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chez lui la tranquillité & l’abondance. II
fe fervit de l’une & de l’autre pour être
utile au Public. Il compofa deux Ouvrages
confidérables, qu’il publia en 1697,
l’un fous le titre de Pharmacopée univer-
felle , & l’autre fous celui de Traité uni-
verfel des drogues Jîmples. Le premier eft
un recueil de toutes les compofitions de
remèdes qu’on connoiffoit alors; & le
Traité des drogues {impies eft un autre
recueil 011 toutes les matières minérales,
végétales & animales qui entrent dans les
remèdes reçus , font rangées par ordre ,
alphabétique.
En 1699 5 l’Académie des Sciences
ayant été renouvellée, notre Philofophe
y fut reçu. Il paya fon tribut à cette Compagnie
en lui donnant des mémoires' curieux
fur la fcience qu’il cultivoit. Il lui
fit part entr’autres d’une obfervation bien
fingulière : c’eft qu’un Alchimifte étoit
tellement accoutumé à l’ufage du mercure,
qu’il mangeoit du fublimé doux
comme du pain : il en prenoit de temps
en temps quatre onces pour fe purger
doucement, & fe purifier le fang.
On appelle fublimé doux du mercure,
un fublimé corrofif auquel on a incorporé
par de nouvelles fublimations autant de
mercure coulant qu’il en faut pour faouler
cxa&ement l’acide furabondant qui lui
étoit uni. Cette obfervation lui donna
occafion de travailler fur le mercure, &
ce travail lui procura une découverte :
ce fut de faire du fublimé corrofif fans
vitriol, qu’il dépofa dans les Mémoires
de l’Académie de 1709.
Le fublimé corrofif eft une mafle blanche
criftalline, compofée de mercure
uni à une quantité furabondante d’acide
marin. Ou autrement c’eft un fel mercuriel
dans lequel le mercure eft uni à la
plus grande quantité d’acide marin avec
laquelle il puifle fe combiner. On avoit
toujours fait ce fublimé (c ) en faifant
difloudre du mercure dans de l’acide vie
n y.
triolique concentré. Mais notre Chymifte
trouva ou découvrit qu’en mêlant exactement
dans un mortier de marbre une
partie de mercure avec une partie de fel
décrépité (d ) & bien pulvérifé, & en
mettant ce mélange dans un matras ex-
pofé à un feu de charbon allez violent,
on faifoit un fublimé corrofif qui avoit le
poids du mercure qu’on avoit employé.
Lemery préfenta encore à l’Académie
un Ouvrage fur l’antimoine, dont il avoit
entretenu la 'Compagnie dans plufieurs
féances, ôc qu’il fit imprimer en 1707.
C’eft une analyfe exafte de ce minéral.
L’Auteur le confidère par rapport à la
Phyfique & à la Médecine. Il nous apprend
qu’en le calcinant, foit aux rayons
du foleil réunis par un miroir ardent, ou
au feu de réverbère, il augmente de
poids; qu’il fe vitrifie ; qu’il contient un
fel acide & un foufre qui le rendent vo-^
mitif ; que fa déco&ion eft fudorifî-
q u e , &c.
Après l’impreflion de ce L ivre, il commença
à fe reflentir des infirmités de
l’âge. Il eut quelques attaques d’apoplexie
, dont la dernière qui dura fix jours ,
le mit au tombeau. Il mourut le 19 Juin
ï 715 , âgé de foixante-dix ans. *
Lemery étoit très-laborieux; il n’ai-
moit que la chambre de fes malades, fon
cabinet & fon laboratoire. Il étoit fimple
dans fes moeurs, bon ami & bon patriote.
Ce font de belles qualités qui embellilfent
bien les talens & le favoir,
Analyfe de la Chymie de Lem er y ,
La Chymie eft l’art de féparer les différentes
fubftances qui forment un mixte«
On entend par mixtes, les chofes qui
croiflent naturellement , favoir les minéraux,
les végétaux & les animaux.
Sous le nom de minéraux, on comprend
les fept métaux, les demi-métaux, les
pierres 6c les terres. Sous celui de vêgt~
(e ) On appelle ce fel fublimé, parce que dans l’operation
il s’eft élevé au haut du matras; & corrofif t
jar.ce qu’il 3 la vertu de ronger de corroder,
(d ) Le fel eft dit déçrépité t lorfque fes parties on*,
été féparées par une chaleur brufque accompagnée
de pétillement,
taux
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faux font renfermés les plantes , les
gomm es, les réfines, les fruits ; les fortes
de fungus, les femences , les fucs, les
fleurs, les moufles, & toutes les chofes
qui en viennent, comme les huiles, les
baumes, les différentes fortes de fucs liquides
St concrets, les féls effentiels, &c.
Enfin le terme animaux eft. le nom qu’on
donne à tous les êtres qui font animés St
organifés. •
T o ut ce qui fe trouve pétrifié dans la
terre ou' deffus la terre, eft minéral ( e ).
La pétrification fe fait des eaux farines
ou falées, qui fe rencontrent dans les
pores de la terré. Cette pétrification eft
différente-félon les. diverfes difpofitions
ou fuivant la qualité des terres, St félon
le temps que la nature a employé à la
former.
L’accroiffement des minéraux fe fait
par l’accumulation de différentes couches
d’eaux congelées, qui s’aglutinent enfem-
ble. Le métal eft la partie la plus liée, la
mieux' digérée 8t la plus cuite des miné*
raux. La fermentation néceffaire à cette
chiffon, 8t qui agit comme le feu, écarté
dans la produétion du métal les parties
terreftres St groffières. Les métaux les
plus durs, les plus compares 8t les plus
pefans , font ceux dans la compofition
defquels la fermentation a le plus féparé
de parties groflières St hétérogènes.
Les métaux prennent fouvent dans
leur minière là figure de grands arbres
qui répandent leurs rameaux de tous côtés;
Audi plufieurs Naturaliftes croyent qu’ils
fe nourriffent comme les plantes St les
animaux, par des fucs qui coulent 81 circulent
dans des petits canaux qu’ils appellent
veines des métaux. C’eft priè_
e rreu r, car dans ces canaux la matieré
métallique y coule avant que d’être
coagulée.
Les métaux diffèrent des autres mine-
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raux en ce qu’ils font malléables, 8t que
les minéraux ne le font pas. On compte
fept métaux ; favoir, l’o r , l’argent, l’étain
, le cuivre , le plomb, le fe r, 8t le
mercure ou vif-argent. Ce dernier n ’eft
pas malléable ; mais comme on prétend
qu’il eft la femence des autres métaux ,
on l’a mis dans leur rang.
. L V eft le roi dés métaux : il eft le! plus
parfait, le plus pefant St le plus duâile.
On purifie ce métal, c’eft-à-dire on en
fépare l'es autres métaux qu’il contient,
en le faifant rougir dans un creufet, St
enyjettantquatre fois autant d’antimoine
qu’il y a d’or dans le creufet. Ce minéral
ramaffe toutes les parties hétérogènes
à ce métal, qui relie au fond du creufet
en maffe.
On l’amalgame en le mêlant avec du
mercure, après qu’il a été battu en petites
lames très-minces, 8t on le réduit en
pondre , en mettant cet amalgame dans
un creufet qn’on place fur un petit feu.
Le mercure s’évapore, St laiffe l’or en
poudre impalpable au fond du creiifet’.
Les Chymiftes appellent cette poudre
chaux d’or, 8c lès Doreurs or moulu. ■’
Lorfqu’on met de l’or en limaille dans
une phiole ou matras, qu’on verfe dans
cette phiole de l’eau régale pour le diffou-
d re , 8i qu’on jette fur celte diffolution
mife dans un verre, de l’efprit volatil de
fel ammoniac, il fe fait une effervefeence
avec chaleur, & on voit l’or fe précipiter
âu fond du verre en poudre jâune. Si
après avoir lavé cette poudre avec dé
l’eau tiède, on la fait fécher fur un papier
à une chaleur très-lente, la poudre s’envole
avec grand bruit ( ƒ ).
Vargent tient le fécond rang entre les
métaux. On le purifie par la coupelle. Pour
faire cette opération, on fait chauffe® dans
un vaiffeaü de terre évafé, qu’on appelle
coupelle , de la cendre d’os ou de cornes ,
( e) M. Baron, de l’Académie des Sciences de Paris,
qui a donne' la dernière édition du Cours de Chymie
de Lemery , n?approuve pas cette définition. Il veut
fiu’on definifle les minéraux des corps inanimés & fans
vie i mais ce n’ eft point là définir un minéral. On
pourroit dire la même chofe d’un cadavre , qui eft
Vin corps inanimé & (ans vie , mais qui n’ eft point
un minéral.
( ƒ) On fait une poudre fulminante fans or. Il n’y
a qu’ à mêler trois parties de nitre , deux parties de
fel de tajtre, & une partie de foufre dans une cuiller,
& faire chauffer cette cuiller fur le feu ; la poudre
fulmine alors, en s’envolant avec autant de bruit
qu’ un coup de canon.
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