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Il fe propofoit de le revoir avec foin,
8c de le mettre de nouveau fous prefle ;
mais une maladie qu’il eut l’empêcha
d’exécuter fon projet. Il mourut de cette
maladie le 15 Septembre 1715 , âgé d’environ
foixante-quinze ans, 6c fut enterré
le 3 Oûobre dans la Chapelle de la Char-
treufe, dont il étoit Maître.
Il légua fon bien 6c fes manufcrits à fon
frère George Burnet, qui publia après fa
mort le Traité dont je viens de faire
l’analyfe , avec les corrections 6c les
changemens de l’Auteur. Il mit aufli au
jour un autre Ouvrage qu’on trouva parmi
fes manufcrits, 6c qui étoit intitule : De
fide & ojftciis Chriftianorum. C ’eft: un Traité
purement théologique. Il a ete traduit en
François en 1729, ÔC publie fous ce titre :
Traité de la foi & des devoirs des Chrétiens,
traduit du Latin de M. B u b .N E T , Docteur
en Théologie, & Maître de la Çhartreufe de
Londres. Par M. D. de S, L.
Un Miniftre de l’Eglife Anglicane,
nommé Jean Bion, a donné aufliune traduction
du Traité de Vétat des morts &
des rejjufcitans. C’efl le titre de cette traduction
qui a paru en 1 7 3 1 ,6c d’où j’ai
tiré les paroles de notre Philofophe, que
j’ai tranfcrites ci-détins (g ) . Cette traduction
eft précédée d’une Préface qui
contient l’apologie de l’Ouvrage.*Lorf-
que le Livre parut en Latin, il fut lu
en Angleterre avec une avidité extrême.
C ’étoit le fujet des conventions de?
Théologiens 6c des Philofophes, qui dér
généroient fouvent en difputes vives Sc
pleines d’amertume. On y blâmoit plusieurs
points de la doCtrine de notre
Auteur. En traduifant le Livre où cette
doCtrine eft expofée, Bion étoit engagé
.à la juftifier. C’eft auffi ce qu’il fait dans
fa Préface. Il y a de la chaleur dans fa
défenfé, 6c quelques libertés qui déparent
fes bonnes intentions. Telle eft en-
tr’autres cette apoftrophe aux adverfai-
res de notre Philofophe. » Il (Burnet )
» a fini fa carrière, ce (avant homme, dit-
» il; ÔC fi vous, dont la hardiefie çorjfifte
» d arracher la barbe à un lion mort, lion
» que vous n’auriez jamais ofé envifager
» lorfqu’il rugifloit ; f i , dis-je , vous lui
»aviez fait de vifs reproches (fur fon
» orthodoxie ) quand il étoit en état de
» ref ouffer les traits que vous lancez au-
» jourd’hui contre lui, voici la réponfe
» qu’il vous auroit faite : Audendum eft
» ut illuftrata veritas pateat, multique ab
» errore Liberentur.
Au refte, Burnet a paffé pour un des
plus illuftres Ecrivains 6c des plus favans
hommes de fon fiècle.
Syflême cofmologique de B u r n e t .
Avant la création ou la formation du
monde, la matière exiftoit au milieu
de fefpace. Dans elle étoient confondus
les élémens 6c les principes de toutes
chofes; c’eft ce qu’on appelle le chaos.
Dieu en tira les matériaux de l’Univers,
6c fit un Ciel 6c une Terre. Cette Terre
fut d’abord une malle informe, compofée
de corps différens pour le fond 6c pour
la forme. Les plus pefans defcendirent
vers le centre ; les eaux fe raffemblèrent
autour d’eux ; 6c l’air, 6C tous les liquides
6c fluides plus légers que l’eau , les fur-
montèrent. Il réliilta de là une- mafle
fphérique ( ou prefque fphérique ) divifée
. en trois parties,; premièrement les corps
folides, enfuite l’eau, 6c au - defius de
l ’çau, l’air.
Çet air étoit mêlé de beaucoup de
parties hétérogènes. Elles y étoient fou-
tenues par le mouvement qu’avoit reçu
la terre lorfqu’elle avoit été tirée du
chaos.
Lorfqu’elle fut en repos, ces matières
tombèrent dans l’eau, 6c l’air devint pur,
Elles formèrent fur la terre un limon
gras, qui, devint un terrein excellent où
les premiers germes fe développèrent
aifément. Sa furface étoit égale , uniforme
, fans mers, fans montagnes 6c fans
inégalités. La même fai fon duroit toute
l’année. La nature pleine de fa première
{ / ) V o / e a la pa-c i z i .
vigu eur|
B U R
vigueur, trouvoit en elle-même de quoi
fe réparer 6c fe renouveller. Les hommes
paffoient de la jeuneffe à un âge avancé
fans prefque s’en appercevoir ; 6c comme
ils ne fouffroient point de l’intemperie
des faifons, leur fanté 6c même leur
force fe confervoient jufqu’à une extrême
vieilieffe.
La, chaleur du foleil gâta infenfible-
ment ce bel ouvrage. Elle deffécha peu à
peu le globe de la terre. La terre fe fendit,
6c ces fentes devinrent tous les jours plus
grandes 6c plus profondes. Elle s’entr’ou-
vrit enfin, 6c un bouleverfement total en
changea la contexture. Tous les corps
folides tombèrent avec fracas dans les cavernes
intérieures, en déplaçant l’eau qui
y étoit renfermée. Cela arriva feizefiècles
après la création du monde.
Les malles de terre s’accumulèrent fi
irrégulièrement par cette chute, qu’elles
laifsèrent entr’elles de grandes cavités ;
l’eau les remplit, 6c voilà les mers. Les
monceaux de pierres 6c les corps folides
de toutes les efpèces , fe trouvèrent dif-
perfés çà 6c là avec confufion, 6c formèrent
fur la terre des montagnes, des vallées
, des plaines, des précipices 6C des
inégalités de toutes les fortes. Tel eft l’état
a&uel de là terre. Fraclus orbis collapfus
eft 9 & nos habitamus ipjîus ruinas.
Un défordre ne peut point être permanent.
Le feu qui brûle les entrailles de la
terre, 6c les ardeurs du foleil qui en def-
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sèchent continuellement la furface, doivent
à la fin deffécher les fleuves 6c les
rivières. Les pluies feront rares un jour;
les fleuves 8c les fontaines ne couleront
plus ; 6c le feu central n’étant plus contenu
par les eaux qui circulent dans des canaux
fouterrains, s’exhalera. Il en fortira
des flammes qui embraferont les forêts 6c
les plantes. Les foufres 6c les bitumes s’enflammeront
; 6c l’eau même de la mer qui
eft imprégnée d’huile, étant violemment
échauffée par cet incendie général, rendra
l’embrafement plus grand 6c plus terrible.
Cette cataftrophe fera fortir la terre
de fon équilibre ; 6c par ce changement
toutes fes parties feront expofées à la
même a&ion du foleil. Son atmofphère
deviendra fi brûlant, que toute fa furface
fera une zone torride.
Tout ce qui fera fondu 8c liquéfié tombera
au centre de ce globe enflammé ; &
les corps qui feront devenus volatils, quî
fe feront exhalés en vapeurs, furnageront
au-deffus. La terre fera donc divifée en
deux parties; en une compare 8c fofide,
6c en une légère 6c volatile. Cette dernière
partie qui flottera dans Fefpace, formera
au bout de quelque temps de nouveaux
Cieux ÔC une nouvelle Terre, qui fera
aufli belle que celle-ci l’étoit dans fon origine
, avant le déluge. Et fans doute ce
fera la même révolution dans la fuite de9
temps, jufqu’à la confommation des fié-
clés.