G A L I L É E . *
TOUS les Savans du monde apprirent
avec douleur la mort de Tycho-
Brahé; mais celui qui dût y être plusfen-
lible, ce fut le Philofophe dont je vais
écrire l’hiftoire. Perfonne n’étoit mieux
en état que lui de connoître la perte
qu’on venoit de faire. Il avoit vu avec
admiration toutes les découvertes de
Tycho - Brahé, 6c il defîroit ardemment
lui communiquer celles qu’il étoit fur la
voie de faire. C ’eût été une grande fa-
tisfaébion pour le Mathématicien de Dan-
nemarck; car Galilée fit des progrès
étonnans dans l’Aftronomie, 6c mérita
également des autres parties des Mathématiques.
Ce grand homme naquit à Pife ( ou à
Florence) le 19 Février 1 , de Vincenfio
Galilei , & de Julie Ammanati,
d’une ancienne & noble famille de Pif-
toie. Vincent Galilei étoit un Gentilhomme
de Florence, fort riche & illustre
par des ouvrages très-eftimés qu’il
avoit compofés fur la Mufique. Il donna
à fon fils une éducation relative à fa naif-
fance, à fbn goût ÔC à fes facultés. Il lui
fit d’abord faire fes études de fort bonne
heure, & voulut enfuite qu’il s’attachât
à la Médecine : mais le jeune Galilée
ayant connu les Mathématiques au C ollège
, fut fi épris des beautés de cette
fcience, qu’il négligea tout pour s’y appliquer.
Il commença par étudier les élé-
mens d’Euclide; & quoiqu’il n’eût ni guide
ni maître, il entendit ces élémens, 6c
lut avec le même fuccès les livres de Mathématiques
les plus eftimés. Ses progrès
furent proportionnés à la force de
fon génie : ils lui acquirent une réputation
fi brillante dans toute l’Italie, qu’on
le nomma en i j8 p Profefleur de Mathématiques
à Pife. Ce ne fut point aux
voeux des Scholaftiques. G alilée étoit
connu d’eux pour un ennemi de la doéli ine
d'Ariftote, contre laquelle il avoit foutenu
des Thèfes. Mais leur mécontentement
éclata, lorfqu’ils virent que le nouveau
ProfdTeur attaquoit hautement prefque
tous les points de cette dottrine. Un
axiome fur-tout leur étoit cher : c’eft que
les vîtefles des corps dans leur chute
font en même raifon que leur pefanteur.
Quel chagrin de voir que Galilée re-
jettoit cet axiome, & foutenoit que ces
vîtefles font en raifon de leur volume 6c
non de leur poids ! Cela leur parut extrêmement
ridicule. Notre Philofophe les
laifla dire, 6c invita fans humeur tous le»
Profeflèurs à être témoins d’une expérience
fort fîmple. Il laifla tomber du
haut du dôme de l’Eglile de Pife, des
corps de pefanteur très-inégale, 6c il fit
remarquer qu’il n’y avoit jfrefque pas de
différence dans le temps de leur chute.
Un concours prodigieux de Speélateurs
reconnut cette vérité de fait. Les vieux
Profeflèurs en furent fort humiliés. Ils
ne fe crurent cependant pas battus : ils
fe défendirent avec de très - mauvaifes
rai fon s. G alilée les prefla, & imagina
une nouvelle expérience, qui ne laifla
aucun fubterfuge. Il fit deux pendules
avec deux poids, dont l’un étoit dix fois
plus pefant que l’autre; 6c en les mettant
en mouvement, on vit que leurs vibrations
étoient à peu près dans le même
temps. Or ces vibrations du plus grand
auroient dû être dix fois plus promptes
que celles du petit, fi fa vîtefle eût été
en raifon de fon poids. De- là il conclut
que dans le vuide, les corps les plus inégaux
en poids, comme l’or 6c la plumç»
* Vita di Galileo > del fgaor Viviant. Life o f Galileo
i l Galilei , hy Thomas Salisbury , E f j, t l Mercurio Hijlo-
ri$ dt Csrrtnti Tempi, T. I I , L. III. Mftyoiccs Uu P.
Niceron,Tom. Di&ionnairc hiftorique 8c critique
de M. Chauffepitd, arte Galilei. Ses Lettres 8c fet
Ouvrages.
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