*viij D I S C O
obfcures & imparfaites , au lieu
de la clarté qui réfulte des dé-
monftrations vraiment géométriques.
L e moyen le plus efficace de
mettre la vérité dans tout fon
jour, & d’éviter toutes les difpu-
te s , fe réduit donc à déduire la
Géométrie' nouvelle des principes
les plus évidens, & à n’y employer
que les démonftrations les plus ri-
goureufes à la manière des anciens
Géomètres. C’eft-là ce qu’a fait
Maclaurm dans un Ouvrage admirable
par la profondeur du rai-
fonnement, qui a paru fous le titre
de Traite des Fluxions. Il évite avec
foin les quantités infiniment petites
, & fubftitue à ces mots celui
de fluxions , qui fignifie couler,
iluer ; c’eft-à-dire, qu’à l’exemple de
Newton, il confidère les quantités
comme formées par l’écoulement
ou le mouvement d’un point, & il
fait voir de quelle manière on doit
comparer les vîtelfes qui produifent
ces quantités comparées les unes
aux autres. Il rejette donc tous les
principes, toutes les hypothèfes qui
donnent lieu de confidérer d’autres
quantités que celles que l’on
conçoit àifément avoir une exif-
tance réelle. Il ne prend aucune
partie de l ’efpace & du temps comme
infiniment petite , mais il regarde
le point comme l’extrémité
d’une ligne, & le moment comme
l ’extrémité ou la limite du temps.
C ’eft ainlî que Maclaurm a fou-
U RS mis les calculs différentiel & intégral
à la Géométrie la plus rigou-
reufe, & qu’il a écarté toutes les
difputes ou les conteftations fur
la certitude de ces calculs. Ce
grand Mathématicien étoit né à
Kilmoddan , au mois de Février
i 6 p 8 , d’une ancienne & noble
Famille d’Angleterre.Son goût pour
les Mathématiques fe manifefta de
fi bonne heure, qu’à l’âge de douze
ans , ayant trouvé par hafard
les Elémens d’Euclide dans la chambré
d’un de fes amis, il en comprit
parfaitement & en peu de jours
les fix premiers Livres, fans aucun
fecours. Une fi belle difpofi-
tion le mit bientôt en poffeflion
des problèmes les plus difficiles,
Il en trouva la folution avec allez
de facilité , & il n’avoit encore
que feize ans lorfqu’il découvrit
des principes d’une Geometrie organique
, c’elt-à-dire , d’une Géométrie
qui a pour objet la defcrip-
tion des courbes par un mouvement
Continu. Il a publié auffi
un Traité d’Algèbre fort eftimé, &
une Expofition des découvertes phi-
lofophiques du Chevalier Newton ,
qui n’eft pas fon meilleur Ouvrage.
Il eit mort le 14. Juin âgé
de 48 ans & quatre mois.
Voilà les Mathématiciens qui
méritoient d’être cités particulièrement
dans cette Hijloire des Mathématiciens
modernes. Il en eft fans
doute d’autres dignes d’éloges,quoiqu’ils
n’aient pas un mérite auffi
P R E L I M I N A I R E . XIX éminent que ceux que je viens de
nommer; mais je dois ne faire con-
noître ici que les plus célèbres après
ceux dont j’ai écrit l’hiftoire dans
ce volume. Il me doit fuffire de
citer ces Mathématiciens, afin de
ne rien omettre d’effentiel, s’il eft
polfible, dans cet Ouvrage.
Ces Mathématiciens font Clavius ,
dont j’ai parlé dans l’Hiftoire de
d e te ; Riccioli & Grimaldi , deux
Religieux qui ont favamment écrit
fur l’Altronomie & fur la Mécha-
nique ; Defchalles , Auteur d’un
Monde Mathématique,v (c’eft le titre
d’un Traité confidérable fur les
Mathématiques ; ) le P. Pardies, le
P. Hofte, qui ont écrit fur la Géométrie
, fur laMéchanique &fur la
Navigation ; Rolle, Lagni, Ozanam,
à qui on doit des découvertes allez
confidérables fur l’Algèbre , &c.
Rolle fe fit connoître d’une manière
firigulière. Ozanam avoit pro-
pofé a tous les Géomètres de la
Terre ce problème à réfoudre :
Trouver quatre nombres tels que
la différence de deux quelconques
foit un quarré , & que la fomme
de deux quelconques des trois premiers
foit encore un quarré, de manière
que le moindre de ces nombres
n’ait pas plus de cinquante
chiffres. Ozanam croyoit par cette
condition avoit rendu la folution
du problème d’une difficulté extrême
; mais Rolle réfolut le problème
d’une manière qui laiffa bien
loin la condition , car les nom-;
bres qu’il trouva n’étoient com-
pofés que de fept chiffres. Il fit
plus : il donna encore le moyen
d’avoir dix millions de fois mille ‘
milliards de réfolutions, dans lef-
quelles le plus grand nombre n’au-
roit pas cinquante chiffres. On ne
pouvoit traiter ce problème avec
plus de mépris, & donner une plus
haute idée de fa capacité. Ozanam
en fut fort humilié. C ’étoit,
comme tout le monde fait, un Mathématicien
habile , qui a beaucoup
contribué à répandre le goût
des Mathématiques, & à les faire
aimer. On connoît allez fon Cours
de Mathématiques, & fes Récréations
Mathématiques. Les Géomètres font
fur-tout un cas particulier de fon
Traité d’Algèbre. Il compofoit avec
une facilité extrême. Il réfolvoit
même des problèmes allez difficiles
dans les rues, & quelquefois en
dormant. Il fe faifôit alors apporter
promptement à fon réveil de
quoi les écrire ; car la mémoire ,
félon M. de Eontenelle, ne dorni-
noit point en lui. Il avoit le coeur
droit, & étoit dune grande fim-
plicité. Il fe laiffoit aller aux ufa-
ges établis. Point d’opinion particulière
dans la conduite de la v ie ,
point d’entêtement. Sur la Religion
il avoit, comme on dit, la foi du
Charbonnier, & il penfoit que le
feul foin que le Mathématicien eût
à prendre fur cette matière, c’étoit
d . iler en Paradis en ligne perpendiculaire.
fi ij