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dans la bouteille que de l’eau bien claire,
6c un fédiment verd qui en tapiffoit le
fond. Mais à mefure que le foleil échauffa
la bouteille, la végétation s’éleva comme
le jour précédent, 6c dura tant que le
foleil l’éclaira ; après quoi les filets retombèrent
peu à peu au fond de la bouteille.
Ce jeu continua pendant tout l’été.
Le refie de l’année les branchages ne
parurent point, 6c le limon s’affaifFa entièrement
; mais notre Philofophe ayant
approché la bouteille du feu pendantl’hi-
v e r, la végétation reparut comme en été.
Il renouvella plufieurs fois cette expérience
, jufqn’à ce qu'un jour ayant trop
approché la bouteille du feu, il fe forma
une écume fur l’eau , 6c tous les filets fe
précipitèrent au fond du vafe, 6c n.e
s’élevèrent plus.
Cependant Homberg n’avoit point
à Paris tous les fecours qui lui étoient
néceffaires pour fes expériences 6c fes
opérations chymiques ; car aucune fcien-
çe n’exige plus de dépenfe que la Chy-
mie. il faut être riche pour la cultiver,
6c la fortune de notre Philofophe étoit
très-bornée. Heureufement M. le Duc
d ’Orléans, depuis Régent du Royaume,
qui comme on fait I avoit beaucoup de
goût pour les fciences les plus épineu-
îe s, voulut apprendre la Chymie. Per-
fonne n’étoit affurément plus en état de
lui rendre cet office que le Chymifte qui
nous occupe. Anfïi fut-il mandé au Palais
du Prince ; 6c l’Abbé Dubois , fi connu
fous le nom du Cardinal Dubois, l’ayant
préfenté à Son Alteffe Royale , elle le
prit auprès d’elle en qualité de fon Chyr
m ille, 6c lui donna une penfion 6c un
laboratoire le mieux fourni 6c le plus
fuperbe , dit M. de Fontenelle, que la
Chymie ait jamais eu. M. le Due d’Gr-
léahs mit dans ce laboratoire une nouvelle
efpèce de fourneau , qui fit grand
plaifir à Ho m b e r g ; ce fut le grand
miroir ardent de M. Tsohirnaus, que Son
Alteffe Royale fit yenir d’Allemagne,
ÔC dont on difoit des merveilles.
Notre Philofophe n’eut rien de plus
.c.g?ur (jne de voir les effets de ce m iroir.
Il expofa de l’or fin proche de fou
foyer, 6c il fuma d’abord, fe vitrifia en-
fuite , &C fauta en petits grains. Placé à
une moindre diftance , l’or s’évapora ,
s’en alla en fumée. Et mis au point précis
du foyer, il pétilla, 6c jetfa à fept
ou huit pouces de diflance de petites
gouttes , qui obfervées avec un bon
microfcope, parurent des boules d’or ,
dont la quantité fit une véritable poudre
d’or.
D e ces expériences notre Chymifle
conclud, que quoique l’or ne diminue
point dans le feu, il ne fe convertit pas
moins en un verre léger. Il reélifia par
là l’idée des Chymifles fur la fixité ou
la dureté de l’or.
Il fondit avec le miroir ardent toutes
fortes de métaux ; mit en diffolution le
foufre, la poix, 6c toutes les efpèces de
réfines ; vitrifia les tuiles, les ardoifes,
les pierres ponces , &c. 6c finit par
une expérience très-curieufe. Il expofa
féparément au foyer de ce miroir des
cailloux 6c du marbre , 6c ils fe calcinèrent.
Il les mit en poudre , les mêla
enfemble, 6c ils fe fondirent.
Homberg étoit au comble de fa joie.
Il avoit à fouhait tout ce qu’il pouvoit dé*
firer. On ne le laifloit manquer de rien,
6c le Prince venoit encore animer par
fa préfence fon zèle 6c fes ’travaux.
Anfïi jaloux de répondre à fes bontés ,
que de la perfeâion de la Chym ie,
notre Philofophe redoubla d’ardeur , 6c
fit une belle découverte.
Une erreur étoit reçue parmi lesChyV
milles pour une vérité : c’efl que le borax
efl une çompofition artificielle. Homberg
voulut découvrir cette compofi-
tio n , & fit en vain pour cela plufieurs
opérations. Mais ayant re&ifié fes idées ou
plutôt celles des Chymifles fur la nature
du borax , il changea de batterie , 6c reconnut
enfin qu’il efl un fel foffile naturel
comme le vitriol & l’alun. Il diflilla ce
fel avec vitriol ; il eu tira un autre
fe l, auquèl il donna le nom de fe l nar->
cotique de vitriol ou de fe l fêdatif, parce
qu’il croyoit qu’il avoit une vertu calmante
antipafmodique 6c mêipe narcotique
,
H O M B E R G . '6$
lïq u e , quoiqu’on ne l’ait employé juf-
qu’ici que dans les maladies convulfives.
Au refie ce fel fe diffoud dans l’efprit de
v in , & donne une belle couleur verte
à fa flamme.
En travaillant fur le borax 9 il découvrit
que ce fel étant fondu , paffe
au travers des pores du fer , comme
l’eau au travers du papier gris. Il voulut
faire la même expérience fur l’argent,
& il ne réufiit point. Mais ayant fait
une çompofition d’argent fin réduit en
chaux par le fel commun , 6c mis en
poudre avec deux parties de fublimé cor-
rofif & d’antimoine crud, 6c diflillés
dans une cornue de verre, il eut la matière
propre au fuccès de fon expérience.
Il fit fondre cette matière fur une
lame d’argent de l’épaiffeur d’une demi-
ligne ; elle paffa au travers fans y faire
de trous ; elle teignit feulement l’argent
de part 6c d’autre en couleur de
plomb ( /) .
Toutes ces merveilles s’opéroientfous
les yeux de M. le Duc d'Orléans, qui ne
les voyoit point avec indifférence. Jufle
appréciateur du vrai mérite , il voulut
récompenfer celui de fon Chymifle. Ce
Prince le nomma fon premier Médecin ;
c’étoit en 1704. Dans le même temps l’E-
leéleur Palatin lui fit offrir d’une manière
très - preffante des avantages plus confi-
dérables encore que ceux qu’il- pouvoit
efpérer en France. Mais ce fut de la part
de l’Eleéteur une tentative inutile. Homberg
étoit trop attaché à M. le Duc
d ’Orléans, 6c trop fenfible à la faveur
dont il venoit de l’honorer, pour délibérer
feulement fur le parti qu’il y avoit
à prendre. D ’ailleurs il avoit un autre
motif de ne pas fortïr de P aris, quand
celui que je viens de d ire , n’auroit pas
été fuffifant.
II y avoit long-temps qu’il étoit épris
des charmes d’une jolie perfonne, qui lui
faifoit quelquefois oublier fes creulets &
fes fourneaux , quelque attrait qu’ils
euffent pour lui. C’étoit Mademoifelle
Dodart , fille du célèbre M. Dodart 9
Médecin du Roi. Quoiqu’il eut eu juf-
ques-là beaucoup d’éloignement pour le
mariage , il ne put réfifter au penchant
qu’il avoit de vivre avec elle. Il l’époufa
en 1708 ; mais il ne jouit pas long-temps
des douceurs de cette union. Quelques
années après fon mariage , il fut attaqué
d’une petite ctyfFenterie , qui fe guérif-
foit 6c revenoit de temps en temps. Le
mal devint cependant toujours plus dangereux
, & il fuccomba le 24 Septembre
1715 , âgé de 63 ans.
H o m b e r g étoit très-laborieux. II
avoit les moeurs douces 6c foeiables.
Quoique d’une foible complexion, il ai-
moit. le plaifir , 6c devenoit par là un
homme de bonne compagnie. Il croyoit,
comme Horace , que pour donner plus
d’aôivité à l’efprit 6c plus de force au
corps, .il efl bon de s’oublier quelquefois
: Dulce efl dejïpere in loco ; 6c il
mettoit volontiers ce précepte en pratique.
Il n’a jamais publié de corps d’ouvrage.
Il vouloit compofer des Ejfais ou Elè-
mens de Chymie, 6c les découvertes dont
j’ai r0ndu compte dans fon hifloire, dévoient
fervir de matériaux; mais elles,
n’ont paru que dans les Recueils de l’Académie
des Sciences, fous le titre de
Mémoires.
ÇO II y a d’autres matières qui fe font paffage au le perce, & paffe au travers. Un morceau de fubli-
•Éravers du me'tal, mais avec violence. Un morceau mé corrofif mis fur une plaque d’argent rougi au
4 e foufre .commun mis fur une plaque de fer rouge, feu , y fait un trou avec bruit, & paflc au travers.
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