apres lavoir remuee plulieurs fois ôc
l’avoir laiflee quelques heures en di-
geftion, il la porta dans un lieu obfcur,
où elle parut lumineufe pendant plu-
fieurs mois, quoique bouchée (ƒ).
Ces fuccès lui firent tant de plailir,
qu’il voulut faire d’autres recherches fur
les phofphores. A l’exemple de Kunckel>
il en avoit tiré un de l’urine, qui eft une
fécrétiondu làng, ou un excrément. Mais
fi cet excrément produit un phofphore,
pourquoi la matière fécale n’en donne-
roit-elle pas un ? Cette réflexion le frappa.
Il eft vrai que le travail n’étoit point attrayant.
Mais que ne furmonte-t-on pas
quand on a la paflion de s’inftruire ? Le
dégoût le plus grand ne fauroit balancer
le plaiiiF de faire une découverte.
Aufli Homberg fuivit fon idée fans répugnance;
ÔC par un long travail Ôc beaucoup
d’application , il trouva un beau
phofphore, en fàifant les opérations fui-
vantes.
Il prit quatre onces dé matière fécale
humaine fraîchement rendue; la mêla
avec autant d’alun de roche ; mit ce mélange
dans un poêlon, qu’il laifla fur un
feu modéré jufqu’à ce que la matière fût
parfaitement sèche. Lorfque cette matière
fut refroidie , il la broya, ÔC trouva une
once ôc demie de poudre. Ce fut là la
première opération.
Il crut après cela qu’il ne s’àgifloit plus
que de la calciner. A cette fin if jetta deux
gros de cette poudre dans un matras ou
phiole à long c o l, placé dans un creufet
fur du fable. Il fit d’abord un petit feu
pendant un quart d’heure; l ’augmenta
enfuite un peu pendant une demi-heure;
ôc enfin donna un très-grand feu qui fit
rougir la matière. Il retira alors le matras,
& laifîa refroidir cette matière, qui fut un
véritable phofphore. Elle fe trouva réduite
en une poudre de couleur jaunâtre ,
ôc exhalant une odeur fulfureufe.
Cette poudre étant expofée à l’air fur
du papier, elle y prend feu d’elle-même,
& communique fa flamme au papier en
fe confumant avec lui (g).
Des vues nouvelles qu’il eut fur la
Phyfique , firent diverfion à fes travaux
chymiques. Comme il cherchoit à con-
noître les fecrets de la Nature, il ne né-
gligeoit rien de ce qui pouvoit les lui
dévoiler. La machine pneumatique 8 Otto
de Guzricke lui parut d’une grande utilité
pour cela ; mais il ne la trouvoit pàs aufli
parfaite qu’elle devoit l’être. Il en imagina
une autre, qui n’a pourtant pas fait oublier
ni la machine d’Otto de Guericke, ni
celle de BoyU, qui eft plus parfaite. Il
conftruifit aufli des microfeopes très-
fimples, très-commodes ôc très-exa&s,
qui ne font guères plus connus que fa
machine pneumatique; mais il découvrit
une bonne compofition pour garantir les
ouvrages de fer de la rouille (/z).
Il n’eft guères poflîble qu’un homme
excelle'entout, quelque génie qu’il puifle
avoir, parce qu’on ne devient parfaitement
habile que dans les fciences qui flattent le
plus notre goût. La Chymie, étoit celle
qu’HoMBERG affe&ionnoit particulièrement,
ôc à laquelle fon inclination le
(ƒ) On fait une expérience prefque femblable à
celle-ci avec le phofphore de M. Lyonnet, qui eft
compofé de miel & d'alun de roche , qu’on forme
en grains, torfqu’on expofe c.es grains à l’air fur un
morceau de papier ou de toile, ils s’enflamment &
brûlent le papier ou la toile. Si on en met plulieurs
enfemble, on voit une petite flamme qui glifle def-
fus après'que le feu y a pris. Enfin quand on en met
quelques-uns écrafés dans une bouteille, dans
laquelle on verfe de l’eflence de canelle ou de géro-
fie , & qu’on laiffe le tout en digeftipn dans’ du fu-
jnier pendant deux jours, la liqueur devient lumineufe
; de manière qu’étant débouchée , elle paroît
toute en feu dans les ténèbres. C.e phofphore eft
très-connu & fort commun.
(r ) C’eft ici le même effet que produit le phofpho-
ï£ de M- Lyonnet, dont j ’ai parlé dans la note préeçv
dente ; & i l eft certain que ce phofphore eft ab fo -
lumcnt femblable à celui d’HoMBERG. Au refte , la
matière fécale n'eft pas feulement utile pour faire un
phofphore ; on s'en ferr encore avec fuccès en Médecine.
Lorfqu’ on la diftille , il en fort d’abord une
eau de mauvaife odeur j mais fi après avoir retiré
cette eau on continue la d ift illa tio n , il en vient une
qui a une odeur affez agréable ; & cette eau eft
fuiv ie d'une huile ja u n e , enfuite d’une huile rouge ,
brune ou noire , dont on retire du fel vo latil &c
beaucoup, de fel fixe alkali. C ’ eft encore ici une
expérience ou une opération de notre Philofophe.
( /> ) C ’ eft une cfpèce d- onguent fait avec de la
graille de porc & du camphre fondus enfemble , &
mêlés avec, du crayon en p o u d r e , pour, donner au
mélange une couleur de fer. Ou çhaijffc lp fe r , oti
le frotte avc.c çet onguent.
ramenoîttoujours. Aufli avoit-il d’autres
projets en tête fur cette fcience , Ôc il
penfoit à les exécuter, lorfqu’il apprit
que les Savans fe raflembloient à Paris,
ôc qu’on.tâchoit d’imiter M. Colbert en les
accueillant. Il ne balança pas fur le parti
qu’il devoit prendre, ou de demeurer à
Rome, ou de retourner à Paris. Il con-
noiflbit tous les avantages qu’on trouve
dans cette dernière Ville, & il y portoit
tant de connoiflances, qu’il étoit fûr d’y
être bien reçu.
C’étoit environ en 1690 qu’il y arriva.
On fongeoit alors à renouveller l’Académie
des Sciences , qui étoit tombée dans
la langueur. L’émulation étoit fi ralentie,
que les Académiciens ne pouvoient fou-
vent fournir de quoi occuper les deux
heures de féances preferites par les régle-
mens de cette Compagnie. Mais M. Bignon
qui en avoit la direction, y ayant fait entrer
notre Philofophe , on eut une reflource
allurée. Il donna d’abord tout ce qu’il
avoit, ôc fe mit en état de ne jamais aller
à l’Académie les mains vuides.
Lemery y avoit fait voir un miracle de
Chymie, qui furprenoit agréablement
tout le monde. C’étoit une végétation
métallique , qu’on appelloit Arbre philo-
fophique (z). Cette végétation fe faifoit
lentement, ÔC cela diminuoit le plailir du
fpeâacle.
H o m b e r g travailla à abréger ce
temps , ôc il y parvint. Au lieu de quarante
joursqu’il falloitattendre pour voir
l’arbre philofophique de Lemery, il le fit
paroître en moins d’un quart d’heure. Il
prit pour cela quatre onces d’argent fin
en limaille, qu’il amalgama à froid avec
deux gros de mercure. Il fit enfuite diflou-
dre cet amalgame ( L) dans quatre onces
d’eau forte ; verfa cette diflolution dans
trois demi-feptiers d’eau commune ; battit
le tout un peu , ôc le verfa dans une
phiole qu’il boucha avec foin. Ce fut là
la matière de'fon arbre philofophique,
auquel il donna l’être , quand ^ iugea
à propos, par cette fimple opération.
Il mit une once de cette compofition
dans une phiole ; y ajouta gros comme
un pois d’amalgame d’or ou d’argent,
maniable comme du beurre, ôc laifla la
phiole en repos pendant deux ou trois
minutes. On vit alors fortir de la petite
boule d’amalgame de petits filamens, qui
s’augmentèrent à vue d’oeil; jettèrent des
branches de côté ôc d’autre, ôc prirenfi
la forme d’un petit arbrifleau.
Ce petit arbrifleau eft line image de
ceux que la nature forme au bord de la
mer, par le moyen de certaines criftallifa-
tions. Ce font les tiges de quelques plantes
defléchées ÔC fans feuilles qui ont été
arrofées plulieurs fois de l’eau de la
mer. L’eau s’évapore, ôc y laifle le fel
qui fe criftallife defliis en couvrant toute
la plante. H o m b e r g favoit cela, ôc c’en
fut allez pour faire un eflai fur une vé~
gétation naturelle.
Dans un temps d’orage accompagné
de pluie ôc de tonnerre , il remplit une
bouteille de verre d’environ trois pintes
d’eau de cette pluie , qui avoit coulé
defliis un vieux toit de tuile. Il expofa
cette bouteille légèrement bouchée fur
une fenêtre lituée au midi, ou elle relia
pendant près de trois mois fans être'
remuée.
Au bout de ce temps, ayant jette par
hafard les yeux fur cette bouteille ( c’étoit
un jour de Juillet qu’il faifoit très--
chaud) il vit qu’elle étoit remplie d’une
efpèce de végétation d’une très - belle
couleur verte, dont une partie paroifloit
tenir au fond de la bouteille, Ôc le relie
étoit fufpendu comme des filets dans
l ’eau. L ’extrémité fupérieure de chaque
filet étoit garnie d’un grain ou d’une petite
boule qui paroifloit blanche dans
l’eau ôc brillante comme de l ’argent,
ôc qui repréfentoit un fruit fur le fom*
met de la plante.
Le lendemain voulant faire voir cette
végétation à quelqu’un , il ne trouva
(*) Voyez l’hiftoire de Lemery ; dans ce volume. de mercure avec une matière métallique. Ainlî utï
{ k j Le Lcftciir fait qu’un Amalgame elt un alliage amalgame d’or eft un alliage d’or avec du mercure.