aimable. Nous ne faurions changer
notre naturel. Malgré l’artifice des
hommes faux , iniques & pervers,
c’eft une chofe certaine que l’ame
n’aime rien tant que la vérité. Que
délire-t-elle plus fortement, demande
Saint Augufiin ? Quid fortins
defiderat anima auam veritatem ?
Les Mathématiques doivent donc
faire les délices d’un être raifon-
nable.
Cependant il faut convenir ( car
on doit être vrai dans un Difcours
fur une fcience qui eft la vérité
même ) il faut convenir, dis - j e ,
qu’on trouve par-tout dans le monde
des efpritsfaux, qui n’ont ni dif-
cernement de la vérité, ni aucun
goût pour elle ; qui prennent toutes
les chofes de travers; quifepayent
des plus mauvaifes raifons, & qui
veulent en payer les autres; qui fe
déterminent fur les moindres apparences
; ôc qui n’ont point de ferres ,
pour fe tenir fermes dans les vérités
qu’ils favent prefque plutôt par
le hafard ou la crainte qui les y attache,
que par une véritable lumière
(a).
Aufli n’y a-t-il point d’abfurdités
fi ridicules qui ne trouvent des approbateurs.
Quiconque veut piper
le monde, dit Montagne, peut être
affiné de trouver des perfonnes qui
feront bien aifées d’être pipées ; 6c
les plus greffes fotifes rencontrent
U R S toujours des efprits auxquels elles
font proportionnées. .
Mais la vérité n’en eft pas moins
refpectée de tous les hommes , de
ceux même qui ne la connoiffient
que de nom ; & les Mathématiques
rien font pas moins la fcience par
excellence, puifqu’étant certaines
ôc évidentes, elles font dignes de la
recherche & de l’amour de toutes
les âmes bien nées. Ce rieft pas
quelles doivent former l’unique
étude de l’homme. Quand l’efprit
humain ne s’occupe que d’un feul
objet, il borne tellement fa lumière
ôc fa capacité, fuivant un des plus
beaux génies de ce fiècle (b) ; il
émouffe tellement fa pénétration,
qu’il n’acquiert pas fur le fujet même
, dont il s’occupe tout entier
la même étendue de connoiflances
qu’il fe procureroit, s’il avoit acquis
plus de forces ôc de fécondité
par la variété d’étude. Celui qui ne
connoît bien qu’une chofe, & qui
n’aime quelle, fe trompe fouvent
dans le jugement qu’il porte fur les
autres ; ôc il n’y en a point à qui il ne
contefte une partie de leur prix.
Toutes les fciences doivent donc
être également chères à l’homme.
Elles font les inftrumens qui perfectionnent
la raifon. Elles élèvent
l’ame , lui infpirent une certaine
grandeur qui l’annoblit, ôc la détachent
de ces puérilités, de ces
(a) L ’art de penfer, pag. x r n de lafîxième (b) Croufa\ > dans la Préface de (on Traité
édition. d'Algèbre*
riens , auxquels les perfonnes peu
inftruites donnent tant d’importance
, ôc dont elles s’occupent ôc
s’agitent pendant toute leur vie.
En un mot , elles fourniffent fans
ceffe à l’efprit un aliment, qui en
le fortifiant contre toutes les vicifi-
fitudes des chofes humaines, lui
procure une tranquillité permanente,
feule capable de rendre les
hommes heureux.
FAUTES A CORRIGER.
_JP Age I i au titre, ligne 3 , Philofophes, lifi[ Mathématiciens.
Pag. 6 , col. 2. lig. 2 2 , Afpicedes, lfe{ Àfpicies.
Pag. 3 7 , col. 2. lig. 2 1 , fortifiée, lui fit, life\ fortifiée, on lui fit.
Pag. 7 1 , col. 1 , lig. 1 7 , temps fon, li/t{ temps que fon.
N. B. Dans le Difcours préliminaire, j’attribue la Préface de l'Analyfe des infiniment
petits au Marquis de [Hôpital, Auteur de cette Analyfe, quoiqu’on en fàflè
honneur à M. de Fontenelle : mais en fuppofant que cela toit , c’eft toujours fuivant
les idées du Marquis de [Hôpital que M. de Fontenelle parle. Ainfi fon fentiment fur
l’inventeur du calcul différentiel doit être regardé comme celui de l’Auteur du
Livre même, je veux dire de VAnalyfe des infiniment petits.
1?Approbation & U Privilège font au premier volume de tEdition in-12,