X V ) D I S C O U R S
Ufant l’analyfe que j’ai faite des
travaux de ces Cofmologiftes. O n
a bien voulu tenter encore de nouveaux
efforts , mais ce n’a été que
des efforts , comme on le verra
par l’expofition que je vais en
faire.
L ’illuftre Leibnitz donna en
[i 68 3 dans les a Êtes de Léipfiek ,
u n fyftême du monde. Prefque tous
les Philofophes croyoient que la .
terre devoit finir par le feu, & fui-
vant Leibnitz, c’eft par le feu quelle
a commencé. L a plus grande partie
de la matière terreftre a été embra-
fée par un feu violent. L a terre ôt
les planètes étaient autrefois des
étoiles fixes, c’eft-à-dire lumineufes
par elles-mêmes. Après avoir brûlé
long-tem ps, elles fe font éteintes
p arle défaut de matières combufti-
b les, & font devenues des corps
opaques. L e feu a produit par la
fonte des matières une croûte vitrifiée
mer a couvert toute la terre; & la
grande quantité de fels fixes, de
fables & d’autres matières fondues
6c calcinées qu’on trouve dans les
entrailles de la terre, prouvent l’em-
brafement total de ce globe.
M. Scheuehzer attribue comme
IPwdward la fécondé formation du
globe de la terre au déluge universel.
Il dit qu’après le déluge, Dieu
fit rentrer les eaux dans les réfer-
voirs fouterrains, 6c éleva fur la
furface de la terre un grand nombre
de lits horifontaux : ce qui forma
les montagnes. D ieu agit toujours
dans ce fyftême, ôt va chercher des
pierres ou des fables fuivant la con-
fiftance ôc la folidité qu’il veut donner
; de forte que la maffe intérieure
de la terre eft de verre , dont les
•fables ne font que des fragmens.
L es autres efpèces de terre fe font
formées du mélange de ce fable
avec des fels fixes 6c de l’eau. Les
vapeurs de cette eau étant tombées
quand la furface du globe terreftre
, ou pour mieux dire fa croûte
fut refroidie , elles formèrent les
m ers, qui enveloppèrent d’abord
toute la furface de ce globe, & fur-
montèrent les endroits les plus
élevés. Les coquilles ôt les autres
débris de la mer prouvent que. la
aux montagnes.
UntroifièmeCofmologifte, nommé
Stenon, attribue les inégalités de
la furface de la terre à des inondations
particulières, à des tremble-
mens de terre , à des fecouffes, à
des ébranlemens, ôcc.Et un Phyfi-
cien (M . Ray) a prétendu prouver
que toutes les montagnes ont été
produites par des tremblemens de
terre.
Ce fentiment eft bien oppofé à
celui du favant M . Bourguet, qui eft
mort en travaillant à une théorie
de la terre. Selon lu i, la terre a pris
fa forme dans le même temps. Ce
globe a été fluide, ôc s’eft peu à peu
eonfolidé ; ôc lorfqu’il a eu la forme
que nous lui voyons , le feu s’y eft
mis. Ce feu le confume, ôc va toujours
en augmentant ; de forte qu’il
le détruira un jour avec une explo-
fion terrible, qui fera accompagnée
d’un incendie général {d). .
Enfin le dernier fyftême cofmo-
logique eft de M. Moralec, Gom-
miflaire d’Artillerie. Il prétend que
la terre a été créée parfaitement
homogène ; mais que l'action du
foleil durant fes révolutions annuelles
, pendant feize ou dix-fept
fiècles, avoit d’abord modifié l’arrangement
de fes parties. D e ces
différens arrangemens s’étoient formés
les pierres, les m arbres, les
métaux, ôcc. Tous ces corps cependant
acquéroient peu à peu leur
dureté effentielle, lorfque le déluge
vint interrompre le travail de la nature.
Les eaux qui coulèrent avec
impétuofité fur la furface du globe
terreftre , firent gonfler tout d’un
coup la mer & les rivières; il fe fit
en divers endroits des torrens fi
prodigieux, que félon la détermination
de leur cours, ils creusèrent
inégalement la furface de la terre..
Ici ils firent des ravines fi profondes,
qu’on les a nommées abymes. Là
les eaux coulant avec un peu moins
d’impétuofité, les torrens formèrent
des valiées en élevant des montagnes.
E t tout cela s’opéra par le mêm
e méchanifme que nous remarquons
tous les jours dans nos rivières,
ôc qui produit fous nos yeux
de petites m ontagnes, de petits
x vi j
précipices, de petites vallées, ôcc.
Les eaux du déluge bouleversèrent
donc tous les corps , ôc les
trânfportèrent en différens endroits.
L es plus durs furent concaffés , ôc
dâverfement arrangés , ou entaffés
les uns fur les autres, félon les différens
mouvemens que leur imprima
le cours impétueux des eaux.
L es moins durs furent prefque dif-
fous ; ôc ce fut dans le fein de cette
matière à demi-fondue, que fe trouvèrent
engagés quantité de coquillages
ôc de corps marins , formés
pendant le féjour des eaux fur la
furface du globe.
Ces corps ayant recouvré leur
ancienne dureté par le repos de
différens fels , qui tiennent leurs
parties comme enchaînées les unes
aux autres, ôc s’étant même augmentés
jufqu’à former de prodi»
gieufes maffes pendant plus de quar
tre mille ans qui fe font écoulés depuis
le déluge, on ne doit pas être
étonné fi on trouve tous les jours
des coquillages enfevelis dans les
terres ôc les pierres, où ils ont con-
fervé les mêmes figures, les mêmes
couleurs, ôc les mêmes ornemens
qu’ils avoient auparavant (e).
Voilà le dernier effort qu’on a fait
pour perfectionner la Cofmologie :
on ne peut pas dire qu’il foit heureux.
E t il faut convenir que cette fcience
eft encore bien jeune: elle n’eft font
m1 j 3£ e ) Mémoires de Trévoux, mois de Janvier P P
( d ) M . d c B u f f b n a fort bien apprécié tous ces
fyftêmes dans ÏHiftoire Naturelle x Tome I.