,
pareequ’il fut plus commun que d’ordinaire
, précifément dans un temps où il
y avoir beaucoup de maladies : on lui at-
tribuoit tout le mal, 8c on ne le voyoit
qu’avec frayeur. Le peuple le craint encore
dans tous les pays, tant les préjugés
font difficiles à détruire.
On met encore la plupart des teignes au
nombre des chenilles : elles fe changent
en papillons. Il y a auffi de fauftès teignes :
ce font des vers, dont les uns fe méta-
morphofent en mouches, & les autres
en fearabées , tels que des charanfons. 11
y a plufieurs efpeces de teignes : les teignes
domeftiques, qui fe font des habits
de la laine 8c du poil de nos pelleteries r
les teignes champêtres , qui paftent leur
vie dans les bois, dans les champs 8c dans
les jardins, 8c fe tiennent fur les feuilles
des arbres & des plantes : les teignes aquatiques
, qui habitent dans les eaux : les
teignes de murailles : les teignes de chardons
, lefquelles fe font des parafols avec
leurs excréments , pour fé garantir de
l ’ardeur du foleil,&c.C’eft l’hiftoire de ces
infeéfces qui compofe une partie du troifie-
me volume des Mémoires que j’analyfe.'
L’autre partie eft remplie de celle des
pucerons, de celle des vers qui les dévorent
, 8c enfin de l’hiftoire des galles
produites fur les arbres par les piquures
de quelques infeéfces , 8c qui leur fervent
fouvent d’habitation. Tout le monde con-
noît les pucerons : ce font des infeéfces
tranquilles,dont les tiges du chèvrefeuille
& d’autres plantes femblableS font qiïeî-}
quefois couvertes. Les uns font ailés',
& d’autres n’ont pqint d’ailes. Il y à des
pucerons qui ont tous les caraékeres de
mâle , cependant on croit qu’ils naiffent
tous avec la faculté fiùguiiere de produire
leurs femblables fans accouplement. Ils
ont pour ennemis des vers fans jambes, 8c des vers à fix jambes, qui les rongent. :
Des galles proprement dites, nôtres
Auteur paffe, dans fon quatrième vo«*
lume, aux gallinfe&es, qui font réel-f
lement des animaux, mais qui relient
toujours fixés 8c immobiles fur les branches
des arbres. 11 vient enfuite aux
mouches à deux ailes Sc aux vers fous ht
forme defquelsils ont pâlie les premiers
temps de leur vie j 8c au nombre de ces
mouches, il compte les coufins, dont il
écrit auffi l’hiftoire. Celle des mouches a
quatre ailes , 8c fur-tout celle des abeilles
, forme le cinquième volume & une
partie du fixieme, lequel eft terminé par
Fhiftoire des guêpes, des formicaleo 3 des
demoifelles , 8c des mouches éphémères*
L’hiftoire des abeilles eft affez connue :
c’eft fans contredit l’infeéte le plus admi-;
râble. On fait que dans une ruche il s*y
trouve une abeille qui en eft la reine r
elle a fepr ou huit cents 8c même mille
mâles, 8c quinze à feize mille abeilles
fans fexe , qui font des ouvrières. On
connoît le travail ingénieux de ces animaux
, & l’utilité que les hommes reti*
rent de leurs ouvrages. Tous- ces- détails
infiniment intéreflants occupent beau*-
coup R é a u m u r , qui n?en néglige au-»
cun, pour nous faire connoître parfaite«^
ment cetinfeéfce merveilleux.
A l’égard des guêpes, ce font des in-
feéfces carnaffiers , chaffeurs , vivant ds
rapines. On les diftingue en guêpes qui-
vivent en fociété , & en guêpes foli-
taires \ 8c l’hiftoire des unes 8c des autres
eft auffi curieufe qu’intéreffante. Le /or-
micaleo eft l’ennemi le plus redoutable
des fourmis : il en eft le lion. C ’eft un
ver â fix pieds, qui fe transforme en*
mouche à quatre ailes. Cette mouche eft;
d’un genre différent des demoifelles
qui aiment â voler le long des rivière^
R É A U M U R .
Pôrfonne n’ignote que les demoifelles
font des infe&es fort vifs ; que les plus
petites font ordinairement des mâles j
qu’on diftingue leur fexe par les couleurs,
&c.
: Les mouches éphémères font des in-
ïeéfces finguliers , qui, après avoir été
jtoiflons pendant trois ans, n’ont à vivre,
dfous la forme de mouches, que durant
quelques heures > pendant lefquelles elles
lubiflent une metamorphofe , s’accouplent,
couvent, 8c couvrent de leurs cadavres
l’eau même qu’elles avoient habitée.
Ce dernier volume eft précédé d’une
préface qui contient la découverte du polype.
C ’eft un animal extraordinaire qui
ie multiplie lorfqu’on le hache par morceaux
; de forte qu’étant coupé en huit,
dix, vingt, trente ou quarante parties ,
i l fe multiplie autant de fois. Lorfque
M . Trembley en fit la découverte, il délira
que notre Philofophe l’aidât à prononcer
fur la nature de cet animal. 11 s’a»
gilîoit de favoir fi c’étoit un infeébe ou
«ne plante. Il lui envoya plufieurs polypes
pour en juger \ 8c R é a u m u r décida
que c’étoient des infeéfces aquatiques ,
malgré les prodiges qu’ils avoient Fait
Voir.
En effet, M. Trembley, ayant mis dans
l ’eau une plante qu’on nomme lentille
éTeaiiy oblerva autour d’elle de petits
corps d’un beau verd, dont plufieurs s’attachèrent
contre les parois tranfparentes
du vafe. Il leur vit prendre fucceffive-
ment de nouvelles formes : il apperce-
Voit des efpeces de branches, ou plutôt
des Cornes qui lui paroifloient plus ou
moins longues : enfin il obferva que ces
corps avoient un mouvement progreffif,
fort lent, à la vérité, 8c qu’ils cherchoient
la lumière , en fe tranfportant dans la
partie du vafe la plus éclairée.
M. Trembley fut fort étonné de ces
prodiges : il ne favoit point s’il nedevoit
pas prendre ces corps pour des animaux,
ou s’il ne devoit pas les regarder comme
des plantes du genre des fenfitives, qui
ont un fentiment plus exquis que ne
l ’ont celles dont les racines font fixées
fin terre. Pour décider cette queftion,
il coupa en deux, tranverfalement, quelques
uns de ces petits corps , efpérant
que s’ils étoient des plantes,- chaque
moitié, étantremife dans l’eau, conti-
nueroit d’y végéter, 8c qu’il s’y forme-
roit une nouvelle partie , femblable à
peu près â celle dont elle avait été fé-
parée. Sa conjecture fe vérifia : i) fe fit
effectivement dans chacune une reproduction
plus prompte qu’il ne l’auroit
cru. Cependant les petits corps qu’il avoit
laiffés entiers ne ceffoient de lui montrer
tous les jours de nouvelles manoeuvres,
comme pour le forcer à croire qu’ils
étoient de vrais animaux : ils croient donc,
animaux 8c plantes tout enfemble \ 8c ce
fut pour favoir à quoi s’en tenir , que
M . Trembley confulta R é a u m u r .
Quoique fon Hiftoire des InfeCtes foit
un ouvrage très confidérable , 8c qui a
dû coûter des recherches infinies, 8c un
grand nombre d’obfervations également
pénibles 8c délicates, notre Philofophe
ne laiftoic cependant échapper aucune
idée nouvelle fans s’y arrêter.
En examinant les oeufs des poules, il
reconnut que la caufe de leur corruption
venoit de ce qu’il s’infînuoit de l’air par
les pores de la coquille, 8c que la matière
qui étoit contenue dans l’oeuf s’évaporait
par ces pores j qu’ainfien les bouchant ils
dévoient fe conferver auffi long-temps
qu’on le vouloir : c’eft la confequence
qu’il tira de fon obfervation. 11 enduifîc
donc la coquille d’un oeuf frais d’un vernis
ou de graillé, 8c il refta frais auffi
long-temps qu’il le defira.
Par ce moyen ingénieux on peut non
feulement conferver les oeufs tant qu’on
le juge â propos, même dans les climats
les plus chauds, mais encore faire venir
des oeufs fufceptibles d’être couvés d’une
infinité d’oifeauxrares 8c trop délicatspour
foutenir la fatigue d’une longue route.
Cette étude le conduific naturellement
â l’étude d’un art dont on n’avoit que des
notions imparfaites : c’eft celui de faire
éclore 8c d’élever des oifeaux fans le fe-
cours de l’incubation. On connoilïoit depuis
long-temps l’induftrieufe maniéré
par laquelle les Egyptiens fubftituoient