
 
        
         
		Cour  pour cela,  il  la  quitta  de  bonne  
 heure,  quoiqu’il  fut toujours fêté 6c accueilli  
 avec la  plus grande diftin&ion. 
 D élirant,  comme il le faifoit, le bonheur  
 des humains,  il  voyoit  avec  une  
 peine  extrême  que la  force  tînt lieu de  
 raifon,  & qu’un  homme  livré  à la plus  
 grande  diflîpation,  voulût juger de tout  
 lorfqu’il  étoit  en  place  :  c’eft  un  vice  
 dominant  dans  toutes  les  fociétés,  6c  
 qui  formera  toujours le plus grand obf-  
 tacle  aux  progrès  des connoiffances humaines. 
   Rendu  à lui-même ,  notre  Phi-  
 lofophe tâchoit  de  fe confoler de ce dé-  
 fordre dans les bras de  la Philofophie.  Il  
 cherchoit à connoître  les  caufes  des effets  
 de la  nature,  6c cette étude étoit  fa  
 plus  chère occupation. 
 Il voulut  expliquer  les faveurs  6c  les  
 odeurs ;  mais il ne  trouva  rien là-deffus  
 qui  le  fatisfît  pleinement,  6c  qui  mérite  
 d’être rapporté.  Il ne fut guères plus  
 heureux dans fon explication de la caufe  
 du  froid,  en  croyant  que  le  froid  n’eft  
 rien  de  pofitif,  6c que  ce  n’eft  que  la  
 privation  de  la  chaleur.  Mais  la  raifon  
 qu’il  donna  des  effets  des  couleurs  fut  
 plus  fatisfaifante.  Il  veut  que  les  couleurs  
 confident  dans  la modification  de  
 la  lumière ;  c’effà-dire ,  que la lumière  
 étant  différemment  modifiée  par  la fu-  
 perficie  des corps  fur lefquels elle  réfléchit  
 , produife  lur l’organe  de  la vue la  
 fenfation que nous nommons couleur. Le  
 blanc eft caufé par la fuperfide des corps  
 raboteux , parce  que  ces corps  ont une  
 infinité  de  petites  fuperficies  qui  font  
 l’effet de plusieurs petits miroirs. Au contraire  
 ,  le noir  eft produit par  des  corps  
 poreux qui abforbent les rayons de la lumière. 
 C’étoit  affez  la  méthode  de  B o y l e   
 de paffer d’un fujet à un autre,  lorfqu’il  
 avoit  quelque idée nouvelle fur quelque  
 matière que ce fut.  Ain fi,  quoiqu’il eût  
 déjà écrit fur l’a ir, il lui vint dans l’efprit  
 des conje&ures fur quelques qualités inconnues  
 de l’air.  Il  les mit  en ordre, 6c  
 çn forma un  Ouvrage qu’il  intitula Conjectures  
 fur  quelques  qualités  inconnues  de  
 Voir. Il  y  traite de  la falubrité  de  l’air, 
 6c  croit  que  cette falubrité  dépend  des  
 exhalaifons de la terre. 
 Il écrivit  aufli un  Traité de  Vorigine &  
 de la vertu  des pierres,  dans lequel il prétend  
 que  les  pierres  ont  d’abord  été  
 fluides ,  & qu’elles ont acquis la folidité  
 par  la  vertu  des  eaux  minérales.  Leur  
 tranfparence ,  leur  configuration,  leur  
 contexture  6c  leurs  couleurs  font  produites  
 par ces eaux qui y  ont entraîné des  
 particules métalliques  6c  minérales.  Ce  
 font ces particules qui rendent les pierres  
 plus ou moins pefantes, félon qu’elles y   
 font en plus grande ou en moindre quantité. 
   Cette opération néceffaire pour former  
 les pierres fe fait dans des efpèces de  
 menftrues.  Les  pierres  précieufes  font  
 l’ouvrage d’un efprit pétrifiant, qui mêlé  
 dans  une jufte  proportion avec  les eaux  
 imprégnées  de  la  terre,  les congèle  6c   
 les  durcit.  On  peut  attribuer  quelques-  
 unes de leurs vertus à ce  que lorfqu’clles  
 étoient  fluides,  la  fubftance  pétrifiante  
 étoit  mêlée  avec  quelque  folution  ou  
 teinture minérale,  ou avec quelqu’autre  
 liqueur  imprégnée  de  particules  minérales  
 &  métalliques. 
 Cette étude  fur  la  nature des  pierres  
 le  conduifit  à  celle  de  la  falure  de  la  
 mer. Il voulut connoître la caufe de cette  
 falure,  6c  découvrit  qu’elle  eft  l’effet  
 d’un fel qui y eft diffous, lequel eft fourni  
 non-feulement  par  des  rochers  qui font  
 au fond  de la mer ,  6c  qui  contiennent  
 des  maffes  de fel,  mais  encore  par  les  
 pluies 6c  les rivières  qui y portent le  fel  
 qui  eft en grande quantité  dans la terre.  
 H conclut  de-là  qu’il  étoit  facile de dépouiller  
 l’eau  de la mer  de  fon  fel en  la  
 diftillant;  mais  il  obferva  que  ce  n’eft  
 point  affez  pour  rendre  cette  eau  potable  
 ,  qu’elle  n’a  pas un fimple goût de  
 fel,  tel que celui de l’eau  de fource  acquiert  
 par  la diffolution  du  fel  gemme  
 ou de quelqu’autre fel terreft re pu r, mais  
 qu’elle  a encore un goût amer infuppor-  
 table  ,  lequel  vient  du  bitume  que  les  
 fontaines 6c les autres eaux portent dans  
 la  mer. C’eft  ce qu’il fait bien  voir dans  
 fon Difcours fur la falure de la Mer. 
 Toutes  ces  idées  de B o y l e   ne paroîtront  
 pas  peut-être affez piquantes à  
 ceux qui connoiffent  la  nouvelle  Physique  
 ; mais il faut obferver que cette Phy-  
 fique ne s’eft  élevée que  fur ces mêmes  
 idées ;  que  pour  parvenir  au  point  où  
 l’on  eft  aujourd’h u i,  il falloit  faire  ces  
 ébauches  qu’a faites  notre  Philofophe,  
 &   que  toutes  limples  qu’elles  nous  pa-  
 roiflent,  ne  pouvoient  être  que  l’ouvrage  
 d’un grand génie. On  ne doit donc  
 pas s’étonner fi parmi les productions de  
 ce favant  homme  il  y   en a qui méritent  
 aujourd’hui  peu  de confidération, quoiqu’elles  
 ayent  pu  être  néceffaires  dans  
 le  temps;  car il faut avoir égard  à l’état  
 des connoilfances  humaines  &  aux  cir-  
 conftances,  pour  apprécier  le  mérite  
 d’une production. 
 Par exemple, XEffaifur Us grands mou-  
 vemens  infenfibles de Bo y l e ,  contient  
 beaucoup de fubtilités fcholaftiques. C’eft  
 un  Ouvrage  du temps où l’on fe  payoit  
 plus  de  mots  que  de  chofes.  Les  meilleures  
 idées  qu’il  peut  y   avoir  dans  
 cet Ouvrage  ne  font pas même claires,  
 témoin  celle-ci.  Quelques corps  paffent  
 pour  avoir  leurs  parties dans  un  repos  
 abfolu,  quoiqu’elles  foicnt  dans un  état  
 de  contrainte,  comme  de  tenfion,  de  
 preffion,  &c.  On  ne  fait  pas  attention  
 à  ces mouvemens,  parce  qifà peine remarque 
 t-on  ces  mouvemens folides,  ou  
 tout  un corps en pouffe un  autre, tandis  
 qu’il y   a  quantité d’effets qui procèdent  
 des  mouvemens  intérieurs  produits par  
 un  agent  extérieur  dans  les  parties  du  
 même  corps. Ainfi  parle  Boyle. 
 On  doit porter  le même jugement  de  
 fa Dijfertation fur Us  caufes finales  natu-  
 relies,  dans  laquelle  il  examine  fi  les  
 caufes  peuvent  être  connues,  &   où  il  
 diftingue  autant  de  caufes  finales  que  
 d’effets  principaux :  ce qui  dégénère en  
 une difcufiion mirmtieufe & prefque fcho-  
 laftique. Son Traité des qualités cofmïques,  
 ou  qui  dépendent  de  Vaclion  des  autres  
 corps  qui compofent  le fylléme de Vunivers,  
 ne  vaut  pas  mieux.  Il  ne  contient  que  
 des conjectures  fort vagues fur quelques  
 caufes des effets  de la  nature. Par exemple, 
   quç  les  changement  çonfidérables 
 qui fe font dans les parties intérieures de  
 la  terre peuvent  produire  les  variations  
 de l'aiguille  aimantée. Enfin fon Examen  
 libre  de  la  notion  du  mot  nature,  eft  un  
 Ouvrage qu’il faut mettre au même rang.  
 L’Auteur diftingue  la  nature  en  univer-  
 felle  6c  en  particulière.  La  nature  uni-  
 verfelle  eft la nature réunie  des corps qui  
 compofent  l’univers dans  fon  état  pré-  
 fent, confidérée  comme un principe par  
 la vertu duquel les corps agiflènt ou font  
 agités  félon  les  loix  du  mouvement  ,  
 établies par le Créateur. Et la nature particulière  
 eft l’application de la nature uni-  
 verfelle  à l’exiftence d’un individu. 
 Et  voilà  comment  on  raifonnoit  fur  
 la  Phyfique  au  milieu  du dix-feptième  
 fiècle.  Il  faut  un  commencement  dans  
 toutes les recherches ,  comme le remarque  
 fort bien  l’Auteur des  Injlitutions de  
 Phyjîque ; 6c ce commencement doit prefque  
 toujours être  une tentative très-imparfaite  
 ,  6c fouvent fans fuccès. II en eft  
 des vérités  inconnues  comme des pays ,  
 dont on ne peut trouver  la  bonne route  
 qu’après  avoir  effayé  de  toutes  les  autres  
 : il faut néceffairement que quelques-  
 uns  rifquent  de s’égarer  pour trouver le  
 bon  chemin.  C’eft aufli ce  qu’a fait fou-  
 vent B o y l e   dans  fes écrits ;  de  forte  
 que  quoiqu’il  ait compofé  trente-quatre  
 Ouvrages  différens  fur  la  Phyfique,  il  
 n’y  a  que fes  découvertes  fur  la nature  
 de l’air 6c  fur l’hydroftatique  qui  foient  
 reftées.  C’eft beaucoup ;  car ces découvertes  
 font d’autant plus précieufes , q u elles  
 ont conduit à une infinité d’autres ,  
 lefquelles ont abfolument changé  la face  
 de  la Phyfique. 
 Bo y l e   avoit  voulu fuivre  les  vues  
 du Chancelier  Bacon ;  6c  comme le plan  
 de ce Savant  renfermoit toute la nature,  
 notre Philofophe  s’étoit exercé fur  tous  
 les  fujets.  La  variété  de  fes  recherches  
 eft  fans  doute très - furprenante ,  6c ç’a  
 été le fruit d’une vie  extrêmement  labo-  
 rieufe. Il avoit tant de vue & de projets,  
 qu’il  fourniffoit  de  l’occupation  à  tous  
 c:ux  qui  avoient  du  temps 6c  de l’aptitude  
 pour cultiver les  fciences , 6c il les  
 encourageoit 6c par fon exemple, 6c par