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V I E T E . *
Ap r è s la mort de Copernic, Rhèticus
fon Difciple ne fe contenta pas d’adopter
hautement fon fyftême : il le pro-
pofa encore à tout l’Univers , comme
une vérité démontrée. Aux preuves de
fon Maître, il en ajouta plufieurs autres
très - folides. I l fit plus. Enflammé d’un
zèle fans bornes, 8c pour les progrès de
l’Aflronomie, & pour la gloire de Copernic,
il ofa foutenir qu'Ariflote même
fe feroît rendu à fes preuves , & qu’il
auroit abjuré fon fentiment de l’immobilité
de la Terre. Il croyoit par Rengager
plus efficacement les Savans à admettre
le nouveau fyftême : il fe trompa;
On ne déracine pas ainfi d’anciens préjugés.
C ’eft l’ouvrage du temps plus que
celui de la raifon. Audi les Scholaftiques
qui aimoient mieux Arijîote que la vérité,
furent indignés de cette propofïtion.
Us trouvèrent le parallèle très-injurieux à
cet oracle aétuel de la Philofophie, 8c traitèrent
avec un égal mépris , & Copernic, 8c fon fyftême, 8c fon partifan. Cette
hauteur intimida le petit nombre de Mathématiciens
qui étoit en état de fentir
les avantages de ce fyftême. On oublia
prelque Copernic 8c PAftronomie, & on
ne fongea qu’à cultiver les autres parties
des Mathématiques.
A peine avoit-on formé cette réfolu-
tion, qu’il parut dans le monde un génie
du premier ordre, lequel enrichit la fcien-
ce du Calcul 8c la Géométrie des plus belles
découvertes. C’eft François V i e t e ,
néàFontenai en Poitou, vers l’an 15*40.
Je dis vers l’an 15*40, car on ignore
l ’année de fa naiftance. On ne connoît
point encore ni fes parens , ni l’éducation
qu’il en reçut. On fait feulement qu’il
fut Maître des Requêtes : ce qui fuppofe
que fa famille tçnoit un rang diftingué
dans l'Etat. V i e t e s’appliqua de bonne
heure aux Sciences ; 8c comme il
avoit une grande aptitude pour la méditation
, les Mathématiques le fixèrent.
Il y fit des progrès rapides. Il excella
particulièrement en Algèbre. J’ai déjà
dit que c’eft une forte d’Arithmétiquê
qu’on rend univerfelle , en fe fervant
de caraftères* généraux qui expriment
tous les nombres 8c les quantités poflî-
bles, & par le moyen de laquelle on
réfout tous les problèmes où il y a
autant de quantités connues que <le
quantités inconnues, en cherchant l’égalité
de leurs rapports. On forme donc
pour la folution de chaque problème autant
d’équations qu’on a de quantités inconnues.
Cette folution eft plus ou moins
aifée, fuivant que ces quantités font en
plus grand nombre, ou qu’elles font ou
Amples, ou carrées, ou cubes ; c’eft-à-dire,
pour parler le langage des Géomètres,
qu’elles font élevées à la fécondé ou troi-
lîéme puiftance. Les équations font du
premier degré, lorfque l’inconnue n’efl:
élevée à aucune puiffance. Quand l’inconnue
eft élevée à la fécondé ou troi-
fiéme puiftance , elles font du fécond ou
trôifiéme degré.
Cette Arithmétique , je veux dire de
l’Algèbre, fut,-comme on l ’a vu ci-de-
devant, découverte vers la fin du quatrième
fiècle. Depuis ce temps jufqu’en
I 5* 6 O , cette invention fut inconnue
aux Européens. Des Moines de l’Ordre
de S. François en apportèrent alors les
règles de l’Orient. Tartalea , Cardan,
Stifel, Scipio-Ferreus 8c Raphaël Bombelli ,
Géomètres habiles , travaillèrent à développer
ces règles, 8c à les approfondir.
Ils trouvèrent qu’on avoit réfolu des
équations' du fécond degré. Us voulurent
pouffer les chofes.pl us loin , en donnant
la folution des problèmes qui formoient
* Hîjleire Univerfelle de M, de Th eu, Liv. CXXIX. £t fes Ouvrages.
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