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fophie. Son oncle qui le deffinoit à remplir.
les premières dignités de l’Etat, voulut
qu’il étudiât en Droit. Il l’envoya a
Lei pfick, où les Profeffeurs de cette fcience
étoient très - habiles. Le neveu ne goûta
point ce projet. Il rte voùloit apprendre
que l’Aftronomie. Il obéit pourtant à
fon oncle ; mais il ne donna à l’étude de
Droit qu’une application fort légère. I l
réfervoit toutes les forces de fon efprit
pour fa fcience favorite. Cela ne paroif-
foit point ; car fon Préceptèur qui l’ob-
fervoit de près , aurait bientôt rompu fes
mefures. Il fallut autant de fineffe & de
rufes afin de cacher fa paflïon à fon fur-
veillant, que s’il eût été quellion de quelque
chofe très - blâmable. De l’argent
qu’on lui donnoit pour fes menus plai-
firs, il achetoit des livres d’Aftronomie,
& les lifoit en cachette. Dans la recherche
de ces livres, il fut allez heureux pour
trouver un globe célefle. I l en eut une
joie inexprimable. L ’envie de connoitre
les conftellations par le moyen de ce
nlobe, ne lui permit pas de fermer Poeil.
.Lorfque fon Précepteur dormoit, il fe
levoit pour contempler les aftres , &pour
comparer les conftellations du Ciel avec'
celles qui étoient peintes fur fon gl obe.Les
connoilfances qu’il acquit ainfi, le mirent
en état de reconnoître de l’ir.exaélitude
dans les Tables afironomiques, fur l’annonce
de la conjonélion de SatuPne &
de Jupiter. I! comprit par là que la théorie
des Planètes, telle qu’ori l’a voit alors,
étoit défe&ueufe, & il forma le projet de
la reft.fier. Aux fecours qu’il s’étoit procuré
. fe joignirent ceux que lui fournit
u n autre amateur de l'Agronomie, nommé
iiarthelm.i Scultet : ce furent quelques
jnftrumens. Il en aurait tiré de grands
avantages i s’il eût été moins gêné ; mais 51 falloir toujours, s’obferver & prendre
garde de n’ètre pas vu.
Cette contrainte dura trois ans. Son
oncle mourut alors., & notre jeune Phi-
! itophe devint ainfi maître de fés volontés.
ï l retourna dans fa patrie pour
mettre ordre à fes affaires ( c’etoit en
3 yéy ) ; & comme fes parens le blâmoient
de fon application à l’Aftronojnie, qu’ils
regardoient indigne d’un homme de fort
état, il quitta fon pays, afin de fe délivrer
de leurs importunités, & fe rendit
à Wittembergau mois d’Avril i y66. Il
y fit peu de féjour. La pelle r dont cette
Ville fut affligée dans ce temps-là, l’obligea
d’en fortir. Il alla à Roffoch*
A peine y étoit-il arrivé, qu’il lqi arriva
une aventure auffi fâcheufe que fingulièré.
Parmi les connoiffances qu’il fit dans cette
V ille , il fe lia avec un homme qui devoit
fe marier.. Celui-ci l’invita à fa noce.
T ycho-Brahé, en galant homme , répondit
à cette invitation en s’égayant avec
les autres convives. Il eut dans cette fete
un petit différend avec un Gentilhomme
mais la querelle s’appaifa, & on la croyoit
terminée, lorfque notre Philofophe s’étant
rencontré dans un jeu avec fon adverfaire,,
ils fe prirent de paroles. La difpute fut
vive. Il étoit queffion de Mathématiques
, & c’étoit une Ample difpute trémulation
ou de fupériorité. Cependant
elle fe termina comme une affaire d’honneur
, c’eft à- dire, en fe coupant la gorge.
Le rendez-vous fut donne à fept heures
du foir. On étoit au mois de Décembre
, & la nuit étoit très-obfcure. Les
deux champions fe battirent vigoureufe-
ment, & T y c h o - B r a h é perdit le.
nez à la bataille«, On a écrit qu’il s’eu
fit un avec de l’argent, de l’or & de la
cire, & qu’il étoit fi bien fait & fi bien
ajufté, que tout le monde le croyoit naturel.
Cela peut être, mais on ne conçoit
pas comment l’or & l’argent pou-
vo^ent imiter la chair. Ces deux métaux
étoient apparemment caches.
Quoi qu’il en foit, il fe cônfola de cet
accident, en reprenant la fuite dê (es travaux
afironomiques. Il obfervaune éclipfe
de Soleil ce 'qui lui fit d’autant plus de
plaifir, qu’il la regarda eommela première
obfervation fur laquelle il pût compter.
Après deux ans de féjour a Roftoch^»
il alla à Aufbourg. U y trouva deux Sénateurs
qui étoient Aftronomes. L un fe
nommoit Jean-Baptïfie Hain^el, & l’autre
Paul Hain^el. U réunit fes travaux avec
les leurs, afin de connoître une fcience
qui fàifoit leurs délices. P aul Hairvçd fe
chargea
chargea de faire conftruire à fes frais un
grand quart de cercle ; & T y c h o -
B r a h é travailla avec les ouvriers
d’Aufbourg pour faire de nouveaux inf-
trumens plus parfaits que ceux dont on
fe fervoit alors.
Ces occupations étoient fort agréables
à notre Philofophe : mais il n’avoit point
à Aufbourg tous les fecours qu’il defiroit.
I l crut les trouver dans fa patrie, & il
y retourna en i y 7 i . Ses parens l’accueillirent
afTez bien; & fon oncle maternel
( Stenon Billée ) qui aimoit les
fciences, fe fit un mérite de féconder fes
vues pour la perfeétion de l’Aftronomie.
I l lui fournit tout ce qu’il demandoit,
& lui donna dans une de fes terres un
vafte appartement, & un endroit commode
pour obferver. C ’étoit au Château
de Herritzvad, proche Knudftorp. T Y-
CHO - B rahé forma d’abord un obfer-
vatoire de cet endroit, & établit dans fon
appartement un laboratoire de Chymie.
Il avoit pris du goût pour cette fcience
à Aufbourg. I l n’en croyoit pas l’étude
incompatible avec celle de l’Aftronomie.
On prétend qu’il cherchoit la
pierre philofophale , & on croit que
cette recherche avoit un peu ralenti fes
travaux aftronomiques.Un jour que notre
Philofophe fortoit de fon cabinet pour
aller à fon laboratoire , il apperçut un
nouvel aftre. Il craignit d’abord de fe
faire illufïon; mais ayant redoublé d’attention,
il reconnut qu’il ne fe trompoit
point. C ’étoit en effet une étoile nouvelle.
I l courut à fon obfervatoire , & mefura
la diftance de cette étoile à plufieurs autres.
Il l’ob fer va depuis le commencement
de Novembre 1^72 qu’elle parût, juf-
qu’à fon entière difparition qui arriva au
mois de Mars iy74- Tout glorieux de
cette découverte', il 11’attendit pas le
terme de cette difparition pour l’annoncer
au Public. Il la publia à la fin de
l’année i y 7 3 , dans un ouvrage intitulé î
Contemplationovoejlelloein Jineanni 15*72,
primum confpectoe.
Ces fuccès flattèrent beaucoup Stenon
Billée fon oncle, & le réconcilièrent avec
(es parens, que fon attachement à TAffronomie
avoit auparavant indifpofés. C ’étoit
de leur part & de celle de T ycho-
B rahé des proteftations continuelles d’amitié.
Ils goûtoieht réciproquement les
douceurs de ce fentiment, lorfque l’amour
vint troubler cette union. Une jeune pay-
fanne de Knudftorp,nommétChriJline,fort
jolie, plut à notre Philofophe. Quoiqu’ab-
forbé dans l’étude, il fut ému de fes charmes,
& ne put lui refufer fon coeur. C’ étoit
la première inclination qu’il formoit,
& il étoit dans cet âge où il eft difficile
de réfifter aux impreffions qu’on éprouve
à la vue d’un objet aimable. T ycho
céda fans peine à ce penchant. Il étoit
trop occupé pour perdre fon temps à faire
fa cour à fa belle. Il falloit abréger le
cérémonial, & il n’y avoit pas de moyen
plus expéditif que de l’époufer. C ’eft auffi
le parti qu’il prit. Ce mariage ne plut
pas à fes parens qui étoient fort hauts.
Ils jetterent feu & flammes ; & comme
ils n’étoient pas amoureux de Chrifiine,
ils ne virent que du deshonneur dans cette
alliance. C’eft à quoi n’avoit pas penfé
notre Philofophe. Il s’étoit marié pour
lu i, & il trouva fort mauvais que fes
parens euffent voulu qu’il fe fût marié
pour eux. Mais ceux-ci lui témoignèrent
une fi grande indignation , que le Roi
de Dannemarck crut devoir interpofer fon
autorité pour mettre des bornes à cette
animofité. Ce fut ici une circonftance
avantageufe pour les progrès des Mathématiques.
Ce Prince eut occafion de connoître
par-là perfonnellement ce grand
homme. Il l’eftimoit déjà ; mais cette
connoifïance accrut beaucoup fon eftime.
I l voulut même que le Public profitât de
fes lumières, & lui ordonna de donner
des leçons d’Aftronomie fous fes aufpices.
T y c h o - B rahé penfa alors férieu-
fement à réunir toutes les vues qu’il avoit
fur la perfeétion de l’Aftronomie.
D ’abord il fongea à fe pourvoir d’inf-
trumens les plus grands & les plus folîdes
qu’on pourroit conftruire, & le Roi par
fes libéralités lui en procura les moyens.
Il entreprit enfuite de faire un nouveau
catalogue des étoiles ; car il n’eftimoit pas
qu’on pût compter fur les catalogues qu’on