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qu’ en mettre dans du bon vin blanc autant
qu’il en faudra pour lui donner ta couleur
de la liqueur même, Si boire ce vin blanc
tous les matins à jeun, juftju’à ce qu’ayant
pénétré tout le corps, il lui ait donné une
nouvelle vigueur: ce qu’on fent 6c qu on
connoît par la perte des cheveux 8c des
dents, par les rides 8c la féchereffe de la
peau, qui fe defsèche peu à peu, 8i tombe
auîfi, de même que les cheveux Si les
dents.
Voilà fans doute une des plus grandes
découvertes qui fe foit faite en -Chymie.
Elle feroit capable de faire tourner la
tête aux adeptes, il elle étoit reelle. Para-
celse croyoit la chofè potïible; mais il
n’alTuroit point que cette reproduâion dût
immanquablement arriver, parce qu en
Chymie comme en Phyfique, on ne peut
être certain d’un effet que par l’expe-
rience. Les plus beaux raifonnemens s’é-
clipiènt, s’ils font démentis par l’expérience..
Notre Philofophe prétendoit que la
nature nous enfeigne par toutes fes operations
, qu’il faut entretenir la porofité
dans les corps vivans pour les faire vivre.
Àinfi fi par art on fait la même chofe, on
entretiendra & on reftaurera la fanté
des individus. Or cet artconfifte en l’u-
fage d’nn aliment qui aide la nature fans
la forcer. Cet aliment, ou pour mieux
dire cet agent, ne peut être que le fel
volatil fulfuré; car la nature s’en fert
toujours pour conduire tous les corps à
la perfeôion de leur prédeftination naturelle.
Il ne s’agiffoit donc que de découvrir
le fel fulfuré ; & voilà pourquoi
Paracelse imagina toutes fes opérations
, afin d’extraire les premiers êtres
des plantes dans lefquelles ce fel eft contenu.
Après ce raifonnement & la découverte
du fe l, il ne douta point qu’il ne
fut en fon pouvoir de prolonger la
vie des hommes.aufîi long-temps qu’il lé
voudroit. Mais jufqu’à quand devoit-il
la prolonger ? C’eft une queftion qu’il fe
fit à lui-même, & qui ne laiffa pas que de
l’embarraffer. Il auroit agi-plus fagement,
s’il eut commencé de s’afîurer de l’effet
E L S E:
de fon remède avant que de difpofer ainfî
dans fon cabinet de la durée de la vie des
hommes. Il y a loin de la poftrbilité d’une
chofe à la réalité de la chofe ; &: dans une
affaire aufli importante que celle-ci, le
Pyrrhonifme étoit encore pardonnable
après l’expérience. Or c’eft précifément
l’expérience que Paracelse oublia de
faire. Il n’en compofa pas moins un Ouvrage
fur le renouvellement & la reftaura-
tion des hommes, qu’il intitula De reno-
vatione & reflauratione , d’après lequel
les partifans de ce difciple ont voulu
vérifier fes promeffes & fès affermons
touchant l’excellence de fa découverte.
L’un d’eux prit à jeun du vin blanc
coloré par le premier être de la mélifle
pendant quinze jours, & dès les premiers
jours les ongles des pieds^ & des mains
commencèrent à fe féparer de la peau
fans aucune douleur, & continuèrent à
fe détacher jufqu’à ce qu’ils tombèrent.
C ’étoit un bon commencement ; mais
bien loin d’être engagé par là à continuer
l’ufage de cette liqueur , il fut effrayé au
contraire de ce fuccè-s. Quoiqu’il délirât
d’en voir tout l’effet, il n’eut point le
courage d’en faire l’effai fur lui-même.
Il en donna à une^ vieille fer vante qui
avoit près defoixante-dixans, & elle en
prit xomme une liqueur étrangère pendant
dix à douze jours. Au bout de ce
temps-là fon flux menftruel revint avec
la même qualité & la même abondance
que fi elle n’avoit en que quinze ans. La
bonne femme qui ne favoit point à quoi
attribuer une chofe fi extraordinaire,
s’imagina qu’elle alloit mourir. Son maître
voulut la raffurer ; mais fa peur étoit
fi grande & fon imagination fi frappée,
qu’il y auroit eu de l’imprudence de pouffer
l’expérience plus loin. Dès - lors il
renonça à faire de nouvelles tentatives
furdeshommes.il jugea avec raifon qu’il
n’y avoit rien à craindre en l’éprouvant
fur les animaux.
Il choifit une vieille poule, à laquelle il
donna du reftaurant pendant quelques
femaines. V ers le fixième jour les plumes
de la poule tombèrent peu à peu, & elle
fe trouva nue ; mais avant le quinzième
jour
P A R A
jour il lui vint de nouvelles plumes plus
belles Sc mieux colorées que les autres.
Sa crête fe redreffa, & elle pondit des
oeufs plds qu’à l’ordinaire.
Voilà ce que nous apprend fur la vertu
du premier être des plantes, un ami (e )
du partifan de Paracelse. Il ne nous dit
pas combien vécut la poule : omiflion très-
grave , qui rend fufpeét tout le refte de fa
narration. Et après cela on peut bien regarder
comme fabuleux le conte du rajeu-
niffement de fon ami, & de celui de fa
fervante.
Cet ami auroit bien mieux fait d’éprouver
l’effet du premier être des plantes
pour la guérifon des maladies ; car
Paracelse prétend qu’en mettant cette
liqueur dans les remèdes ordinaires,
elle procure efficacement la guérifon des
maux auxquels les remèdes conviennent.
Par exemple, fi la liqueur eft tirée d’une
liante thorachique , il faut la mêler dans
es juleps & dans les potions qu’on donne
aux perfonnes qui font attaquées de la
poitrine. Si elle eft le premier être d’une
plante diurétique , on doit l’employer
avec les remèdes convenables pour les
obftru&ions de la rate & du foie. Si elle
eft céphalique, ftomachique, hiftérique,
elle fera utile pour les foibleffes d’efto-
mac, contre toutes les fièvres, contre
les venins , &c.
Notre Philofophe tiroit 'auffi le premier
être des animaux, des pierres pré-
cieufes, des foufres , des bitumes, Sc
croyoit que chacun de ces êtres devoit
faire des miracles. Ses promeffes étoient
fàftueufes, & fon imagination exaltée par
fes fuccès, lui rendoit tout poffible. Il
croyoit que les femences exiftoient depuis
l’origine du monde , qu’elles étoient
répandues dans l’Univers ; & il s’étoit
fait là-deffus un fyftême, par lequel il ne
doutoit point qu’il ne pût produire des
hommes , fans le concours des deux
fexes.
Dans cette vue il fit un grand nombre
d’expériences fur les animaux, fur les
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minéraux & fur les végétaux ; mais il
cacha toujours les découvertes qu’il avoit
faites par leur moyen. En général il étoit
for/: myftérieux , & avoit la manie de
vouloir paffer pour magicien, c’eft-à-dire
pour un homme qui avoit des lumières
infiniment fupérieures à celles des autres
hpmmes. Les écrits qu’il a biffés font
tachés de ce ridicule. Auffi fourmillent-
ils d’abfurdités qui déparent beaucoup les
bonnes chofes qu’on y trouve. II y attaque
le chaud , le froid , le fec & l ’humide i
qu’on regardoit comme les premières
qualités; & il traite la Philofophie d'A-
riflote de fondement de bois. Il eft le premier
qui ait ofé blâmer ouvertement cette
Philofophie. Il fondent que la force de
la nature n’eft pas dans le corps mortel 6c corruptible, mais qu’elle eft dans cette
femence qui eft cachée dans le corps; caj*
la vertu que peut avoir le corps vient de
cet efprit féminal qu’il contient en foi. En
effet, lorfquele corps fe corrompt, l’ef-
prit féminal s’en forge un nouveau , ou
même plufieurs corps nouveaux par les
débris du premier.
Il écrivoit toutes ces chofes, qui prenant
de la confiftance fous fa plume, deve-
noient de véritables ouvrages. C’eft ainfî
qu’il compofa deux cent trente Traités,
qui font tous imparfaits, parce que dans
tout ce qu’il écrivoit, il craignoit toujours
d’en trop dire. Il penfoit que le fage ne doit
jamais ouvrir le fond de fes penfées; & il
difoit qu’il étoit toujours effrayé du malheureux
fort d’un certain Jafon, Médecin 6c Chymifte , qui faifant connoître trop
ouvertement fes travaux & fes vues
périt à caufe de cela avec fes enfans,
par fes livres, & fon palais, par les mains
ou les intrigues de fa femme.
Aufti dans un Ouvrage qu’il a intitulé
Archidoxa Medicintz, lequel contient les
principales maximes de cet a r t, il s’exprime
ainfi : Pavois réfolu de donner les
dix Livres de /’Archidoxa , mais ÿen ai
riferve le dixième dans ma tête : défi un tri-
for que les hommes ne font pas dignes de
(«) Leftvre dans Ton Court do Chymie, j>ag. 340 & fui vantes,
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