i iæ M U S C H E N B R O E K .
attire des feuilles de métal à un pied de
diftance. L’attra&ion eft bien plus confi-
dérable, fi on fe fert d’un globe de verre,
& lorfqu’en le faifant tourner fur fon
axe par le moyen d’une machine, on
tient les mains fous ce globe pour exciter
un frottement.
C’eft avec ce globe ainli ajufté, ou
cette machine électrique, que M u s c h e n -
broek faifoit des expériences. 11 cher-
choit à découvrir fi l’eau étoit un milieu
propre à ramaffer & à préparer la
matière éle&rique. Dans cette v u e ,
ayant fufpendu horifontalement fur des
cordons de foie lin canon de fe r , dont
une extrémité étoit proche du globe électrique,
& qui portoit à l’autre un fil de
laiton plongé dans une bouteille pleine
d’eau, il foutenoit cette bouteille avec
la main droite, tandis qu’on éle&rifoit
le canon de fer. Le globe étant fortement
éle&rifé , il en tira une étincelle, •
qu’on tire toujours quand un corps eft
ele&rifé. A l’inftan't il fut frappé d’un
coup fi violent, qu’il- fe crut mort. Revenu
de fon accident, il protefta qu’il
ne répéteroit point cette expérience,
quand il £ agir oit du Royaume de France.
Ce font les termes dont il fe fert dans
la lettre qu’il écrivit en 1746 à M. de
Réaumur, pour lui faire part de cette découverte.
Elle forma une révolution
totale dans la Phyfique, & lui valut
plus de profélytes que les fameufes expériences
de Boy le , de Pafcal, & de
Newton (ef).
On redoubla d’ardeur pour les obferva-
tions ; on remarqua tout, cette attention
fit découvrir à Surinam un phénomène
éleârique tout-à-fait furprenant : c’eft
une efpèce d’anguille, qui a la propriété
fingulière de vous frapper comme le
coup foudroyant, lorfque vous vous mettez
dans l’eau près de l’endroit oii elle
.fe trouve. Quand on trempe fes mains
dans l’eau à huit ou dix pieds de distance
de cette anguille, on fe fent frappé
à l’inftant pat fon éle&ricité', comme
dans l’expérience du coup foudroyant.
Si on la pouffe avec un bâton, on éprouve
un coup plus violent. Enfin perfonne
n’ofe la prendre dans la main. Elle eft
même meurtrière pour les poiffons qui
s’approchent trop près d’elle; car elle
les tue d’un coup éleûrique. Mais fi au
lieu de fe fervir d’une verge de fer pour
en approcher, on fe fert d’un bâton de
cire d’Efpagne, & qu’on la touche même
avec ce bâton de cire, on ne reçoit aucun
coup.
C ’eft notre Philofophe qui nous a
appris ce phénomène éleôrique. Il n’a
pas vu le poiffon, parce qu’il mourut
dans la traverfée. Comme il y a deux
mille lieues d’ici à Surinam, on peut
bien avoir altéré cette obfervation en
chemin. M u s c h e n b r o e k l’attefte pour
un fait autant qu’on peut affurer line chofe
fur le rapport d’autrui ; & il conclut que
c’eft l’éle&ricité de ce poiffon qui produit
tous les effets que je viens de rapporter.
C’eft en 1760 qu’il communiqua cette
découverte au Public (e). D.epuis 1746
qu’il découvrit le coup foudroyant, il ne
refta point oifif. Il publia en 1748 des
Infitutiones Phyficce,in-8°. & des Infiitu-
tionts Logicce, même format. Enfin il faifoit
imprimer une Introduclio ad Philo-
fophiam naturalem en deux volumes in-40.
àc un Compendium Phyfices experimentalis ,
lorfque la mort vint mettre fin à fon travail
le 19 Sept. 176 1 , à l’âge de 69 ans.
On ne trouve point dans mes Mé-^
moires de quelle manière il eft mort, &
dans quels fentimens. Ce qu’on peut préfumer,
c’eft que la mort l’a furpris; &
ce qu’il y a fans doute de certain, c’eft
qu’il a rendu fon ame à Dieu avec les fentimens
d’un homme pénétré des bontés
de cet Etre fuprême, & plein de refpeél
pour fon véritable culte.
Scs moeurs étoient fimples, pures &
fans tache. Il étoit enjoué & très-aimable
(d) Voyez l* Diclionnain univtrfel de Mathématique & de PhjJique , art. Coup foudroyant & EUSlricitt,
(f) Voyez le s Mémoires de l’Atadémit Royale des Sdenots de Paris, ann. 17.60.
MUSCHENBROEK; i r y
dans la cônverfation, & poffédoit toutes
les qualités qui forment le véritable Philofophe
; je veux dire la candeur, le
défintéreffement, l’amour du bien, la
franchife, un attachement inviolable
pour fes amis, & une tendreffe paternelle
pour fes enfans.
Il étoit Membre de la Société Royale
de Londres, de l’Académie Royale des
Sciences de Berlin, de Stockolm, de l’Infi
titut de Bologne , de la Société de Haer-
lem, &c Profeffeur Honoraire de l’Académie
Impériale de Petersbourg. Mais il
ne s’eft jamais paré de ces titres d’honneur
, & il mettoit fimplement à la tête
de fes Ouvrages fa qualité de Profeffeur
de Philofophie & de Mathématiques.
Les Ouvrages qu’il faifoit imprimer
lorfque la mort l’a furpris, ont été publiés
par le célèbre M. Lulofs , Profeffeur
de Mathématique & d’Aftronomie
à Leyde, & Infpe&eur Général des Rivières
de Hollande , qui a enrichi le
Compendium d’une Préface très-favante.
Ce Compendium eft dédié au Prince Stat-
houder de Hollande par M. Mufchenbroek,
Confeiller & Echevin de la Ville d’U-
trecht, & fils de notre Philofophe.
M u s c h e n b r o e k avoitun frère,
qui vit encore, &c qui cultive la Phyfique
& les Mathématiques avec le plus
grand fuccès. On a de lui un Ouvrage
fort curieux, qui eft imprimé à la fuite
de PEJfai de Phyfique. En voici le titre :
Defcription de nouvelles fortes de Machines
pneumatiques tant doubles que fimples, avec
un Recueil de plufieurs expériences curieufes
& inflruclives que ton peut faire avec ces
Machines, par Jean Van Mufchenbroek ,
qui fait lui-même ces pompes. M. Lulofs
l’eftime beaucoup ; & dans la lettre qu’il
m’a fait l’honneur de m’écrire, il l’appelle
Egregius Mathematicus ; & il ajoute
qu’il eft très-verfé dans la Géométrie
iranfeendante, in calculisfublimioribus.
A n a l y s e d e l a P h y s i q u e
d e M u s c h e n b r o e k ,
Les objets de la Phyfique font le corps,
l ’efpace, le vuide & le mouvement. On
appelle corps tout ce qui réfifte à la pref-
fion. On donne le nom d'efpace ou de
vuide à toute cette étendue de l’univers ,
dans lequel les corps fe meuvent librement.
Et le mouvement eft le tranfport
d’un corps d’une partie de l’efpace dans
une autre partie.
On range tous les corps terreftres dans
quatre différentes claffes, qui font celle
des animaux, celle des végétaux, celle
des fojfiles, & celle des corps qui com-
pofent l’atmofphère.
Tous les animaux tirent leur origine
des oeufs. Les uns relient dans le corps
de la mère jufqu’à ce que l’animal qui
y eft renfermé ait acquis toute fa maturité.
Les autres font pondus quelque
temps après leur formation, & les animaux
n’en fortent que quand ils ont été
couvés. Les premiers de ces animaux fe
nomment vivipares : tels font les hommes
, les chevaux , les boeufs , les chiens,
&c. Et on donne le nom d'ovipares aux
animaux femblables aux poules, oies ,
papillons, &c.
On ne connoît pas la nature des corps ;
mais on a lieu de croire qu’ils font tous
compofés de molécules indivifibles ; ôc
comme il y a des molécules ou des
particules de différens ordres , il doit
y avoir différentes fortes de corps.
Les métaux font formés du mélange
de diverfes fortes de corps, qui font le
felj le foufre & le mercure. Le fel &
le foufre ne font pas des corps fimples ,
mais ils font formés d’autres corps. Car
le foufre eft compofé d’un efprit acide ,
d’une matière combuftible, & d’une petite
quantité de métal.
Le fel, de même que le falpêtre, eft
fait d’une forte de fel volatil dans l’air,
& qui eft produit par les parties corrompues
des animaux & des plantes ,
par une efpèce de lefiive alkaline & par
la chaux. Le fel de mer eft compofé
d’eau, de fel & de terre. Le vitriol de
fer eft formé de fel volatil qui fe trouve
dans l’air, d’eau & de fer.
Les demi-métaux, comme l’antimoine,
le bifmuth, la marcaftite , &c. font aufïi
des mélanges de diverfes fortes qui n’ont
p ij